L’ange

Un jour   
j'rencontra mon p'tit ange
l'était nu l'était neuf
comme un ange à la coque
avec du sang dans les p'tits trous
j'lui dis : " 1 "
l'est pas v'nu
m'a montré ses ailes
et m'a dit : " de quoi j'me mêle."

C'est que v'la
j'rencontre une fourchette
l'était belle l'était verte
avec ses dents bien faites
j'lui dis : " 1 "
l'est pas v'nue
m'a piqué la salope
avec un rire sournois
alors j'ai pleuré jusqu'à casser des noix.

C'est que v'la
j'rencontre un soldat
l'était grand l'était froid
tout en jarret et en moustache
j'lui dis : " 1 "
l'est pas v'nu
m'a dit : " gare à vous
j'ai tout dans la musette "
et ça m'a bien amusé.

C'est que v'la
j'rencontre le père fouettard
qu'était immobile
sans se faire de bile
à s'faire du lard
j'lui dis : " 1 "
l'est pas v'nu
est monté sur son balai
pour aller faire un tour au Grand Palais.

C'est que v'la
j'rencontre un cycliste
la bobine pleine de boue et de sueur
à m'en faire peur
j'lui dis : " 1 "
l'est pas v'nu
est r'monté sur sa bécane
en m'disant : " je cherche après Titine
Titine ô ma Titine ".

Un jour
j'rencontra mon p'tit ange
l'était nu l'était neuf
comme un ange à la coque
avec du sang dans les p'tits trous
j'lui dis : " 1 "
l'est pas v'nu
m'a montré ses ailes
et m'a dit : " De quoi j'me mêle ".

Böyle
j'suis rentré chez moi
pour écrire ça.


905 bis


L’agneau, l’aigle et le dragon

Tout juste éclos   
l'agneau s'est mis en marche
vers la porte de l'enclos.

De son pas mal assuré
bêlant d'une brebis l'autre
il a signé l'espace de la demande.

Se mêlant au troupeau
le museau dans le frais cresson
il a cueilli les fruits de la dévotion.

Sa mère brebis approchée
il a bu le lait de la sapience
à petits goulées saccadées.

Évaluant les limites
faites de pierres et de branchages
il a parcouru les lieux.

Prémices d'une ouverture vers le monde
par un passage dans la barrière
il a pris la clé des champs.

C'est là qu'un coup de vent salutaire
l'a soulevé par dessus la frondaison
pour devenir aigle et glapir d'effroi.

Serai-je capable dans le ciel
de circonvenir à mes connaissances
et d'être le regard d'en haut ?

Se posant sur le jardin
il a affirmé sa grandeur
pour former le couple mystique.

Par la plume,
le bec et l'œil
il a signé le ciel d'une accolade.

Plus de souffrance
que des danses pour l'air, la mer et la terre
réaffirmant le règne de l'Amour.

S'engager hors idéal et rêves
pérennise la ruine des stratagèmes,
de la division, du partage et de la mort.

S'engager n'est pas croire
aux dogmes des objets de torture
préludant au fanatisme et à la guerre.

S'engager c'est identifier notre double
par un processus d'élévation
appréhendant la mosaïque du mystère.

S'engager c'est accepter à ses côtés
la présence de nos compagnons de différence
pour que se forment blessures et croutes sèches.

S'engager c'est s'en remettre
au déversement des eaux de fonte
pour qu'une véritable paix advienne.

Alors la parole sera émise
fraîche et forte
par la mise à nu de nos enfantillages
bercée par le souffle
d'entre les feuillages bruissants
au carrefour de nos destinées
que l'obligé des travaux et des jours
ne peut freiner
dans cette ascension
accompagnée par le clair regard
porté sur les choses de l'Esprit
outrepassant la solitude des grands fonds
à même d'accueillir
en recueillement, intimité et méditation
le dragon à la perle
au bord du cercle de Vie.


905

Une maison dans la prairie

De nuit comme de jour   
une énigme à deux sous
pour un cotylédon de Dieu
sortir les violons
sous la halle
à ranger dans les panières d'osier
les restes du festin.

