Pūranga Kāwai: Akuhata 2017

A l’ombre en canicule

   A l'ombre, en canicule
s'ouvrir aux pensées remontantes
s'ouvrir aux fièvres de la nouveauté
s'ouvrir aux clarines du troupeau
s'ouvrir au repas dominical
s'ouvrir à la photo de famille
s'ouvrir au portillon qui grince
s'ouvrir aux miaulements du chat.

A l'ombre
en canicule,
savoir mûrir sans se flétrir
savoir recevoir la parole qui vient
savoir donner une parole à qui est là
savoir remplir de lumière le regard
savoir sourire à qui sourit
savoir presque sourire à qui ne sourit pas
savoir garder contre son cœur le précieux
de la rencontre.

A l'ombre,
en canicule,
remplir de bienveillance le frôlement du vivant
remplir d'une sieste la fatigue du moment
remplir d'attention la venue de l'enfant
remplir de miel l'orage du conflit
remplir à dessein la porte qui s'ouvre
remplir de douceur l'écarlate d'une prise de risque
remplir la gêne d'une brise légère.

A l'ombre en canicule,
remercier le verre d'eau de l'amitié
remercier d'être entendu
remercier la pomme qui craque sous la dent
remercier d'avoir à gravir le quotidien
remercier le petit matin qui nous sort du noir
remercier le chant des insectes des champs
remercier le temps qui passe.

A l'ombre
en canicule,
amener l'enfant à l'écriture de son avenir
amener la mère à la vigilance des siens
amener le père à la proue du navire
amener le vieillard vers l'odeur des foins coupés
amener le ciel à s'ouvrir entre mur et feuillage
amener un air de fête sur la pierre dure
amener la vie en communion fraternelle.


356

kua tau te kihi

   A fleur de peau      
~ un baiser s'est posé.

Papillon fol'enfant
~ de nos rêves.

Farandole des reflets
~ des bulles en surface.

Une louche d'étain
~ pour mettre à nos lèvres.

Le vent dans les frênes
~ pour se rafraîchir.

Le ciel bleu mission
~ procès éternel.

Quelques pas dans le ruisseau
~ un sourire échangé.

Mains jointes
~ pour l'assoiffé.

Une flamme sur ton front
~ l'œil si mystérieux.


357

toku ringa mingimingi

   Vituperating Splint   
o to reo
te whetu o to tatou aroha
tangi i te hari
pikinga
te pikitanga ngawari
o to tatou rerenga.

Mataku
me te tino ngawari
ka huri te hoia i tana pu
i raro i te birch wiri
o ngahuru
whakaaro o te poi
me te kore e puta te marama.

Hīkoi
haere i te tapa o te pari
noho mo te iti
kati ou kanohi
iti rawa te rehu
i runga i te paerangi
o te mana'o hopea.

Karangatia te pirepire
korero atu ki a ia kei te mate ahau
i waenganui i nga perepere me nga blueberries
i raro i te maru whetu
me te korikori tino pai
kia ora te tupuhi
o tona kaata e ngaki ana.


355

Et puis le sens en déliquescence

 Pieds nus   
 sur la Lande   
 le bâton bien en main   
 la musette à l'épaule   
 le bonnet recouvrant les oreilles   
 derrière les vaches   
 aller vers la cabane   
 le chien aux trousses   
 faisant ce qu'il voulait   
 de taupinière en taupinière   
 puis levant son museau terreux   
 les yeux demandeurs   
 vers l'attente infinie. 
       
 A front renversé   
 se remettre du départ d'Orion   
 aux délices du jour   
 respirer l'air du matin   
 aller sentir l'herbe de rosée pigmentée   
 ranger deux trois objets   
 se passer de l'eau sur le visage     
 accueillir la pensée.  
 
 Et puis le sens   
 au délire du sens   
 en déliquescence   
 dire quelque chose   
 qui vaille la peine   
 qui fasse connaissance   
 du sens dans la direction assumée   
 du sens hors sensation   
 du sens essentiel   
 de l'excuse et du désir.   
   
 Pour bulle d'air   
 éclatée à l'air libre   
 claquer l'arc-en-ciel   
 contre l'écran blanc d'une salle sombre   
 hors mystère   
 sérier de près la justesse d'un son   
 sur l'autel sacré   
 des murmures sourds   
 entrer par la porte des cérémonies.  
 
 De blanc vêtu   
 au rai de lumière apparu   
 être le pas   
 sur la dalle de basalte   
 le pas sans hâte   
 que l'élévation d'un chant   
 transporte à la croisée des nuages.   

 Joie,   
 ressentie au cœur,   
 contact du Réel.   

   
354

tu me viens ô lune assouvie

  Tu me viens    
dans la nuit
ô lune assouvie
femme de la contrée
enfant des herbes folles
vieillard familier
tard dans le miroir
sous la caresse des souvenirs.

Lève les yeux
allume les torches
au temple des attentes
sois sainte femme
arc-en-ciel de désirs
sois l'enfant
assis sur la margelle du puits
sois le vieillard oublieux
aux futiles pensées
sois la mèche
qui allume le feu d'être soi
sois l'oreiller aux mille perles
en l'accueil de ce qui vient
en allégresse sage
une pincée de tendresse
au dévers du chemin
bras tendus vers l'étreinte
lumière vacillante
du jour naissant.


353