La brume le matin

Effacer le silence   
en opposition au ready-made   
Langage de soi.      
 
Pièce d'argent sous l'oreiller   
Dentelure du savoir-être   
du cœur.           
 
L'abécédaire de lire   
éclaire l'absence de la chose dans le signe   
pour le plaisir du mot.      
 
Aimer la vie   
n'est pas la vie   
seulement l'habitude d'aimer.      
 
Et le monde parla   
Alliage du Réel et de l'écriture   
Les mains en cornet devant la bouche.      
 
Flânerie   
Des voix parmi les morts   
Regard de fourmi.      
 
Les ailes du papillon   
L'aigle dans le ciel   
Tunique des voyelles.      
 
Quand au papier blanc   
Il est l'illusion   
D'un trop plein de fautes d'orthographe.      
 
Et quelqu'un répondit   
" Il est nu "   
Ce livre des heures à la peau de cendres.      
 
Fraîche ensemencée   
Cet accoudoir de lettré   
Majestueuse naissance.      
 
Faire entrer l'homme dans le mourir   
épaissit la rose de l'autre temps   
Gestation du sens.      
 
S'enfuir   
Raide d'avoir à se taire   
La brume le matin.      
 
1278

Fine fibule

Fine fibule   
Acrotère des espaces infinis   
Que n'eus-je verdi   
Le pommeau de l'épée   
Esquisse médiatrice.      
 
Progression fracassante   
De cette vie aux clauses paraphées   
Subvertie d'illogismes   
Auxquels s'adjoint   
La perle baroque des redites.      
 
À quand l'ouverture du musée   
L'illusion du Maître faisant connivence   
Par ses gestes créatifs   
Avec le bloc vivant   
De l'extase ensemencée des visages.      
 
Rythme du plein et du délié   
Converge l'inventivité langagière   
Avec la parole du tout venant   
Fracas mesuré    
Du grave et du sensuel.      
 
Les mains se croisent   
Aux désir et non désir arrimées   
Pulpe fraîche de la tendresse   
Quand apparaît le nouvel élément   
Coque fracassée contre le roc des appariements.      
 
Là où finit le temps   
Le savoir grandit à pas de loup   
En partie lié avec la vie intime   
Avec le mandat du Ciel   
Affecté au Service.      
 
Plane   
En reflet sur le plan d'eau   
La cupule orphique   
Des amours défaits   
Sans point de fuite où refleurir.      
 
Capte   
Et me tends   
De douleurs et douceurs mêlées   
Au rythme du respir   
L'éloge de l'arbre.      
 
Entre élan et retour   
La ramée brisée   
Écarquille d'instinct   
L'ombre aux ramifications secrètes   
Du réseau des mots à l'accablante mue.      
 
 
1277
 

Carroyage

Aux confins du ciel   
À la pointe des arbres   
J'ai regardé par la fenêtre   
Le carroyage des temps anciens.      
 
Un merle sur un arbre   
Un avion dans l'espace   
Rideaux tirés   
J'ai perçu les parois vitrées de l'entrée.      
 
En milieu de journée   
Le coup de pouce du destin   
A réouvert la fontaine des mots   
Sans que le lecteur me suive.      
 
Dans cette maison des bois   
J'ai recueilli l'oiseau au souffle court   
Pour coupelle d'eau sur la margelle   
L'éloigner du danger.      
 
Nous sommes en guerre   
Nous les poètes de l'invisible   
Que le visible écartèle   
Sous les poutrelles du délabrement.      
 
Trop tôt ressusciter l'autre vie   
Tarit la source des mystères   
Où se cache poupée endolorie   
La part manquante de la nuit.      
 
La boue et la mélancolie   
Sont de mise sur l'établi   
Où accoler le cri des enfants   
Aux vitrines de cristal.      
 
Juste un moment   
S'arrêter, respirer, contempler   
Un seul doigt   
Au travers des lèvres.      
 

1276

La forêt blanche

Blanc   
Sur le fond sombre de la forêt  
Le genêt desséché   
Faisait avec les moyens du bord   
Tâche de lumière.       
 
Et les grillons chantaient   
L'emprise ferme de l'été   
Après quelques pluies   
Lèvres offertes   
Aux baisers du soleil.      
 
