Lumières . 1

Des lumières   
Dans le ciel   
De la nuit   
En merveille.      
 
Fleurs de sel   
Au contact du jour qui demeure   
Dans le sombre   
De nos âmes.      
 
Accueillir d'un sourire   
Le prompt jaillissement   
Du flot coloré   
Des souvenirs.      
 
Les étoiles   
Dansent et bruissent   
Cercle printanier   
Des pas sur le gravier.      
 
Tu es parti   
Très bien   
Et nous pendant ce temps là   
Nous continuons à vivre.      
 
Le passé révolu   
Doute encore de ses feux   
Cette montée douce amère   
Des voix de nos aïeux.      
 
Le passé affleure dans le présent   
Dépose du linceul des ans   
À même la terre des Précédés   
Quand passe le cortège.      
 
Fusion du rêve   
En la réalité du soulevé   
À portée de l'ombre   
L'inexprimable.      
 
Et claque   
L'ardeur souveraine   
D'entre les mots   
Les yeux de l'aube.      
 
Bulles éclatées   
À l'orée du désir   
De ce qui fût   
Le spectre de l'autre temps.      
 
Frôlement des vapeurs   
Hors de l'incandescence du foyer   
Soins du corps et de l'âme   
Aux portes de l'oubli.      
 
La mèche est posée   
Arguant d'une poussée dernière   
Sous le regard   
De l'outrepasse à petits pas.      
 
1259

Le pic épeiche

L'oiseau bêche de bec   
S'est posé sur l'amandier   
Sans demander son reste   
Si ce n'est demeurer à distance.      
 
L'explosion   
Est venue de la fleur   
Courage de la fleur   
De parader en ardente compagnie.      
 
Effleurant la parenthèse du vide   
Il a éveillé branches et feuillage   
Pour un parterre aux subtiles palabres   
Alors que tout semblait à vau-l'eau.      
 
N'y tenant plus   
De visage en visage   
Il a grossi le trait   
Pour plus de flamme encore.      
 
Grattant son plumage hivernal   
Il annonçait nouvelle parure   
Pour l'incendie des jours heureux   
Qu'il passera à chercher compagne.       
 
Point de mesurette   
De son cri le silence   
Sans offenser    
Le fruit.      
 
Toucher de son ombre   
Viendra soleil bas   
Quand les traces font rêver   
Le poète des champs.      
 
Dans nos jardins   
Préparons l'eau et le grain   
Pour l'ouverture venue   
De la nouvelle civilisation.      
 
Et pour que n'éclate   
La douleur de la moisson   
À venir soyons le souvenir   
Des cœurs en pâmoison.      
 
Le printemps se capture   
Tel le dard de la guêpe   
Dont le sourire à cru   
Enfoui la déchirure.      
 
Redevenue parole   
Et provocation silencieuse   
La Beauté hauturière   
Devient pavillon de corsaire.      
 
Poésie à jamais retenue   
D'immenses espaces la rend apte   
Aux ténèbres   
La résonance en tabernacle.      
 
1258

Satellite

Satellite   
De la quille au bois d'or   
Le chien dans le ciel   
Est venu me dire   
Qu'il m'aimait.      
 
Aussi près des frondaisons   
Ai-je ému le qu'en-dira-t'on   
Des commisérations   
Pour guignol de guingois                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       
Terminer la saison.       
 
Se sont vus   
Se sont entendus   
Les organistes de la rencontre   
À échanger menus potins   
En avril de bon matin.      
 
Finalement épris   
Du jour et de la nuit   
Ils ont inauguré   
Le masque de la fidélité   
À l'ombre du frêne.      
 
Glissons la main dans le pétrin   
Sachons remercier ce qui nous expose   
Cette auscultation d'un roman de gare   
Barrant la route à la dérision   
Comme écrire une chanson.      
 
Fresque écarlate   
Dans l'entre-deux de la rencontre   
Il eût été de coutume   
De remettre à plus tard   
Pince-mi pince-moi.      
 
Ne souriez pas   
Ne prenez pas la pose   
Soyez de mèche au mépris de l'instant   
La corde et le gibet   
De ce que propose le frisson.      
 
À se moquer de tout   
Les nuages deviennent des visages   
Que l'ample conformité de nos habitudes   
Façonne du murmure de l'esprit   
Collagène importé d'une contrée lointaine.      
 
Battons le pavé   
À coups de fourche acérée   
Qu'enfle la rumeur et les pleurs   
Des âmes abandonnées   
Au bastingage de leur âge.      
 
Occulter le plaisir   
Permet d'embrasser à l'autre bout du fil   
Le battement d'un cœur   
Tout près de l'événement majeur   
D'avoir à dire merci.      
 
Si légère cette parole   
Qu'en sa cible les paupières se révèlent   
Hongres des plaines du nouveau monde   
À la portée d'une pensée   
Griffe posée sous la cognée.      
 
Filons   
Le temps est à l'orage   
Sable glissant entre les doigts   
Façonnons le courage d'être de passage   
En quête de la juste cause.      
 
