Archives de catégorie : Novembre 2022

Luce ma sœur Luce

On m'a dit que je pouvais la ficeler   
cette mort opaque et rance   
ce paquet de craintes accroché à notre col   
et qui nous terrifie   
quant aux idées dont nous l'affublons.         
 
Etre le "moi" des accumulations   
l'exsangue bassine des moires et des mémoires   
l'enveloppe que nous avons usée   
une fortune que nous avons déboursée   
pour ne pas mourir trop tôt.      
 
Dans l'espoir d'une science nouvelle   
à prolonger la vie   
à congeler pour une durée indéterminée   
le corps en tête à tête avec le temps légal   
nous retardons l'irrémédiable.      
 
Au festin de la vie   
avons invité le monde des opposés   
désirer quelque chose d'agréable et craindre de le perdre   
mais point s'en faut
c'est la débacle.    
 
Vivre d'instant en instant   
sans réactivité aux défis   
accrocher menue quincaillerie   
sonnante le jour dissonante la nuit   
en promesse  d'allers venues concernés.      
 
Aimer la relation   
par l'accueil direct de ce qui est   
en conscience de l'inénarrable surprise   
d'avoir à assiter   
au lever du soleil.      
 
Le monde appartient à la vie   
la mort appartient à la vie   
cette affaire de partir puis de revenir   
emplit notre calebasse d'expériences   
en vue de nourrir la sagesse.      
 
Luce ma sœur Luce   
sans peur sans reproche 
évadée des traitements de la maladie   
sois grande    
facettes ouvertes aux énergies cosmiques.      
 
1156

Les grandes oreilles

Marche des étoiles   
à petits pas   
d'une étreinte harmonieuse   
la pierre des ancêtres 
en grand équilibre   
permet l'expression de vie.      
 
Chuchoté de par le monde
la nature nous narre  
le degré d'exigence   
de formes et d'aspects   
pour Force agissante   
faire sérénité de tout.     
 
A la fourche du partage   
l'autre face des choses révélée   
il fût temps de s'engager   
en liberté retrouvée   
entre l'eau le feu l'air et la terre   
vers la beauté ordonnée.      
 
Ecrasé   
renversé dos au sol   
il fût céans de regarder vers le ciel   
la graine de lumière   
jointe au plus obscur de soi   
dans le procès de transformation.      
 
Eclos   
en recréation   
par plongées successives    
avons fait notre la demeure céleste   
sans que cède le noyau   
devant le déploiement des ailes mauves.      
 
La matière pèse   
aussi changer de niveau   
est admettre   
que le poudroiement des rencontres   
ouvre avec aisance   
la panoplie des sens..      
 
1155

L’aïeul

A l'époque   
il suffisait d'un coup de main   
puis passant son chemin   
quignon de pain en poche   
aller jusqu'au lendemain.      
 
La peur s'arrêtait quand vieillesse venait   
et le cycle se poursuivre   
station debout   
cerveau vacillant   
contre une porte de grange.      
 
Le but   
une réponse adéquate   
chopine dans la poche   
les yeux remplis de fatigue   
hululement de chouette aidant.      
 
Se soulever tête droite casquette enfoncée   
dans la froidure du matin   
à même la paillasse   
sans s'être déchaussé   
mitaines gardées.      
 
Confiance confiance   
elle viendrait de la fontaine   
des fleurs dans les cheveux   
me prendre par la main   
chantant une comptine.      
 
Avenir et passé mêlés   
brumes d'une rêverie disposée   
tenir les deux bouts du bâton   
puis décliner comme papier d'identité   
l'avis de conscription.      
 
Bruits de chaînes   
parmi les ronces de la haie   
les baies rouges pleurent quelques gouttes de rosée   
réajustant sa musette   
se perdre dans de vagues pensées.      
 
Raconter cette histoire   
n'empêche pas d'être disert   
pour mémoire blanche   
se repentir d'avoir dessiné   
les contours d'un programme révolu.    
 
Trace originaire   
terres vierges défrichées   
destinée chargée de sens   
avons aligné au cours du passé   
les cailloux du voyage.      
 
( détail d'une œuvre de Jean-Claude Guerrero )
 
1154

Fais ta jolie

Fais ta jolie   
d'herbes et de branchettes
accomplie
d'être parmi la louange
présence de l'enfant.

S'évanouiraient
pierreries et feuilles d'arbres
que les mots pour le dire
seraient vertige
pour Louna la plus belle.

A se souvenir de près
d'être du Royaume
nous serions selon la tradition
les assoiffés du faire et du vrai
adorateurs de la Lumière.

Ecrire écrire
le corps des gens
au respir de l'air de la ville
les années passées
comme mourir par effraction.

Sur le marbre
des offrandes perpétuelles
un message pour se dire
que la soif et le chant
sont le livre d'heures que nul n'efface.

