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Tradition et révolution

   Il est des traditions humaines qui ont tendance à stagner et à s’altérer. Ce sont celles qui s’attachent à des objets et à des valeurs que le temps détruit impitoyablement. Elles sont liées à des choses contingentes et matériellescoutumes, modes, styles, attitudesqui changent fatalement avec le temps et sont remplacées par d’autres .

Il est aussi des traditions qui sont comme la respiration d’un corps, qui renouvellent la vie en empêchant la stagnation. Elles sont des révoltes calmes et paisibles contre la mort .

Ces traditions pour rester vivantes doivent être révolutionnaires. Elles seront toujours là parce qu’elles refusent les normes et les valeurs auxquelles la pensée humaine s’attache avec ardeur .

A ceux qui aiment l’argent, le plaisir, les honneurs, le pouvoir, cette tradition vivante nous dit de voir l’envers des choses, de chercher le véritable sens de notre vie, la paix de l’âme .

Les révolutions lorsqu’elles ne sont que politiques transforment les choses en apparence. Elles s’effectuent dans la violence. Le pouvoir change de mains, mais quand la fumée se dissipe et qu’on a enterré les morts, la situation est la même qu’auparavant. Une minorité d’hommes forts arrivent au pouvoir et font disparaître les opposants, à des fins personnelles. La cupidité, la cruauté, la débauche, l’ambition, l’avarice et l’hypocrisie sont les mêmes qu’auparavant .

L’alliance d’une tradition vivante et d’une révolution humaniste peut fixer le cap pour un dépliement existentiel respectueux des équilibres fragiles et mouvants dont tout groupe humain a besoin. Cette alliance ne peut être fermée sur des principes archaïques convenus, ni ouverte sur le tout-venant moderniste. Elle doit donner envie de croître, elle doit donner faim à l’esprit du groupe qui traversant la surface des mots devra aller au-delà de ce qu’expriment les mystères, pour dans l’humilité du silence, la solitude intellectuelle et une certaine pauvreté intérieure conjoindre au désirmoteur de notre humaine condition humaine-animale -, l’élan d’une intuition unique, vers une Vérité unique que nous possédons au fond de nous-mêmes et que nous connaissons parfois, par intermittence .

A ce stade de compréhension de cette humaine condition en marche, entre tradition et révolution, l’émergence des profondeurs de la psyché et de l’âme, de traits de lucidité et d’intuition, rencontre l’expérience existentielle dans la nécessaire relation communicante de ce processus de recherche impliquée aux hommes de bonne volonté, à tous les hommes en devenir d’être .

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la haine accable

Elle rassemble des êtres qui n’ont rien de commun les uns avec les autres, des êtres qui sont dans l’impossibilité de se fuir eux-mêmes ou de fuir les autres .

Forcés de rester ensemble, les hommes et les femmes de la haine brûlent sur place tout en essayant de se repousser mutuellement. Ce qu’ils exècrent le plus est moins ce qu’ils voient chez autrui que la haine qu’ils sentent que les autres éprouvent pour ce qu’ils voient en eux. C’est ce que les autres leurs renvoient de leur propre image et de leurs faits et gestes qui les fait se complaire dans la haine. Ils reconnaissent chez leurs frères et soeurs ce qu’ils détestent en eux. L’égoïsme, la jalousie, l’impuissance, la terreur, le désespoir, la haine, c’est le mal .

Ce n’est pas le mal qui est une entité négative, mais plutôt l’absence d’une perfection qui devrait être. Le mal est ennuyeux parce qu’il est l’absence d’une chose qui pourrait nous intéresser corps et âme, et intellect .

Ce qui peut nous attirer dans les actes pervers, ce n’est pas le mal, mais le bien qui s’y trouve, un bien vu sous un faux aspect, dans une perspective déformée. Un bien qu’on aperçoit comme un miroir aux alouettes, qui nous fait tendre la main, mais qui n’est qu’un appât dans un piège. Et quand le piège se referme, il ne reste que le dégoût, l’ennui ou la haine .