Plus haut   
La futaie envoyait la copie d'un poème   
Au marcheur singulier du GR   
Poussant poussette de l'enfant   
Vers le Golgotha des recouvrances.      
 
Rester seul   
Suspendu à la moindre brise   
Désir épuisé   
Faille béante   
Attestant du cri sylvestre.      
 
Et s'il avait lu ce poème   
Si quelque chose d'infime   
S'était mis à vibrer   
Comme terre d'accueil   
Devant son corps souffrant.      
 
À ne plus tenir   
Les petits riens de la vie quotidienne   
Obligent à la fantaisie   
Le regard disruptif   
De la nouvelle Ève.      
 
La vague devient chienne   
Lorsque l'aurore paraît   
Léchant ad hominem   
Le rappel ensauvagé   
Des années passées.      
 
Attendre   
Ascendance panoramique   
Que l'enchevêtrement de nos élans   
Fasse part belle   
À la vacuité de la vie.      
 
Mêlant les allers et venus   
Dans le parc des attractions   
Sommes tombés devant la tombe du pélerin   
Un rien penseur   
De la verdoyante vallée à venir.      
 
Poussant l'œuf du sommet de la colline   
L'avons laissé choir   
Pour débaroulant la pente   
Aller porter semence   
Aux suppliants de la cohorte.      
 
D'images point   
Seul le bruit de la rapière   
Regagnant son fourreau   
Permit du visible à l'invisible   
D'intégrer l'ouverture.      
 
À la terre   
Dire : " Yo soy "   
Puis se précipiter sous les peupliers   
Écouter le foisonnant chant des feuilles   
Les entrailles à nu contre les étoiles.      
 
1275

Le poème de la rose

En beauté   
De par le monde   
Vin et pain complétant le festin   
De l'incroyable conscience   
J'ai entr'ouvert la porte.      
 
Plus de démon   
Plus de mort de faim   
Point de cadavre dans la fosse   
Aussi me suis-je enfui   
Pour revenir le lendemain.      
 
À la question de savoir   
S'il y en aurait d'autre   
J'ai basculé en poésie   
Par un jeté de table   
Sur les périphéries.      
 
Au juste milieu   
À l'âme brandie comme brandon   
J'ai enflammé les terres sages   
Entente et harmonie   
Entonnant la chanson.      
 
Plus de construction verbale   
Rien que des nuages   
Crochetant les clochers   
Pour symboles des chimères   
Caréner de secrets les choses de la nature.      
 
Et je tournai tournai   
Cinquante fois encore   
Les mots dans le palais   
Pour langage raisonné   
Calligraphier le destin.      
 
Un fil de laine rouge   
Rejoint le cadenas   
Au parcours trotte-menu   
Des  escapades   
Comme guidé de loin en loin.      
 
La Montagne s'est vidée   
De ses arbres torturés   
Par le vent de la planèze   
Nous n'irons plus au bois   
Ramasser les branches mortes.      
 
Et l'homme dans tout ça   
Cœur battant œil ouvert   
Dévisageant la rose   
Il lui reste à fréquenter   
Le vide médian qui multiplie les sens.      
 
Tout se passe à côté   
Dans le réel des configurations   
À souffler sur la page   
Pour la faire tourner   
Hors du palimpseste des offrandes.      
 
Je te salue   
Parure d'été   
En progression légère   
De l'huile étalée   
À mesure des œuvres fortes.      
 
Regard détaillé   
En fines lamelles de roseaux   
Élégantes dans leur élévation   
J'eus un instant   
L'aplomb d'entrer en vérité.      
 
1274
 
 

Le groin

De Tronçais à Servières   
D'arbres il y eut   
Mais nul d'entre eux   
Mufle relevé de l'aube   
M'avait transporté de la sorte.      
 
Secousse oblige   
Extraite du fond des âges   
Notre rencontre fût bruyante   
Comme au café de l'Opéra   
Où tout nous opposait.      
 
Nulle trace d'arrogance   
Juste un assaut entre pirates   
De pure et raide manière   
Disposant bras jetés à l'encan     
D'une réalité de cendres.      
 
Remuement souterrain   
Sans lâcher des yeux   
Du groin de mousse   
Toutes griffes tendues    
D'un éclair à venir.      
 
Longtemps après   
Au passage des gorges   
Il fallait descendre près de la rivière   
Obliger le marchand   
À payer l'octroi pour traverser le pont.      
 