Tout ça n'arrange pas les affaires
du marchand de grenouilles
alors que s'organisent sur la grand-place
maints ateliers démoniaques
des ateliers de démonstration
des ateliers de confession
n'empêchant point les démangeaisons.

De nuit comme de jour
à la merci d'un burn out
nous avons enfoui la tête
dans le sable des contingences
faisant jaillir une ribambelle d'enfants
vêtus de sacs de jute
auxquels manquaient les coutures de l'esprit.

Pleurez
et n'y revenez pas
les bruns et les noirs sortent des abattoirs
comme escargots après l'orage
à se faufiler au son de la flûte
bannières au vent
vers le grand raout des hamsters.

Terrez les âmes au fond des cimetières
et gardez-vous des brancardiers
à la sortie des urgences
montant la garde
aux portes de la cité
démarche vacillante sous la lumière des becs de gaz
que des papillons de nuit tentent de séduire.

Marchez droit
jusqu'au trou creusé la veille
pour à genoux une balle dans la nuque
évoquer cette dernière lune
où panser ses plaies
remuait avec tristesse
le souvenir des rires avant que la pluie cesse.

Rebellons-nous
soyons de poudre et d'estoc
les environnants de la cause
avant d'être renversé par un vent mauvais
nous les remueurs de fonte
que le feu des forges encanaille
avant la fermeture.

De nuit comme de jour
s'agissant de l'ennui
courons nous mettre à l'eau
pour barrière levée
de par le vaste monde
réinventer la petite maison dans la prairie
au coût énergétique énigmatique.


904

Le balbuzard

Tu parlais d'expérience   
et ne la connaissais pas   
devant la murette   
tu essayais de t'envoler.      
 
Plus de désagréments n'arriveraient    
si ce n'est la persistance   
de cette faiblesse, la dyslexie   
blessure amoureuse aux livres oubliés.      
 
Elle lèverait les yeux   
de son regard lavé de tout préjugé   
et sa légèreté absolue   
serait marche nuptiale.      
 
Elle entrerait dans l'attente   
sans que la volonté soit faite   
jusqu'à ce que les plantes acquiescent   
dans leur bouquet de senteurs.       
 
Elle se donnerait quelque temps    
pour parvenir   
à cette butte de granite   
aux cupules consacrées.      
 
Ni provocatrice ni retranchée   
elle évoquerait sa petite enfance   
avec malice   
la tête sortie de l'eau des rêveries.      
 
Alors je volerai vraiment    
cavalier du souffle aux cheveux ébouriffés   
déterminé et sans reproche   
la voix chassant les nuages.      
 
Je rejoindrai le balbuzard   
aux performances du corps accomplies   
portant son regard sur son ombre   
afin de la connaître mieux et de l'inonder de lumière.      
 
 
903

Sarbacane des bois

Sarbacane des bois   
aux feuilles d'automne jointe   
tu t'es nourrie des rencontres   
pour manifester le courroux des possédés.      
 
Qu'à cela ne tienne   
au Caravage tu as pris   
les amples gestes tournés vers la terre   
et les coloris pastel des mots de miel.      
 
Sourire écru sous la ramure   
le vide de l'entre-deux   
a mûri pour donner   
les cynorhodons de l'amour.      
 
Puissance quatre   
au carrefour d'une fidélité sans tâche   
tu t'es levé un peu fébrile   
pour souffler la flèche de l'écrit.      
 
Belle comète   
d'émerveillement aboutie   
tu as pu entrer en déraison   
dans la peau de la chose osée.      
 
Puisse me tenir   
en odeur de sainteté   
sarbacane entre les dents   
sur le devant de la nuit.      
 
 
902


Parler aux bergères

Mille plumes de geai   
forment ramage sur cette terre   
où l'eau coule   
et le sang des humains itou.      
 
Pour plus d'aplomb   
dans le sens des choses   
téléphonez-moi   
au 0683031759.      
 
Il se pourrait   
qu'il y ait friture    
mais ce sera pour le bien du monde   
avant que la vague nous recouvre.      
 
Alors sur le mont Ararat   
il y aura soleil   
et nous serons choisi   
par plus grand que nous.   
 