Les gens de la haine vivent dans un monde plein de trahisons, d’illusions, de manipulations, de mensonges et d’ennui. Et lorsqu’ils essayent de noyer cet ennui par le bruit, l’agitation et la violence, ils deviennent encore davantage ennuyeux. Ce sont des fléaux pour le monde et la société .

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kuperera nekuzvininipisa

 L’intégrité c’est être soi-même. C’est ne pas se croire obligé de devenir quelqu’un d’autre .

C’est ne pas user son esprit et son corps dans la folle entreprise consistant à vivre les expériences d’un autre, à écrire les poèmes ou à vivre la spiritualité de l’autre. Trop souvent les hommes se hâtent de se donner de l’importance en imitant ce qui a du succès, parce qu’ils sont trop paresseux pour imaginer mieux. Ils veulent un succès rapide et sont si pressés qu’ils ne prennent pas le temps d’être eux-mêmes .

L’intégrité coexiste avec l’humilité. Pour l’homme véritablement humble, les manières d’être, les coutumes et les habitudes des hommes ne sont pas des matières à conflit. L’humilité ne consiste pas à essayer d’être autre, comme si nous savions mieux que quiconque ce que nous sommes et ce que nous devrions être .

Comment pourrons-nous être nous-mêmes si nous menons la vie d’un autre ? Et il en faut du courage pour être simplement soi-même, en cohérence avec notre destin. Aussi l’angoisse que nous pouvons éprouver à maintenir notre équilibre, à être intègre, dans des situations difficiles, à continuer d’être soi-même sans dureté, sans imposer notre fausse personnalité aux fausses personnalités des autres, peut nous apprendre à devenir profondément humbles .

Une des caractéristiques de la personne humble est que les autres ne savent que penser d’elle . Ils se demandent si elle est folle ou simplement orgueilleuse .

L’humilité a pour sœur la solitude, celle des espaces infinis où tout advient, même le report des choses dites et par laquelle tout concourt, en l’aller-venu des conditions de l’esprit, au gré du vent des instincts , des passions et des émerveillements en ruine de sa propre image .

L’intégrité à pour soeur Athéna, l’orgueil d’être homme/femme debout, de tenir la barre, d’être verticale, prête à faire face aux adversités, à la commisération-réflexe, au doute et à l’enflure de soi .

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muchato wenyanzvi uye basa reunyanzvi

   Zvidimbu zveunyanzvi madhiri emagetsi anotimanikidza kuona mhedziso. Ivo isu bvunza kurara kwedu nekutimanikidza kubvunza .

Zvaonekwa inodana nyanzvi kuti ishamisike nezvaanoona nekudzvanya. Nyaya inoburitsa pachena zvakavanzika zvaro uye kusangana kunoitika pakati pemweya wemurwere, mucherechedzi uye kuita kwenyanzvi uye zvinhu zvinopingudzwa nekuzvirega zvichiumbwa . Nyanzvi inopinda zvinoonekwa, the sensitive, chaicho. Anovaita vake upenyu hwaanovapa asingavashanduri kuva zvinhu. Haarambe ari musungwa zvitarisiko, kupokana nemaitiro ekufunga kwepfungwa. Iye inochengetedza kugona kushamiswa pachokwadi nekuona nguva dzose mukaha unopatsanura nyika yechisikigo uye yechokwadi kubva kune zvinhu zvakarongerwa . Uye seri kwekuonekwa kwekusika anoona chakavanzika chekurongeka zvakavanzika. Anosimudza sainzi yehunyanzvi kusvika pamwero wehunhu hwemweya wakachena. the mafireworks ekurudziro yake anogadzira nguva yenhetembo, kufungisisa kusina mhosva kupfuura zvinozivikanwa chokwadi pamwe nekuzvipira munzira ye hameno .

Iye anoyemura, the mudzidzi, par contagion intuitive, inobata kudyidzana pakati pevanhu uye zvakatipoteredza, pakati pevanhu nenyika .