Aimer c'est demander à l'autre   
Sans possession sans jalousie   
Quel est son tourment   
Et se tenir sans même connaître la réponse   
Dans le noir de l'énigme.      
 
Au bouche-à-bouche    
Dans l'eau trouble   
D'un miroir de mésalliance   
J'ai conçu le fruit vivant   
D'un jour que l'âme éclaire.      
 
Quand à la femme d'avenir   
Celle des cours intérieures   
Que chantent le temps des cerises   
C'est en plénitude du manque   
Que je vous quittais.      
 
À la folie   
Même le firmament s'assombrit   
Quand pris de panique   
À la courbure du temps   
L'échec fût nécessaire.      
 
Dire à ceux qui restent    
Ce qu'on a tu de son vivant    
Plonge le récipiendaire    
Dans l'écriture de quelques lignes   
Sur un papier de circonstance.      
 
Vogue et me viens   
Secrète solitude   
Au passage des roues ferrées   
À un jet de pierres   
Du cœur des maraudeurs.      
 
Un jardin d'encre   
Recouvre la contrée   
Inconsolable   
Au contact des fleurs   
Un bouquet des champs.      
 
1273

Les douze médailles

Mes dailles et mes os   
Sur la draille aux follicules   
Ont engendrées cloches et clochetons   
Partout alentours   
Selon le livre des heures.      
 
L'an dernier je pouvais   
Aujourd'hui il y a de la lenteur   
Aussi ai-je demandé    
De mettre un peu de mascara   
Sur l'œil du cyclope.      
 
Près de la tombe   
De petits sachets de drogue   
Parsemaient la margelle   
Au portrait des lendemains qui chantent   
Le charivari des rieurs.      
 
Regardons-nous   
Sans fouler l'ombre   
Auquel cas la prise serait à reprendre   
Passage sans personnage   
Sur la trace du Caradec.      
 
Capter les vibrations   
Sans que l'hélico mène tapage   
dans l'ouverture d'un ciel d'orage   
Possédé par les pinceaux   
Sous la chaleur d'un regard.      
 
Le fantôme est là   
Quelque chose de psychanalytique   
Écornant l'observateur   
Par pans entiers   
La colombe aux ailes déployées.      
 
Douze médailles   
À même la nacre du support   
Ont donné le timbre   
Du nouvel instrument   
Toutes couplées et interdépendantes.      
 
Mes dailles et mes os   
Ont traversé la draille   
Herbes couchées par la bise   
Au bruissement incessant peigné   
Par les branches du frêne.      
 
Oulipos des machicondos   
Mes voisins de la partie   
Ont associé l'outil de la plage   
Aux nuages ténébreux de l'entendement   
Les mains au profond des poches.      
 
Construire un village   
Autour des amulettes   
Avec pour chaque maison   
La médaille attenante   
L'écorce amène du respect.      
 
Et si de longue épines   
Arrêtent la toison des moutons   
Prenons par la main   
Les grappes de fruits noirs   
Au jus sucré et désaltérant.      
 
Il est permis de croire   
Pieds nus sur les dalles de basalte   
De demander protection   
Le cerveau à jour   
Vent levé souffle court.      

( œuvre de Jean-Claude Guerrero )
 
1272

À Florival

À Florival   
Il est une danse   
À grandes enjambées   
Qu'une tension le long du dos   
Fait sienne.      
 
Parler de ce problème   
Augure de mettre sur le gril   
Ces spirales montant du ventre   
Gesticulations profondes   
Du grave de la voix.      
 
Ça grince ça siffle ça piaille   
Pour que la boule du dessus de l'eau   
Envahisse la tête   
Régurgitation métronomique   
De ce qui prête à déraison.      
 
Verdict sur le tard   
Peu me chaut   
Qu'il fasse rire   
Ce chêne des hautes frondaisons       
Entonnant la palabre des gens heureux.      
 
Renifler la graine   
Densifie le mycélium   
De ce qui survit   
Dans la terre grasse   
Du sans lumière.      
 
Très drôle cette rebuffade   
Alors que nous tordions le cou   
Du bruissement des ombres déployées   
Emettant le grouingrouin   
À l'orée du bois.      
 
J'avais essayé d'agiter les mains   
Au passage du train   
Pour qu'enfoui en bas du terre plein   
S'offre ventre ouvert   
Le raclement doux du ballast contre la chair.      
 
