Pūranga Kāwai: Mei 2020

Chute de pierres

Chute de pierres
pour peu que le montagnard crabotte
le geste s'accomplit
 
En plein sur le râble
en étourdissement
l'ébranlement
 
Puis l'éveil
en bordure du ruisseau
dans une prairie d'altitude
 
A entendre le roucoulement
du tétra lyre
à qui tout se dit :
 
" Jusqu'en ce moment
j'ai pactisé par peur
avec les choses de la vie "
 
" J'ai enfilé les rôles
pour collier de perles sèches
être le chien complice du maître "
 
" J'ai évité
je me suis dissous
j'ai laissé passer l'age "
 
"  Alors que le bouquetin
mange des épineux
j'ai préféré le jambon beurre "
 
" J'ai foulé la terre
et n'ai vu que mes orteils
noircis par manque d'oxygène "
 
" Alors le loup vint
sautant de pierre en pierre
vers sa dernière prière "
 
" Sois de glace
devant la canicule des mots
tais-toi "
 
" revêts les dix plumages de l'année à bon escient
   - le brun pour le premier hiver
   - celui à longue queue pour le printemps
   - quelques couleurs au joli mois de mai
   - la parure sémillante au seuil de l'été
   - L'ébouriffé dans le dédale du pierrier
   - le suint des sueurs sous les sapins
   - la timide apparence devant l'ombre oscillante
   - la prudente attitude sous les pluies de l'automne
   - la branche frissonnante aux premières gelées
   - la doudoune dodue pour se protéger du froid
 
Pâle signification
d'un soleil en solstice

Prise de conscience de la voie
présence au monde
vraie vie de l'instant
par saveur de plénitude

inventer son nom

avoir l'œil ouvert et le cœur battant

le tunnel mène à l'air libre

les terres fument après la pluie

le silence en accueil
de soi
de l'autre
de l'aube
du jour et de la nuit
me te kotahitanga

embrasser ce qui vient
perpétuer le respir
être éternel
telle l'essence de la vie
pour se dire
que la mort a été tuée

et chanter la berceuse des jours heureux
en compréhension et maîtrise
de notre âme
en basse continue du chant de l'être 
au gré du glatissement de l'aigle.
 
 
 
601

Au tunnel de la grotte appareillée

Au tunnel    
de la grotte appareillée,    
entrée les oiseaux de l'aube,    
au cliquetis de la clé    
le son sourd du tambour    
racle les murs humides    
près de la roche,    
vivante émeraude    
vibrant aux assauts    
d'une bougie dansée.        
 
Accélérer le rythme    
jusqu'au cœur,    
la poitrine stridule le chant    
du clair exil    
d'où nous venons,    
coquelicot levé au printemps    
en lisière des blés    
à croître par temps de matin frais    
les mains remisées dans les poches    
de la houppelande.        
 
Pistil à demeure    
pour que l'abeille bourdonne,    
offre gracieuse    
en lisière de bois    
près de la rase aux eaux claires    
roucoulant d'aise    
sous l'herbe courbée    
par nos courses aux joues écarlates    
allant vers la fontaine    
rejoindre le passage des anciens.        
 
L'animal surgit    
et nous courons nous mettre à l'abri    
pour le retrouver, kia noho,   
à nous barrer le chemin,    
nous les mendiants de l'amour,    
décatis de l'esprit,    
les échangeurs de pastèques,    
quand la plaie profonde nous appelle    
au gré des étendues champêtres    
près de la faille aux centaurées gardiennes.        
 
Rose mutine    
de rosée recouverte    
conversant avec le bleuet    
pendant que passe    
pivoines aux grappes lourdes    
le cortège des animalcules    
pétries de saintes intentions    
sous la couverture paysagère    
de cette grotte habituée    
au cliquetis d'été de la terre.        
 
Regarde-toi,    
de ton passé    
fais un moulinet d'énergie,    
de l'héritage parental    
fais l'humus de ta croissance,    
de l'appartenance à la terre    
fais la gratitude,    
du lien à ton âme    
fais une quête sans fin    
au milieu du grand mandala.        
 
 
600

Le trou bleu

    Un trou bleu    
aux lèvres calcinées    
remontait des entrailles.        
 
    Fallait-il que je m'en souvienne    
de cette enfance cloîtrée    
où ma tête en déraison    
cognait contre les murs.        
 
    Entre les rochers à fleur d'eau    
je godillais ferme    
à ne retenir pour toute forme    
l'âge qui venait    
de l'anneau de fer    
aux mouettes de l'enfer    
vers ces mers du sud
objet de mes rêves de finitude.     
 
    Les parois de métal gris    
Retentissaient des chaînes    
que les esclaves traînaient.        
 