The artist by a kutarisa kaviri kwemukati wake uye yezvakatipoteredza kunoburitsa chimiro chedetembo chakavandudzwa nekusingaperi. Pane nhaurirano isingatarisirwi, zvisingaite, pakati pemusiki, mhuka-munhu wenyama uye kusanganiswa kwekunzwa uye nyaya. Muenzi anova, nguva yekunyura muchiedza chehumwe zvenyika, muranda wezvinorebesa, zvezvinomukurira zvakangodaro kupfuura zvinomukudza. Anoshanduka kuva ndangariro yepasi rose, mubatanidzwa zvisingafungidziki pamusoro pemhedziso uye kuratidzwa kwayo. A crystallization of chiitiko chinounza kuputika kwechokwadi chakavigwa, zvinoonekwa panguva ino uko mambakwedza ezviri kuitika ari pamwoyo wechakavanzika chacho, kunge zuva zvakavanzika izvo zvinovamba kuoneka kwechisiko. Kuenderera mberi nekutsvaga kwake, the kuda kuziva uye kunzwisiswa kwemuimbi kunomutungamirira kune maonero uye intuition yechimiro chisingaoneki chezvinhu .

Uye zvinhu inovhura seruva muzhizha pamberi pemweya unoshanda, ane mwoyo murefu uye anofungisisa yemunyori. Nyaya inopingudzwa, anozvigamuchira uye anozvitendera chimiro. Mhuka-munhu munhu, muukama hutsva hwake pachake inopera kugadzira nzira”Munhu”, kusvika padanho repasi rose uko runako runozviratidza uye ruripo. Mugadziri wacho ndiye a. Iye mudziyo we simba idzva uye zvizere pachake. Zvinoratidza hunhu hwevanhu . Nyanzvi yemifananidzo kuburikidza nekuita kwayo kwekusika inorarama. Inogamuchira uye inorarama. Iye kufamba kwekufamba kusati kwave chinhu kana munhu. Anoda. Ari zvakasiyana-siyana, hunyambiri uye kuwanda. Iye zviyo zve huruva inoteerera mhirizhonga isingaperi yehurongwa hwepasi rose. Ari chikomba chemichato yakawanda yakamumirira pakupera kwehoro mumvuri uye chiedza cherwendo rwayo runosungirwa .

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chimwe chinhu nguva isati yasvika

 De tant et tant d'efforts
à la mesure des sollicitations
pour garder la tête hors de l'eau
et être en ressemblance avec le visible
sans être fermé à l'invisible .

De tant et tant d'efforts
à élever la viridité
sur le pavois de nos intentions
alors que sans puissance effective
l'amour sensible est souvent figure de désaffection .

De tant et tant d'efforts
à se mouvoir dans ce corridor
à distinguer le bien du mal
afin de réellement voir où l'on va .

De tant et tant d'efforts
à traverser
les gués du torrent de l'illusion
sans distinguer l'origine de cette poussière d'étoiles
où être hommes et femmes liges .

De tant et tant d'efforts
à se prévaloir d'un soleil éternel
alors que les confins de notre entendement
sont sacrifiés sur les autels
du mutisme et de la surdité .

De tant et tant d'efforts
passés à attendre que la pluie s'arrête de tomber
alors qu'elle est partie intégrante de toute fructification .

De tant et tant d'efforts
à considérer le fin du fin de notre parcours de vie
comme étant le bonheur
alors que nous sommes des hommes et des femmes en marche .

De tant et tant d'efforts
à accepter que le soleil se couche
avant que les blés mûrs
ne demandent
en quête de moisson
le retour du père .


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se rejoindre soi-même

 Il faut jeter par dessus bord beaucoup de paresse, mais surtout beaucoup d’inhibition et d’incertitude pour se rejoindre soi-même .

Pour toucher les autres à travers moi, je dois y voir plus clair et je dois m’accepter moi-même.

Depuis des années j’emmagasine, j’accumule dans un grand réservoir, mais tout cela devrait bien ressortir un jour, sinon j’aurai le sentiment d’avoir vécu pour rien, d’avoir dépouillé l’humanité sans rien lui donner en retour .

