Mine de rien je vis

 Mine de rien je vis   
 dans les encombrements   
 le cœur de nos parents    
 les marsupiaux   
 enserrés dans le creux des arbres.  
    
 Point n'eût fallu   
 ces élans matrimoniaux   
 pour accorder pareille méprise   
 du dextre et du senestre   
 à l'épée de justice.    
  
 Mêlant les souvenirs à l'ouverture   
 ensemençant le champ de nos ancêtres   
 il nous parut d'un autre âge   
 Lui, si grand à contre-jour   
 dans l'encadré de la porte.   
   
 " Mesurer ses pensées ne me convient pas "   
 maugréait notre père à tous   
 ce vieil évaluateur de l'autre temps   
 cet adorateur thuriféraire des choses bien faites    
 que le moindre sourire faisait vaciller.     
 
 Au fripé des nuits de coton   
 la lune est belle   
 à demeure   
 tant que les heures coulent   
 au zoo des temps heureux.      

   
 448 

la déchirure s’est rouverte

   Fruit sec décollé de sa gangue 
claquement de langue au crépuscule
la cicatrice s'ouvre
passagère clandestine de la nature profonde.

Point de mouvement
juste l'appel du chorège
chargé d'organiser le passage du gué.

La fièvre n'est pas punition
pour le lutteur d'absolu.

La peur est grain de foi
pour la jeune pousse
dont la graine vient d'éclore.

La matière par devers lui
n'apportant que douleur
nous convînmes d'appeler le fils de l'aube
au marécage des émotions
et de salive épanchée
faire rosir la cicatrice
gage d'oblation.

De ses yeux rayonne la lumière
toujours et partout les ténèbres fuient
le rythme des tambours s'élève
le temps est au recouvrement.


447

construire quelque chose de neuf

   Aux trois âges   
pommelle des fenêtres que l'on ouvre
puis ferme
pour les rouvrir à nouveau.

Remonter vers la lumière
impose la descente subséquente.

Grandir
petit de l'homme et de la femme
jusqu'à l'adolescence
oblige la première descente
où l'être nouveau brûle
en la consommation de sa puissance animale
alors que l'élan de la relation est là.

Au port que le navire aborde
reflet des abîmes traversés
l'adversaire rassemble les épreuves passées.

Kukhala, le cœur brisé
il faut joncher le sol de nos fleurs fanées
et s'ouvrir au moins que rien.

C'est alors que la nouvelle terre paraît
où mettre en sacs les dernières moissons
sous un ciel de feu
qu'un souffle propice échancre
et plonge une dernière fois
descente inexorable
vers la gueule du Léviathan.

Séparant le grain de la balle
fracassant le germe
sur l'échéancier des parousies
assisterons-nous à la levée du pain de vie ?



446
( détail peinture de Frédérique Lemarchand )

il est temps de se mettre à l’ouvrage

   Vers le haut de la montagne   
à la cime des arbres
pendent les chiffes colorées
que les rapaces ont dispersés.

A l'affût près des roches moussues
à la source intérieure
le loup guette
le museau frémissant.

Montent de la vallée
le cortège des humains
raclant de leurs souliers cloutés
les cailloux du chemin ferré.

S'arrêtant dans la clairière
ils déposent le fardeau
ce corps mort
sur un tronc d'hêtre brisé.

S'élèvent les chants de l'autre temps
d'ailleurs et d'aujourd'hui
mariage des sons gutturaux
et des plaintes légères
tel un feulement amoureux finissant.

Par dessus la forêt
l'astre solaire explose
écartant les brumes matinales
il redresse les forces inversées.

Yakwana nthawi yoti mugwire ntchito
kuyala mame pamasamba
ndiye kuyatsa moto wa kubala
kuphuka kosatha.


445

Les petits papiers secrets

 Wa nthenga zabwino   
 mbalame ya hummingbird inagwa m’chikondi.  
    
 Maso atsinzina   
 kukumana ndi kusungulumwa kwaubwana. 
     
 nkhonya   
 ngati palibe chabwino kuchita.  
    
 À demeure l'au-delà se recueille   
 nthawi ikasweka chitoliro chake.  
    
 À genoux devant la fontaine   
 kangaude aliyense wamadzi amayeretsa.  
      
 Mzere wa ngale
 magazi a diso tale fleurette.   
   
 Chikumbukiro nthawi zonse chimakumbukira   
 kuti ndisakhalenso ndi misozi.
      
 Dziwani mphatso ya misozi   
 matrice des connaissances.
      
 Kwa zaka zambiri   
 kupitirira kupitirira kwa kudzikonda  
 dutsa gule wachabechabe   
 perekani nkhani yoyambira   
 perekani ziphunzitso zazikulu    
 kudutsa mabala   
 passe la nostalgie de l'ailleurs.
            
 Au gré des portes qui se ferment   
 s'ouvre un mutisme tempétueux   
 s'ouvrent nos vies minuscules   
 s'ouvre la nuée des tendresses    
 s'ouvre la nécessité de prendre soin   
 s'ouvre la parfaite adhésion à ce qui est   
 s'ouvre un sens à sa vie.  
    
 À la cloche de l'étude   
 j'ai mis mon tablier gris   
 et sa ceinture bien serrée   
 avec au cou   
 la médaille miraculeuse   
 et ces petits papiers secrets   
 attachés aux bretelles   
 de la culotte en velours côtelé.   

    
443

Nos visages enceints

 D'un revers de la main   
 il a convoqué le signe   
 apparu sur l'écorce du hêtre   
 embranchement des tensions   
 d'une poussée verticale   
 alors que le frisson parle   
 au cœur de l'humus foulé   
 par la galoche cirée.  

 Il est des nuits de lune pleine   
 kuwaza ndi nyenyezi zabwino   
 m’mabwalo a midzi yosatha   
 atapachikidwa pa nkhafi   
 kutentha kwa tsiku kunatha   
 que rosit les joues fraîches   
 za nkhope zathu za mimba. 

 
444

Ndakugwira iwe ukundigwira

 Ndakugwira iwe ukundigwira   
 pa mbuzi   
 ndipo gwira mphepo yokha   
 ndi boule d'or   
 kugudubuzika pansi pa chigwa   
 vers la cupule des origines.        
    
 Ndikulota ndikukugwirani   
 pa mbuzi   
 pamene mukugona   
 munthu wotayika   
 kuyiwala zopusa   
 popanda thandizo popanda njira.    
  
 Ntchito yatsopano ikubwera   
 mwana wamng'ono amalota ali m'mimba mwa amayi ake   
 ndipo funso ndi lolemera   
 Kugona mopanda kanthu kunalibe phindu   
 zowopsa   
 kuposa kuyang'ana m'mbuyo.      
     
 La boule d'or plonge   
 chithovu chimakwirira   
 phokoso la chiseko chowunjikana   
 kukwera mapoto akuluakulu   
 l'enclume sonne le dernier rappel   
 kuswa dongosolo la zinthu.      

    
442

La présence à ce qui s'advient