Qeb Archives: Xyoo 2013

nyiam, yog tab sis rau qhov zoo

Muajpeb hom pib pib ntawm lub rooj sib tham tso kev hlub .

Qhov zoo tshaj plaws Sab hnub tuajtam sim ntawd emptiness ntawm tus ntsuj plig nyob rau hauv uas cov duab ploj, cov tswv yim thiab cov lus ua ntsiag to, kev ywj pheej thiab clarity qhib mam li nco dheev nyob rau hauv peb nyob rau hauv xws li ib tug txoj kev uas peb tag nrho cov raug ntes. Txhua yam ua txaus ntshai, tob, pom tseeb nyob rau hauv qhov uas nyob deb thiab infinite tsis nkag siab. Qhov kev sib cuag no yog ua pa dawb huv ntawm kev txawj ntse .

Ib txoj kev zoo tib yam hla cov suab puam hauv qhov twg, txawm tias peb tsis pom dab tsi, to taub tsis muaj dab tsi, xav tsis muaj dab tsi, txwv tsis pub ib yam kev txom nyem thiab kev nyuaj siab, peb raug rub thiab nyob hauv qhov tsaus ntuj no thiab qhov no aridity vim nws tsuas yog muaj uas peb pom me ntsis stability thiab kev thaj yeeb. Raws li peb vam meej, peb kawm so hauv no arid tranquility, thiab kev ruaj ntseg ntawm kev nplij siab thiab muaj zog ntawm lub plawv ntawm qhov kev paub no loj tuaj thiab ntau dua. Qhia tawm nyob rau hauv ib lub teeb uas yog mob rau peb cov xwm thiab tag nrho nws cov faculties nyob rau hauv taug kev ntawm ua, qhov nyuaj rau kev txhawb nqa kev nyiam kom dhau los ua ntau dua qhov no tias peb zoo li. Peb ces infinitely tshaj thiab purity ntawm qhov kev nyiam no cuam tshuam nrog peb txoj kev qia dub, peb qhov muag tsis pom thiab peb kev tsis zoo .

Thiab ces muajtxoj kev mus rau tranquility puv ntawm tsw, ntawm so thiab qab zib nyob rau hauv uas, tsis muaj ib yam dab tsi uas txaus siab tshwj xeeb tshaj yog cov kev xav, kuv xav thiab txawj ntse, lub siab xav so hauv qhov tob, ci ntsa iab thiab absorbing kev hlub .

Nws yog thaum ntawd teem ua ntej koj tus neeg, ce txhawb, tus ntsuj plig no, daim iav no, qhov no lwm yam, qhov no extraction ntawm ib tus kheej daim duab, qhov no yuav tsum tau zoo ib yam, qhov kuv muaj nyob hauv kev sib ntsib, yam kuv siv tau poob dej thiab qhov uas kuv tuaj yeem raug nthuav tawm. Tso koj cov bets, ua koj “yog”, tsim nyog nyob rau hauv kev sib raug zoo nrog lwm tus, sim txawm li cas los xij, tsis txhob txuas rau lwm tus .

158

kev kho siab yuav kawm tau

   La solitude physique, le silence extérieur et le recueillement véritable sont indispensables à ceux qui veulent mener une vie en conscience. mais comme beaucoup de choses en ce monde ce ne sont que des moyens en vue d’atteindre une fin, et si nous ne visualisons pas la fin nous ferons un mauvais usage des moyens .

Ce n’est pas pour fuir les hommes, que nous nous retirons dans le désert mais pour mieux voir le monde dans lequel nous sommes et chercher le moyen d’être plus utile. Certains qui n’ont jamais connu la véritable solitude pourront affirmer sans hésiter que la solitude du coeur est la seule qui compte et que l’autre, la solitude extérieure, tsis muaj teeb meem. Or ces deux solitudes ne sont pas incompatibles. L’une peut conduire à l’autre .

La solitude la plus réelle n’est pas extérieure à nous, ce n’est pas l’absence de bruit ou l’absence d’être autour de nous ; c’est un abîme qui s’ouvre au fond de notre âme, un besoin de nourriture qui jamais ne peut être rassasié. Une seule voie conduit à la solitude, celle de la faim, de la soif, de la douleur, de la vulnérabilité et du désir, et l’homme qui a trouvé la solitude se retrouve vide, comme s’il était vidé par la mort. Il a dépassé les horizons, il ne lui reste plus de chemin à prendre. Il se trouve dans un pays où le centre est partout et la circonférence nulle part. Il ne voyage plus car c’est en demeurant immobile qu’on découvre ce pays .