Tous les problèmes que je traverse et que je tente d’expliquer, me tourmente et appelle en moi solution et formulation. Car ces problèmes ne sont pas seulement les miens, mais ceux de beaucoup d’autres. Si à la fin de ma vie je trouve une forme à ce qui est encore chaotique en moi, j’aurai peut-être rempli ma petite mission.

Tout cela me semble bien prétentieux. Je me sens parfois comme une poubelle tant il y a de trouble, de vanité, d’inachèvement, d’insuffisance en moi. Mais corrélativement il y a aussi une authentique sincérité et une volonté passionnée, presque nécessaire, d’apporter un peu de netteté, de trouver l’harmonie entre le dedans et le dehors pour se rejoindre soi-même .

A la longue il se pourrait que je trouve la paix et la clarté. Mais oui ! C’est maintenant, en ce lieu, en ce monde, que je dois trouver la clarté, la paix et l’équilibre. Je dois me replonger sans cesse dans la réalité, m’expliquer avec tout ce que je rencontre sur mon chemin, accueillir le monde extérieur dans mon monde intérieur et l’y nourriret inversement je dois continuer d’écouter au-dedans de moi – , mais cela est terriblement difficile et c’est pourquoi j’ai ce sentiment d’oppression au-dedans de moi .

C’est alors que je fermais les yeux. Ne plus penser. Je traversais un moment de paix, d’accalmie. Ma foi indéfectible en l’homme ne peut faire en sorte que je me dérobe. Une perspective de cohérence m’appelle. J’ai si tendrement à faire que je ne puis qu’assumer pleinement mon destin et employer mes talents à soulager les maux de mes frères et sœurs .

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par delà la frontière et le mal

La frontière entre le bien et le mal passe entre les deux rives de la rivière. Tout choix d’une rive plutôt que de l’autre ricoche et porte en lui son châtiment et son germe. Le châtiment maintient en enfer ; et le germe, cette force capable de fendre le roc, fissure le cœur. Aussi passons-nous notre vie à tergiverser sur une passerelle .

C’est le passage de l’une à l’autre rive qui reste pur mystère. Nous pourrions penser qu’il existe de chaque côté un abîme par lequel s’opère le passage à une autre dimension. Et peut-être la tentative d’échapper par tous les moyens à cette aspiration, à cette chute vertigineuse est-elle l’origine de nos pires souffrances .

Le refus acharné qu’oppose le connu à l’inconnu, le familier à l’inexploré, oblige le destin à user de violence envers nous .

Pour le foetus dans le ventre de sa mère, la fin du monde se nomme naissance. Nous appelons papillon l’anéantissement de la chenille. Toute vie est un drame cosmique qui ne finit, somme toute, pas si mal .

Passer le pont, c’est changer de nature. Voir autrement, c’est changer sa vision, c’est fissurer sa vision convenue des choses. Qu’il est douloureux de changer d’état. Cela nous fait cligner des yeux, avant de voir plus tard ces états se stabiliser .

Changer de bord brouille le regard que les autres me portent. Aussi de peur de passer pour dément, je me garde d’en parler à quiconque. Mais la vérité est à l’inverse, aussi suis-je sorti du monde qu’hallucine mon époque pour rejoindre une réalité sans temps et sans lieu. Et cette réalité est coulée de lumière, magma fluorecent qu’irisent toutes les nuances du plus sombre au plus lumineux. Et cette palette est piano des couleurs .

Et je l’ai vu comme je vois maintenant par la fenêtre éclater un été au zénith de sa majesté. J’ai vu que la matière n’était que lumière et vibration et Amour, pur Amour, Amour incommensurable .

Et je vois tous ces êtres humains aller quelque part alors qu’ils ne sont jamais partis de nulle part et n’arriveront en nul lieu où ils ne sont déja. Cette immense mise en scène sacrée et absurde me laisse à penser que les hommes sont des dieux quand, entre deux rêves, ils laissent leur regard vaguer sur le monde .

La leçon de cette métaphore de la passerelle entre deux rives est que la vie nous a été donnée, que nous nous devons de mettre le plus d’énergie possible à faire fructifier ce potentiel, le moins d’énergie possible à en souffrir et ne pas s’étonner quand ce qui semble être éternel clignote et disparaît .

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