    Il y avait un avant et un après    
mais là, point d'horizon    
les remugles en tous sens     
baignaient dans l'oppression    
nous voguions vers la vie    
moi le mort-né    
en quête d'un rivage    
échoué tel le pantin magnifique    
de sang et d'or mêlés
sur la terre des dialogues éteints.               
 
    Survint sur le tard     
la femme espérée    
que même les loups    
hurlèrent de reconnaissance.        
 
    Il y avait fête en forêt    
où de sombres labyrinthes    
pouvaient recevoir la cérémonie    
un rai de lumière    
perçant la frondaison    
en la clairière des instincts.        
 
    Je devais mettre des mots    
mais les mots ne disaient rien    
même à l'encre violette    
sur la table maculée d'encre    
le pot à lait renfermait    
le précieux nectar    
et la chaînette tintinnabulait    
aux tendres courbures    
du temps futur.        
 
    Réveille toi    
rassemble tes effets    
pour peu que l'orage éclate    
au bord du fossé    
nous irons quérir la jonquille et le narcisse     
pour peu que l'autobus scolaire vienne,    
le trou bleu nous attend.        
 
 
599
 

Un rond dans les nuages


    Un rond dans les nuages   
au creux des vagues    
le regard sur le moussu de l'eau    
la foule se précipitait    
dans un brouhaha ahanant    
aux abords de l'enceinte    
l'incorrigible foi    
faisant se rassembler les gens    
sans que l'expression soit claire.        
 
    Ils étaient là    
gouttes de sueur    
de toutes les couleurs    
à se mirer dans le miroir    
genoux fléchis     
sans que sébile tinte    
à tendre les yeux    
vers le fond du ciel    
une bougie allumée à la main.        
 
    M'attendrai-je à l'équinoxe    
la fenaison faîtes    
au grand feu de la Saint-Jean    
pour conscience élevée    
se prendre les pieds dans la révélation    
au gré des ouvertures    
au son de la flûte    
à offrir en cadeau    
le pas de deux de la cérémonie.        
 
 
598

Toile peinte

Toile peinte    
regard éteint    
marche saccadée    
~ douce voix.        
 
Des murmures dans la nuit    
l'ombre fait patte douce    
la guirlande cligne des yeux    
~ je tapote la table de formica.           
 
Un verre à la main    
la moustache rêche    
à petites lampées    
~ comme au bon vieux temps.        
 
C'est par là    
qu'il faut aller    
au baston    
~ la Terre est ronde.        
 
Lever le nez    
un vent nouveau    
écaille la peinture des baraques    
~ hourloupe du message.        
 
Saupoudré de poudre de riz    
le rire écarlate écarte    
les tentures de la scène    
~ passage au miroir.        
 
 
 
597

Dialogue échangé en résonance de ce qui est

De toi au grand vent    
la relation    
le chemin de l'âme advenue    
un degré vers la grâce.        
 
Un échange    
dans la conjonction des regards et pensées    
le verbe en son meilleur    
nous mène à l'infini.        
 
Le dialogue    
pimenté d'inattendus et d'errances    
au déliement du lien    
ne sait pas ce que l'autre va dire.        
 
Tout résonne    
for l'inconnu de l'esprit    
vers cette joie    
ce va-et-vient de l'instant.        
 
Cet instant de vraie vie    
sans la saillie de l'outrance    
sans que la vague recouvre l'élan    
avec le "oui" tout simplement.        
 
Traces des combats de rue    
orgueil des va-t-en-guerres de l'instinct    
déposons armes et promesses    
pour que paix survienne.        
 
 
 
596

Basalte vert

Basalte vert    
aux chiens courants    
que leurs maîtres appellent.        
 
Oreille posée sur le rectangle noir    
la voix porte bas    
sous la frondaison ventrue.        
 
Mésange des anges    
nourrissant mésangette    
dans un frisson d'amour.        
 
Marche marche    
sur la terre souple    
l'âme en terre sainte    
sous la lumière en sous-bois    
soutenant le goût du vent.    
       
 
 
 
595

Le voile bleu du mystère

     Le silence fait du bien   
pour le bleu du bleu.        
 
     Écorner la page blanche    
fermer les yeux fait du bien.        
 
     Montagne bleue et mer bleue    
vaquent les poissons    
l'oiseau persan s'échappe    
me parle à l'oreille    
attentive et discrète    
la musique des mots bleus    
c'est la marche nuptiale    
debout en souriant    
le cœur plein d'envie    
ça serre tout contre  
le bleu de la présence   
he ringa totoro    
l'oubli du monde    
le lieu des origines    
le voile bleu du mystère.        
 
 
594