Et c’est là, nyob hauv kev kho siab, que commencent les activités les plus fécondes. C’est là qu’on apprend à travailler dans le relâchement, à accroître sa vision, à voir dans les ténèbres et à trouver, au-delà du désir, une porte qui s’ouvre sur l’infini .

Matériellement, des conditions sont nécessaires. Il faut avoir un endroit, dans la nature ou dans un local avec une pièce où personne ne pourra nous trouver, nous déranger ou simplement nous remarquer. Il faut pouvoir nous détacher du monde pour être vraiment de ce monde. Nous devons nous libérer en dénouant les liens tendus et ténus qui nous attachent par la vue, l’ouïe, l’odorat, les ressentis, la pensée à la présence des hommes. Et quand un tel endroit est trouvé, soyons satisfait mais ne nous troublons pas si nous sommes obligés de le quitter pour une bonne raison. Aimons cet endroit, retournons-y dès que possible et n’en changeons pas pour la moindre peccadille. Et dans cet endroit, respirons tranquillement, naturellement, sans précipitation, afin que notre esprit puisse se reposer, oublier ses soucis, plonger dans le silence et le secret de toutes choses .

Certains hommes évoquant la solitude intérieure pensent qu’il est possible de vivre au milieu du monde et de sa confusion. Ils admettent que la solitude extérieure est bonne en théorie, mais affirment qu’il vaut mieux sauvegarder la solitude intérieure tout en vivant avec les autres. De fait leur vie est dévorée par des activités et étranglée par des attachements de toutes sortes. Ils craignent la solitude intérieure et font tout ce qu’ils peuvent pour y échapper. Et ce qui est le plus grave, est qu’ils essayent d’entraîner les autres dans des activités aussi vaines et dévorantes que les leurs. Ce sont de grands serviteurs dela cause”, de grands créateurs de travaux plus ou moins utiles. Ils impriment des programmes, écrivent des lettres, et téléphonent pendant des heures. Ils sont ravis d’organiser des réunions, des banquets, des conférences, des cours et des manifestations. Ils animent et se dépensent sans compter. Ils pourront même réunir un grand nombre de personnes autour du thème de la solitude avec tant de sollicitude que le tumulte, les interpellations et les applaudissements ne pourront qu’écarter l’esprit de solitude de sa justesse indicible .

156

Tradition et révolution

   Il est des traditions humaines qui ont tendance à stagner et à s’altérer. Ce sont celles qui s’attachent à des objets et à des valeurs que le temps détruit impitoyablement. Elles sont liées à des choses contingentes et matériellescoutumes, modes, styles, attitudesqui changent fatalement avec le temps et sont remplacées par d’autres .

Il est aussi des traditions qui sont comme la respiration d’un corps, qui renouvellent la vie en empêchant la stagnation. Elles sont des révoltes calmes et paisibles contre la mort .

Ces traditions pour rester vivantes doivent être révolutionnaires. Elles seront toujours là parce qu’elles refusent les normes et les valeurs auxquelles la pensée humaine s’attache avec ardeur .

A ceux qui aiment l’argent, le plaisir, les honneurs, le pouvoir, cette tradition vivante nous dit de voir l’envers des choses, de chercher le véritable sens de notre vie, la paix de l’âme .

Les révolutions lorsqu’elles ne sont que politiques transforment les choses en apparence. Elles s’effectuent dans la violence. Le pouvoir change de mains, mais quand la fumée se dissipe et qu’on a enterré les morts, la situation est la même qu’auparavant. Une minorité d’hommes forts arrivent au pouvoir et font disparaître les opposants, à des fins personnelles. La cupidité, la cruauté, la débauche, l’ambition, l’avarice et l’hypocrisie sont les mêmes qu’auparavant .

L’alliance d’une tradition vivante et d’une révolution humaniste peut fixer le cap pour un dépliement existentiel respectueux des équilibres fragiles et mouvants dont tout groupe humain a besoin. Cette alliance ne peut être fermée sur des principes archaïques convenus, ni ouverte sur le tout-venant moderniste. Elle doit donner envie de croître, elle doit donner faim à l’esprit du groupe qui traversant la surface des mots devra aller au-delà de ce qu’expriment les mystères, pour dans l’humilité du silence, la solitude intellectuelle et une certaine pauvreté intérieure conjoindre au désirmoteur de notre humaine condition humaine-animale -, l’élan d’une intuition unique, vers une Vérité unique que nous possédons au fond de nous-mêmes et que nous connaissons parfois, par intermittence .