Le linge sèche
les oiseaux bruissent
les cerises tombent
au gré de l'orage à venir
un saut sera exécuté.

Glisse la vie
du haut de la colline

à se mirer dans l'onde
soyons affectueusement
les témoins de la brume.

La présence à ce qui s'advient
au mirliton des afflictions
nous engage et nous convie
à marcher dans l'Univers
du Souffle et de l'Idée.

Près de la Source
tout est lié
de l'urgence à l'absence
le regard porte loin
la délicatesse du Silence.


1153

Effeuillage.1

De sable et de sang mêlés   
enfreindre la porosité des soumissions.      
 
D'une cuiller accueillant les fadaises   
ouvrir la fenêtre des outrances.      
 
Passer la tête dans l'encoignure   
paraphrase la surprise.      
 
Surdité devant le miroir   
fiche un coup de poignard.      
 
Il n'est de guerre en raspoutitsa   
que le piétinement d'une harde de sangliers.      
 
Se frotter les mains sur le bois pulvérisé   
sèche les pleurs.      
 
Un baiser de paix mouillé   
à offrir au firmament des amants.      
 
Eviter le compagnon permanent   
pour ourler de tendresse la fuite des jours.      
 
Flasque vidée à même le veston tâché   
à quoi bon cet entregent.      
 
Brume légère frisant les prés   
matellase l'élan de vie.      
 
Le gravier des mots parfois   
arbore le gai savoir.      
 
Au sécateur des urgences   
un doigt de trop sur la patère.      
 
L'arbre graphique vers l'abîme   
mise en orbite d'une éclosion.      
 
A se demander s'il est temps   
d'égoutter les couleurs avant la nuit.      
 
Jamais Beauté ne pût brasser l'émotion   
que par la Voie des choses dites.      
 
Œil ouvert et cœur battant   
le poète au vide médian.      
 
Rencontre entre le monde et un regard   
dévisage le flétri de l'esprit.      
 
Un calme étrange fait de nécessités   
il est temps de donner sens.      
 
Blesser la Beauté   
le papillon redevient chenille.      

Solitude et concentration à bout de bras
portées jusqu'au ciel.
 
Au cartel des écarts, silences et brisures   
advenue du plein.      
 
 
1152

Le pas du Géant

Qu'est-il ?
qui il est ?
qui il est celui là ?
pas le rat des champs   
sûrement pas   
le rat des villes.      
 
A mesure de la main   
effleurant le parapet   
qu'eût-il fallu de plus   
en songeant aux enfants   
qu'un pas du Géant   
se déplaçant élégamment.      
 
La robe de feutre s'est ternie   
de par les rues froides du VII ème   
pas même rue du Paradis   
à contempler les pigeons d'amour   
sur les cheminées du petit Savoyard   
noir de suie au cœur blanc.      
 
Plomber les marrons chauds   
d'une main l'autre   
à éviter le feu qui couve   
entre nous de la veille   
depuis l'origine   
où se maquiller de silences.      
 
Il rappliqua au galop   
fit tourner le cerceau   
une dernière fois   
au touché coulé de la relation   
aux ombres de l'Errance   
point de considération.      
 
Vie aux bifurcations abouties   
en quête de la Source   
caressée par les rochers de nuit   
il eut fallu du courage   
le passage posé là   
et de la pluie le posé de la légende.      
 
1151

Le temps en bandoulière

Laisse des années lumière   
taille de guêpe   
poudroiement de quelques romances   
sur feuilles mortes d'automne.      
 
Rassembler les soirs de frime   
en faire un feu pour la rime   
augure du vent venant   
la chansonnette de l'instant.      
 
De fines coulures d'esprit   
font solides échancrures   
sur le cuir des souvenirs   
le rire en cale sèche.      
 
Brille au doigt de ma mère   
la lourde chevalière   
d'or et d'un rubis affublée   
mémoire de Saint-Nazaire.      
 
Dans le désert jappent les fennecs   
aux dunes d'avenir le refrain   
d'un pain sorti de la panière   
de rotin chanfreinée.      
 
Flanelle ajourée   
romance des soirs d'été   
dansent sur la margelle   
les lutins de la fontaine.      
 
Sous l'unique lampe   
l'eau de vaisselle refroidie   
mains dans l'écume jaunie   
les doigts croisés.      
 
Tranches fines   
le passé se délite   
heurtant comme à l'accoutumé   
le clapet des remontrances.      
 
Il n'est que de vivre seul   
d'une pincée de sel   
du rivage à la dune   
s'efface la trace de l'enfance.      
 
Visage las   
les traits tirés par le sourire   
accrochés sur la patère   
les habits mouillés de la veille.      
 
Des entrées souterraines   
vers l'escalier et que la porte grince   
tinte le pas lourd du grand-père,   
s'éteignent les violons.      
 