En ramasse   
de la neige des hauteurs   
nous descendrons dans la vallée   
parler aux bergères.      
 
Et si la Vieille nous cause   
engageons le bras de fer   
avec ce que propose   
la rigueur de la Vie.      
 
Salsifis et poudre de riz   
engendrent la courtoisie   
sans que le noir   
éteigne l'écriture.      
 
Alors étreignons-nous   
nous les poseurs d'artifices   
en nommant à hue et à dia   
les monstres intérieurs qui font notre grandeur.      
 
Allons vers nous   
traversons les secousses   
et lâchons prise   
devant la porte des amours.      
 
 
901

Ce matin à cinq heures

Ce matin   
à cinq heures   
j'ai jeté des bouteilles de verre au vide-ordures   
pour que brisées   
elles remontent en morceaux   
et qu'à mon corps défendant   
elles reflètent la denture   
d'une mâchoire de tyrannosaure   
et que pris de panique je mette mon falsard   
pour descendre dans le jardin   
désinscrire les cris et les S.O.S   
du végétal environnant.      
 
J'ai recollé les morceaux de bouteille   
mis les bouchons à l'envers   
le culot vers le haut   
pour épeler l'alphabet du ciel   
et qu'à temps   
relire tes lettres si belles et si dodues   
pour nous ouvrir 
au fond des dames-jeannes         
 à la soif d'autrui.
 
 
900

Le reliquaIre

En voici un   
qui finira par le travers   
à compter ses pas    
dans le jardin de l'aurore.      
 
Quand les fleurs se montreront    
souvenir émergeant d'une poche usée   
il y aura pluie bienfaisante   
sur toute la contrée.      
 
Mise en grâce   
la vie quotidienne sera calme   
au fond du lit clos   
des rêves à venir.       
 
Rien de bien exaltant   
que le temps qu'il fera   
pour contempler la nuit   
la dernière en écharde du secret.      
 
Tu ouvriras ton cœur   
le pommeau saillant   
d'une solitude extrême   
sans que le merle chante.   
 
A Vincennes sur Seine   
se baignent les vingt ans   
pieuse image   
de l'âme-sœur en instance.         
 
 
899

Mobilisation du règne végétal

En quête   
requête   
de la lumière   
quand gonflent les tensions    
venues des ordres du sol.      
 
Élévation serpentiforme   
des boursouflures   
en capacité   
de promouvoir le brut   
sans que le tronc vacille.      
 
A naître   
à s'épanouir   
le règne végétal mobilise   
et diffère l'anéantissement   
des profondeurs de la terre au plus haut du ciel.      
 
Dans sa marche vers l'éternité   
il écoute   
et se fait l'organisateur   
d'un étrange circuit   
d'énergies branchées les unes aux autres.      
 
S'épanouir au milieu des airs   
et connaître de l'intérieur   
la hiérarchie des rapports faussés   
par le proliféré de nos attentes   
crève le papier de soie des convenances.      
 
Il est alors temps   
de tailler en pleine pulpe   
une épaisse tranche d'humaine condition   
aux fins d'enchanter la journée   
d'un inattendu surgi du cœur des choses.      
 
 
898

Si prête si gauche

Si prête   
si gauche   
sur le parterre des fleurs du printemps   
ses orteils s'enfonçaient   
dans l'herbe en rosée   
sous le joug énamouré   
des coquillages de la toile.      
 
Il y avait là   
un petit personnage aux jambes relevées   
qu'une barbe abondante   
ancrait au solstice des épousailles   
et que l'instinct avait abandonné   
quenouille au milieu d'un pré   
à la livrée de page.      
 
Dans l'embrasure d'une fenêtre   
une parole créait le temps   
comme on se fourvoie   
sous les cintres du théâtre   
à moduler quelques sons   
alors que passent les âmes blessées   
des sortilèges passés.     
 
Élégamment agreste   
la main-forte d'un au-revoir   
chargeait les bagages de l'aube   
pendant que s'affairaient à petits bruits   
les acteurs de la marche du monde   
dans le piétinement   
fait des pépites de la fine fleur de l'être.      
 
 
897