A ce stade de compréhension de cette humaine condition en marche, entre tradition et révolution, l’émergence des profondeurs de la psyché et de l’âme, de traits de lucidité et d’intuition, rencontre l’expérience existentielle dans la nécessaire relation communicante de ce processus de recherche impliquée aux hommes de bonne volonté, à tous les hommes en devenir d’être .

155

kev ntxub ntxaug

Elle rassemble des êtres qui n’ont rien de commun les uns avec les autres, des êtres qui sont dans l’impossibilité de se fuir eux-mêmes ou de fuir les autres .

Forcés de rester ensemble, les hommes et les femmes de la haine brûlent sur place tout en essayant de se repousser mutuellement. Ce qu’ils exècrent le plus est moins ce qu’ils voient chez autrui que la haine qu’ils sentent que les autres éprouvent pour ce qu’ils voient en eux. C’est ce que les autres leurs renvoient de leur propre image et de leurs faits et gestes qui les fait se complaire dans la haine. Ils reconnaissent chez leurs frères et soeurs ce qu’ils détestent en eux. L’égoïsme, la jalousie, l’impuissance, la terreur, le désespoir, kev ntxub ntxaug, c’est le mal .

Ce n’est pas le mal qui est une entité négative, mais plutôt l’absence d’une perfection qui devrait être. Le mal est ennuyeux parce qu’il est l’absence d’une chose qui pourrait nous intéresser corps et âme, et intellect .

Ce qui peut nous attirer dans les actes pervers, ce n’est pas le mal, mais le bien qui s’y trouve, un bien vu sous un faux aspect, dans une perspective déformée. Un bien qu’on aperçoit comme un miroir aux alouettes, qui nous fait tendre la main, mais qui n’est qu’un appât dans un piège. Et quand le piège se referme, il ne reste que le dégoût, l’ennui ou la haine .

Les gens de la haine vivent dans un monde plein de trahisons, d’illusions, de manipulations, de mensonges et d’ennui. Et lorsqu’ils essayent de noyer cet ennui par le bruit, l’agitation et la violence, ils deviennent encore davantage ennuyeux. Ce sont des fléaux pour le monde et la société .

154

kev ncaj ncees thiab kev txo hwj chim

 Kev ncaj ncees yog ua koj tus kheej. Nws tsis ntseeg tias koj yuav tsum dhau los ua lwm tus .

Nws tsis yog siv nws lub siab thiab lub cev nyob rau hauv lub lag luam vwm ntawm kev ua neej nyob lwm txoj kev paub, sau cov paj huam los yog ua neej nyob ntawm sab ntsuj plig lwm tus. Ntau zaus cov txiv neej maj mam muab lawv tus kheej qhov tseem ceeb los ntawm ua raws li qhov ua tiav, vim lawv tub nkeeg dhau kev xav zoo dua. Lawv xav tau kev vam meej sai thiab muaj kev kub ntxhov uas lawv tsis ua lub sijhawm los ua lawv tus kheej .

Kev ncaj ncees ua ke nrog kev txo hwj chim. Rau tus txiv neej txo hwj chim tiag tiag, kev coj ncaj ncees ua, cov kev coj noj coj ua thiab kev coj cwj pwm ntawm cov txiv neej tsis muaj teeb meem rau tsis sib haum xeeb. Kev txo hwj chim tsis yog hais txog kev sim ua kom sib txawv, zoo li peb paub zoo dua leej twg peb yog dab tsi thiab peb yuav tsum yog dab tsi .

Yuav ua li cas peb puas tuaj yeem ua peb tus kheej yog tias peb coj lwm tus lub neej ? Thiab nws yuav siv ua siab loj los ua koj tus kheej xwb, nyob rau hauv txoj kab nrog peb txoj hmoo. Kuj kev ntxhov siab uas peb yuav ntsib hauv kev tswj hwm peb qhov sib npaug, ua ncaj ncees, nyob rau hauv cov xwm txheej nyuaj, mus txuas ntxiv ua koj tus kheej yam tsis muaj kev hnyav, tsis muaj muab peb tus kheej cuav rau lwm tus neeg dag, muaj qhia peb kom ua siab mos siab muag .