Vitrail des pluies dégoulinantes   
à grand renfort d'un souffle rauque   
s'emplit la maisonnée    
d'ordres et de contre-ordres.      
 
Coquille écrasée devant l'entrée   
poules piaillant d'aise   
en ribambelle sont montées du Pradou   
les bacchantes de juillet.      
 
Serrant contre soi   
l'agneau de la veille   
avons comparu devant l'avaloir   
en innocence de la souffrance.      
 
Grimpant à la cime du frêne   
agitant l'ombrelle de la feuillée   
elles ont rempli les seaux de zinc   
d'un lait aux rides poisseuses.      
 
Remonte peu à peu   
de l'encoignure le frisson   
des étoiles au sortir le soir   
d'une camisole de sueur séchée.      
 
Sur la route dans la flaque d'eau   
les bateaux de liège   
frisent leurs moustaches   
de fin de fête.      
 
Echos noués par la froidure   
les doigts gourds la bouche sèche   
avons rempli de petits bois   
la toile du grenier.      
 
Rencontre singulière   
dans la courbe de Rezentières   
au bas côté des sentiments   
 Hermann Hesse.      
 
Avons vécu serons vécu   
images et sons   
brinquebalant la cargaison   
du bien aimé toute honte bue.      
 
Fermez le ban   
recouvrez l'esprit de famille   
le temps brûlant les planches   
d'une fin de représentation.      
 
 
1150
 

Tendre frayeur

Tendre frayeur   
de la robe aux ajoncs   
à Carpentras le nougat   
se pavaner dans l'allée des Alyscamps.      
 
Murmurer   
pour s'entendre dire    
qu'il faut partir   
avec armes et bagages   
entre dextre et senestre   
retrouver un peu de vigueur   
pour que lune pleine   
prendre un aller simple   
à la closure des Lilas.      
 
Plonger dans la déréliction   
aux tréfonds de soi   
sur le pont du vaisseau   
une trappe   
y descendre et farfouiller   
longtemps encore   
parmi les hardes abandonnées.      
 
Puis sortir   
mâchuré par la grande lessive de la veille   
d'avoir monté la garde en limites du limès 
les pieds dans la raspoutitsa   
à contempler le ciel étoilé   
bien prêt de lui   
ce grand soir   
sous les lumignons de la guinguette   
attendre que la poitrine éclate.      
 
Au matin   
la joie douce d'être en vie   
genoux endoloris et tête libre   
étonné d'être   
à regarder l'azur    
dans l'écarté de la forêt   
pour ensuite s'immiscer   
entre les barbelés   
jusqu'à ce que le vent l'emporte   
et nous ramène à la source.      
 
1149

Pleine lune enfantée

Cinq doigts de lune   
à la voix crayeuse   
sur la guitare sèche   
clapot des eaux dormantes.   
 
Les pleurs se figent   
sur l'astre ébloui   
pleine lune enfantée   
par le vieil océan.      
 
Sable où se fiche la flèche   
joyau de la gangue   
le paysage de l'âme   
s'ouvre sur l'unique point.      
 
L'aube se lève   
se taisent les oiseaux   
au vent brûlant   
d'une aube assoiffée.      
 
La terre roule   
l'espace est immense   
le noir intense   
force cruelle.      
 
Tirons la Merveille    
à courte paille   
du clairon doré   
la réponse sera.      
 
L'écartement des lèvres   
livre sa fibre   
fissure initiale   
pour primitive conscience.      
 

1148

Quand passent les grues cendrées

Chien et chat se sont rencontrés   
sur le trottoir d'en face    
et ça faisait longtemps   
qu'ils ne s'étaient pas vus   
aussi jappements et miaulements   
ont enjoyé la maisonnée   
jusqu'à ce que balai saisi   
le maître des lieux    
leurs suggère d'aller faire ça ailleurs.      
 
Fable des profondeurs   
en accueil de notre animalité   
il a fallu des vertes et des pas mûres   
pour que passent les armes   
à se nuire s'abrutir se détruire   
nous les hommes et femmes de couleurs   
de l'enceinte arc-en-ciel   
couronnée d'olivier et de médailles
aux fins de magnifier la concorde     
sous la vasque de paix.
 
Bêtise assumée   
à portée des matins clairs   
où le ciel en toilette   
sort des replis de la nuit   
à se demander quelle absurdité   
sera fourguée aux prestataires de notre Terre   
la douce la propice passementière   
prête à broder le ruban de tulle fraîche    
sur le museau des animaux réconciliés.      
 
Un siège rouge   
au paradis des écrits   
écorne les assis levés couchés   
des phases de la vie   
à émailler d'un revers de pensée   
la conque céramique recelant le breuvage   
quand traversant l'horizon 
les grues craquettent   
avant que neige et frimas viennent.      
 

1147