Pensez pensez   
Puis n'y pensez plus
Présentez les couleurs   
Pour se connecter   
Au flanc du mammouth.      
 
Prendre la parole   
Fustige l'avenir d'un opercule   
Tandis que passent par les basses plaines   
Les oreilles enchantées   
Du silence éclaboussées.      
 
Bouquet de roses   
Fait bouger le nez   
Sans ordre social   
Juste une rotation   
Transe immobile.      
 
Aller à dame   
Parcourir le blanc et le noir   
Pour zigzaguant dans l'arène   
Présenter cet éclat de rire   
Se brisant comme glace au soleil.      
 
Je jette   
Poule poule les coquilles d'œufs   
Au bas des marches   
Les poules accourant   
Au calcium des culpabilités.      
 
1271

En attendant Godot

La mouette respire   
De plein pied sur le champ   
Pour duo des hymnes   
Moquer le Maître   
Et ses clientes en bout d'étagères.      
 
Suppliante métaphore   
Que celle du chien qui au lointain   
Aboie   
Peu enclin de gouverner   
À la barbe du Roy.      
 
Contrairement au brouillage   
Des mots de se rencontrer   
Pour évoquer les passerelles   
Le temps advient   
Offre de bon aloi.      
 
Double fracture   
Double fêlure   
Se mirer   
Sans un sourire   
Dans la tristesse de l'autre.      
 
À se demander si le bloc de silence   
Se détachant du ciel   
Sera parc d'attraction   
Pour la houle des applaudissements   
Qui ne rapportent rien.      
 
Être au chevet   
Du simple et du secret de la vie   
Assoupli la pointe du diadème   
À faire du réel   
L'attente nourricière.      

( œuvre de Pascale Gérard )
 
 
1270

Le Oui de la Voie

Soudain tu apparus   
De tulle vêtue   
Au milieu de tout   
Du parfum des couleurs   
Un jour de rien   
Comme ça   
En paradis.      
 
Chantante offrande   
Permise   
Tel le cri de l'alouette   
Sur la planèze   
Aux roches dispersées   
En mémoire    
De nos génuflexions.      
 
Charnelle montée   
Qui nous tenaillait les entrailles   
De chair brûlée   
Autour du feu de Lacombe   
À compacter les cendres   
Comme semences   
Offertes sans retour.      
 
Du sang et des larmes   
Filantes étoiles   
Écarquillant leurs yeux   
En reflet de l'enfance   
Sur le caillou des ans   
À déplier savamment   
La terre immémoriale.      
 
À l'autre   
Dire que le frêne est toujours là   
Contre la murette   
Et que nous l'abandonnerons   
Une nuit de plein vent   
Aux rafales de pluie   
Cisaillantes morsures.      
 
Et le fruit chu   
Guignolant d'une roucoulade   
L'implosion sur le flanc du géant   
Aux fleurs dispersées   
Sur le parterre sacré   
De narcisses serrés   
En l'échos du diamant de l'instant.      
 
Tu es là   
Agitant tes oreilles   
Museau mouillé   
Lune égarée   
À la face de biche   
Assemblant le chiffre des amants   
Sur le tamis des errances.      
 
Amère mère   
Des oiseaux en partance   
Au furtif d'un regard jeté   
Pavés hurlant de Moiteur   
Contre la charrette   
Tirée de concert   
Par Parise et Mareuille.      
 
Pour qu'un jour    
Contigu à quelques mots justes   
Parodier le trait de lumière   
Devant la fenêtre   
Assise vestibulaire   
En l'an de grâce laissé vacant   
Par le livre ouvert.      
 
Se justifier   
Que le Puy-de-Dôme   
Est toujours en place   
Pour que désirs vaincus   
Pouvoir renaître  
Entre douceur et silence   
Yeux mi-clos lèvres ouvertes.      
 
À ne retenir    
Que le bruit des pneus pluie   
En descente du col   
Et que marcher sur le bas-côté   
Frissons à venir   
Corroborerait   
Le Voici d'un cœur à venir.   
 
Accueil écarlate du matin rosissant   
À quérir   
Pattes fraîches   
Gouttes de rosée incarnées   
Où se reconnaître   
En gloire   
Dans le Oui de la Voie.      
 
1269

La présence à ce qui s'advient