Ib tug ntawm tus yam ntxwv ntawm tus neeg txo hwj chim yog tias lwm tus tsis paub yuav xav li cas los ntawm nws . Lawv xav tias nws vwm los yog txaus siab xwb .

Kev txo hwj chim muaj kev kho siab ua ib tug muam, uas ntawm infinite qhov chaw uas txhua yam tshwm sim, txawm tias ncua sij hawm ntawm tej yam hais thiab los ntawm uas txhua yam contributes, nyob rau hauv lub tuaj thiab mus ntawm tej yam kev mob ntawm lub siab, nrog cua ntawm instincts , crumbling passions thiab xav tsis thoob ntawm nws tus kheej daim duab .

Kev ncaj ncees rau tus muam Athena, kev txaus siab ntawm kev ua ib tug txiv neej / poj niam sawv, tuav lub bar, ua ntsug, npaj txhij mus ntsib kev nyuaj siab, rau commiseration-reflex, rau tsis ntseeg thiab tus kheej puffiness .

153

kev sib yuav ntawm tus kws kos duab thiab kev ua haujlwm ntawm kos duab

   Daim ntawm kev kos duab yog hluav taws xob shocks uas yuam peb kom pom qhov tseeb. Lawv peb nug peb tsaug zog los ntawm yuam peb nug .

Qhov pom summons tus kws kos duab xav paub txog qhov nws pom thiab nias. Teeb meem nthuav tawm nws secrets thiab kev sib cuag tshwm sim ntawm tus neeg mob tus ntsuj plig, neeg soj ntsuam thiab ua yeeb yam ntawm tus kws kos duab thiab cov khoom siv uas yog tamed los ntawm kev cia nws tus kheej zoo li tus . Tus kws kos duab nkag mus rau qhov pom, qhov rhiab, qhov tiag. Nws ua rau lawv tus kheej lub neej nws muab rau lawv yam tsis tau hloov lawv mus rau hauv tej khoom. Nws tsis nyob hauv tsev lojcuj tshwm sim, kev tiv thaiv thiab tus cwj pwm ntawm kev xav ntawm lub hlwb. Nws khaws cia lub peev xwm ua kom xav tsis thoob ntawm kev muaj tiag los ntawm kev nkag siab tas li lub rift cais lub ntuj thiab qhov tseeb ntiaj teb no los ntawm objectified teeb meem . Thiab tom qab lub ntsej muag ntawm creation nws perceives tus paub tsis meej ntawm kev txiav txim zais. Nws tsa cov txuj ci ntawm kev kos duab mus rau qib ntawm cov yam ntxwv ntawm tus ntsuj plig ntshiab. tus foob ​​pob hluav taws ntawm nws kev tshoov siab tsim lub sijhawm poetic, innocent xav dhau qhov paub tseeb thiab kev cog lus ntawm txoj kev xav tsis thoob .

Tus qhuas, le cov thwjtim, par kis kab mob intuitive, captures kev cuam tshuam ntawm tib neeg thiab ib puag ncig, nruab nrab ntawm tib neeg thiab lub ntiaj teb .

Artist los ntawm a ob saib ntawm nws interiority thiab ib puag ncig coj tawm lub eternally renewed poetic daim ntawv. Muaj kev sib tham tsis tau pom dua, ua tsis tau, nruab nrab ntawm tus tsim, tsiaj-tib neeg ntawm cev nqaij daim tawv thiab sib xyaw sensations thiab cov teeb meem. Tus artist ua, lub sij hawm ntawm kev dhia dej rau hauv qhov kaj ntawm lwm tus ntawm lub ntiaj teb no, tus qhev ntawm dab tsi prolongs nws, ntawm dab tsi overwhelms nws ntau npaum li ntawd tshaj qhov uas qhuas nws. Nws hloov tawm los ua lub cim xeeb thoob ntiaj teb, lub koomhaum unthinkable ntawm lub meej thiab nws manifestation. Ib tug crystallization ntawm qhov xwm txheej coj qhov tawg ntawm qhov tseeb faus, pom tam sim no qhov twg kaj ntug ntawm dab tsi tshwm sim nyob rau hauv lub plawv ntawm nws paub tsis meej, zoo li hnub tim zais uas underlies cov tsos ntawm creation. Txuas ntxiv nws qhov kev tshawb nrhiav, tus xav paub thiab rhiab heev ntawm tus kws kos duab coj nws mus rau kev xaav thiab lub intuition ntawm lub invisible qauv ntawm tej yam .

Thiab cov khoom siv opens zoo li ib tug sawv nyob rau hauv lub caij ntuj sov ua ntej lub active ntsuj plig, tus neeg mob thiab xav txog ntawm tus artist. Teeb meem yog tamed, nws ua nws tus kheej txais tos thiab cia nws tus kheej puab. Tus tsiaj-tib neeg, nyob rau hauv ib tug tshiab intimacy ntawm nws tus kheej ploj mus ua txoj kev”Tib neeg”, mus rau ib tug universal dimension qhov twg kev zoo nkauj qhia nws tus kheej thiab muaj nyob. Tus artist ces a. Nws yog instrumental tshiab zog thiab tag nrho nws tus kheej. Nws nthuav tawm tib neeg qhov xwm txheej . Tus artist los ntawm nws gestures ntawm creation lub neej. Nws txais thiab nyob. Nws yog kev txav ntawm kev txav ua ntej ua ib yam lossis ib tus neeg. Nws nyiam. Nws yog mob siab rau ntau haiv neeg, duality thiab multiplicity. Nws yog grain ntawm hmoov av attentive rau incessant upheavals ntawm lub universal kev txiav txim. Nws yog tus nraug vauv ntawm ntau lub tshoob tos nws tom kawg ntawm lub tsev duab ntxoov ntxoo thiab lub teeb ntawm nws obligatory chav kawm .

152

Quelque chose d’avant le temps

 De tant et tant d'efforts
à la mesure des sollicitations
pour garder la tête hors de l'eau
et être en ressemblance avec le visible
sans être fermé à l'invisible .

De tant et tant d'efforts
à élever la viridité
sur le pavois de nos intentions
alors que sans puissance effective
l'amour sensible fait figure de désaffection .

De tant et tant d'efforts
à se mouvoir dans ce corridor
à distinguer le bien du mal
afin de réellement voir où l'on va .

De tant et tant d'efforts
à traverser
les gués du torrent de l'illusion
sans distinguer l'origine de cette poussière d'étoiles
où être hommes et femmes liges .

De tant et tant d'efforts
à se prévaloir d'un soleil éternel
alors que les confins de notre entendement
sont scarifiés sur les autels
du mutisme et de la surdité .

De tant et tant d'efforts
passés à attendre que la pluie s'arrête de tomber
alors qu'elle est partie prenante de la fructification .

De tant et tant d'efforts
à considérer le fin du fin de notre parcours de vie
comme étant le bonheur
alors que nous sommes éternellement en marche .

De tant et tant d'efforts
à accepter que le soleil se couche
avant que les blés ne mûrissent
implorant
en quête de moisson
le retour de la faux du père .


151

se rejoindre soi-même

Il faut jeter par dessus bord
beaucoup de paresse, mais surtout beaucoup d’inhibition et d’incertitude pour
se rejoindre soi-même .

Pour toucher les autres à travers moi, je dois y voir plus clair et je dois m’accepter moi-même.

Depuis des années j’emmagasine,
j’accumule dans un grand réservoir, mais tout cela devrait bien
ressortir un jour, sinon j’aurai le sentiment d’avoir vécu pour rien, d’avoir
dépouillé l’humanité sans rien lui donner en retour .

Tous les problèmes
que je traverse et que je tente d’expliquer, me tourmente et appelle en moi
solution et formulation. Car ces problèmes ne sont pas seulement les miens,
mais ceux de beaucoup d’autres. Si à la fin de ma vie je trouve une forme à ce
qui est encore chaotique en moi, j’aurai peut-être rempli ma petite mission.

Tout cela me semble bien prétentieux.
Je me sens parfois comme une poubelle tant il y a de trouble,
de vanité, d’inachèvement, d’insuffisance en moi.

Mais corrélativement
il y a aussi une authentique sincérité et une volonté passionnée, presque
nécessaire, d’apporter un peu de netteté, de trouver l’harmonie entre le dedans et le dehors pour se rejoindre soi-même .

A la longue il se pourrait que je trouve la paix et la clarté.
Mais oui ! C’est maintenant, en ce lieu, en ce monde,
que je dois trouver la clarté, la paix et l’équilibre.

Je dois me replonger sans cesse dans la réalité, m’expliquer avec tout ce que je
rencontre sur mon chemin, accueillir le monde extérieur dans mon monde
intérieur et l’y nourriret inversement je dois continuer d’écouter au-dedans
de moi – , mais cela est terriblement difficile et c’est pourquoi j’ai ce
sentiment d’oppression au-dedans de moi .

C’est alors que je fermais les yeux. Ne plus penser.
Je traversais un moment de paix, d’accalmie.
Ma foi indéfectible en l’homme ne peut faire en sorte que je me dérobe. Une
perspective de cohérence m’appelle. J’ai si tendrement à faire que je ne puis
qu’assumer pleinement mon destin et employer mes talents à soulager les maux de mes frères et sœurs .

150

par delà la frontière et le mal

La frontière entre le bien et le mal passe entre les deux rives de la rivière. Tout choix d’une rive plutôt que de l’autre ricoche et porte en lui son châtiment et son germe. Le châtiment maintient en enfer ; et le germe, cette force capable de fendre le roc, fissure le cœur. Aussi passons-nous notre vie à tergiverser sur une passerelle .

C’est le passage de l’une à l’autre rive qui reste pur mystère. Nous pourrions penser qu’il existe de chaque côté un abîme par lequel s’opère le passage à une autre dimension. Et peut-être la tentative d’échapper par tous les moyens à cette aspiration, à cette chute vertigineuse est-elle l’origine de nos pires souffrances .

Le refus acharné qu’oppose le connu à l’inconnu, le familier à l’inexploré, oblige le destin à user de violence envers nous .

Pour le foetus dans le ventre de sa mère, la fin du monde se nomme naissance. Nous appelons papillon l’anéantissement de la chenille. Toute vie est un drame cosmique qui ne finit, somme toute, pas si mal .

Passer le pont, c’est changer de nature. Voir autrement, c’est changer sa vision, c’est fissurer sa vision convenue des choses. Qu’il est douloureux de changer d’état. Cela nous fait cligner des yeux, avant de voir plus tard ces états se stabiliser .

Changer de bord brouille le regard que les autres me portent. Aussi de peur de passer pour dément, je me garde d’en parler à quiconque. Mais la vérité est à l’inverse, aussi suis-je sorti du monde qu’hallucine mon époque pour rejoindre une réalité sans temps et sans lieu. Et cette réalité est coulée de lumière, magma fluorecent qu’irisent toutes les nuances du plus sombre au plus lumineux. Et cette palette est piano des couleurs .

Et je l’ai vu comme je vois maintenant par la fenêtre éclater un été au zénith de sa majesté. J’ai vu que la matière n’était que lumière et vibration et Amour, pur Amour, Amour incommensurable .

Et je vois tous ces êtres humains aller quelque part alors qu’ils ne sont jamais partis de nulle part et n’arriveront en nul lieu où ils ne sont déja. Cette immense mise en scène sacrée et absurde me laisse à penser que les hommes sont des dieux quand, entre deux rêves, ils laissent leur regard vaguer sur le monde .

La leçon de cette métaphore de la passerelle entre deux rives est que la vie nous a été donnée, que nous nous devons de mettre le plus d’énergie possible à faire fructifier ce potentiel, le moins d’énergie possible à en souffrir et ne pas s’étonner quand ce qui semble être éternel clignote et disparaît .

149

QUELLE NUIT CETTE NUIT

 Défaite sans parole
sous le vol d'un spectre
se vidant de ses attributs .

Exil d'une seule nuit
dévorée par la toile du songe
sans que le secret ne corrompe la mémoire .

Oubli d'entre la brume et la lune
tu ne mourras pas tu ne peux mourir
toutes gloires du jour éteintes
de par les entrailles de la vallée
d'où s'élève le double son du hautbois et du saxo .

Envoûtement prolongé
aux limites d'une traversée
avant de s'abîmer dans l'obscur
où lentement se consument
chairs et ongles de l'endimanchement de la tendresse
échue en rosée de sang
avant que ne s'égare l'aube .

Écueil disposé entre les lanternes
au milieu de ces épaves
qu'un ordre mystérieux
fait accoster dans ce royaume
où le froid silex sépare la chair de la peau .

La vie est là
la vie est le lieu
la vie mienne en compagnon de ta vie
taille XXL de la médiane tracée
entre le sourire de l'enfant bleu
et la perpétuité d'un désert blond .


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