1257

Un soir

Il faisait noir   
Le mistigris de nos soucis   
Tenait à peine dans nos mains   
Alors qu'il fallait ascensionner cette passerelle de fer   
Lentement   
En provocant embouteillage derrière soi   
Pour aboutir sur un palier   
Pousser la porte vitrée   
Et arriver dans un lieu surchauffé   
Qui se trouvait être une cuisine salle de vie  
Emplie d'ustensiles accrochés aux murs   
Avec une table couverte d'une toile plastique à carreaux rouges et blancs      
Alors que vapeurs et odeurs de nourriture montaient de la cuisinière   
Que régentait une femme au fichu sans âge   
La maîtresse de maison et son tablier fermé par des cordelettes dans le dos   
Et ça sentait bon les rognons et la choucroute   
Alors qu'au fond de la pièce se trouvait l'atelier du Monsieur   
Au visage parcheminé de cire brune   
Figure aux yeux de braise   
Eclairant un local empli d'anciens vélos retapés   
Avec leurs tubes de vives couleurs   
Leurs sonnettes, dynamos et lampes   
Leurs selles de vieux cuir
Leurs gardes-boue, leurs chromes   
Et même des bavettes aux bouts des gardes-boue   
Rivetées, caoutchoutées, virevoltantes comme papillons en printemps   
Sans oublier les porte-bagages
Pour arriver devant un four   
Aux miches de pain toutes chaudes   
Et des gâteaux   
Que l'homme aux vélos devenu boulanger pâtissier   
Nous enseignait la fabrication   
Comment il les avait fait   
Et comment il fallait les déguster   
Tout ça avant d'aboutir dans la salle des textes   
Dont pendaient du plafond jusqu'à terre des ficelles de chanvre   
Reliant des morceaux de papier   
Provenant d'une boule de gui   
Haute perchée   
Dont les fruits blancs claquaient   
À la mesure de nos regards   
Pour laisser se dérouler le roudoudou des mots   
Phylactère rejoignant la terre battue   
Mots de mise en phrases   
Mots de mille manières rassemblés   
Dans un flot de lumière et de sens   
Formant vademecum    
Nous indiquant la sortie   
Vers ce qui nous attend   
Nous les démunis   
Prêts à recevoir   
Bouche mobile   
Front frondeur   
Sourcils vibrants   
Le poing serré   
Ce qu'à coups de ciseaux   
Délicatement l'Homme découpait   
Formes géométriques   
Lanières et confettis   
À nous déchirer le cœur   
D'une intelligence sensible au poison du mot   
Du profane de la science au grand silence des outrances   
Du ouï-dire du Vide aux lettres d'or.      
 
1256

Un mantra pour écritoire

Tout s'écrit   
Une pincée de sel
Comme un souvenir enfoui.

Tout s'écrit
Tard la nuit
Une boisson chaude devant soi.

Tout s'écrit
Le camélia dans sa coupelle
Qu'hèle le frigo au gros dos.

Tout s'écrit
Même l'envie de silence
En fin d'inspiration.

Tout s'écrit
Cette présence essentielle
De la main sur le papier.

Tout s'écrit
À défaut de se dire
Quand passent les visions.

Tout s'écrit
Des phrases peu sûres d'elles
Sous le préau des mots.

Tout s'écrit
Comme tâches de gras
Sur la table du matin.

Tout s'écrit
Comme boire le breuvage de santé
Dans le mug habituel.

Tout s'écrit
Des douleurs de l'âge
Le cristal de leur apaisement.

Tout s'écrit
À la source une araignée d'eau
De visage à visage.

Tout s'écrit
À pas de neige
L'animal recueilli par grand froid.

Tout s'écrit
Telles veines bleues
Sur la main du vieux.

Tout s'écrit
Des personnes quittées
À l'ultime pensée.

Tout s'écrit
Du mardi au mercredi
À la sortie de l'école.

Tout s'écrit
Du jeudi au samedi
Quand viennent les cloches de Rome.

Tout s'écrit
Le dimanche des vacances de printemps
Quand les poules caquettent.

Tout s'écrit
Quand décampent du jardin
Les ombres de l'hiver.

Tout s'écrit
Et tout se tient
Pliée en quatre dans la dernière missive.

Quand il est écrit
" Je vous aime "
Antienne éternelle.

( Œuvre de Pascale GERARD )

1255

Vingt et une pâquerettes en déclivité de la raison

Ces corps qui se heurtent   
Etrange chahut d'arrière-garde
À s'éponger le crâne.

D'une oreille l'autre
Bonnet de laine enfoncé
Ces fillettes hirsutes.

Aucun mot d'ordre
Bavarder n'accuse personne
En très petite compagnie.

Le hululement des sirènes
Par dessus les toits
Le premier jeudi du mois.

Courir comme des dératés
Sur la chaussée humide
Augure le gadin.

Rébus du temps des comptines
Un deux trois c'est évident
Quatre cinq six c'est plus grand.

Pense à la mort
Guerre à demain
Un fieffé salaud que ce maquereau.

" Pas bien nettes les pâquerettes "
C'était écrit au revers du veston
Dans l'intention d'en donner la raison.

Ouvrant une brèche
Elles avançaient étranges cavalières
En prise sur l'éloquence muette.

Elles offraient à tous leurs bras mûrs
Et même un pneu de rechange
Donnant donnant.

Cette invitation à s'asseoir
Une demi-heure durant
Faisait oublier la règle.

Je dors donc je suis
D'images et de symboles épris
En fin de nuit.

Corolle à ne pas mettre entre toutes les mains
Et pourtant
Tige gracile de benjoin.


Mémoire d'émotion
En instance d'être détruite
Rebelle aux sentiments.

Que n'eussent été années durant
Pétales gracieux offerts au vent
Le réceptacle de tant d'élans.

Pour peu que le regard soit
Hors critique et sans engagement
Réponses associées assurées.

De calme et de paix
L'indifférence mène à dessein
Vers ce qui est bel et bon.

S'écoule la nuit
De sa charge émotionnelle
Afin de vivre sainement.

La journée
S'est tournée vers la lumière
Pour le soir s'affaisser librement.

Mouvement simple et sans fin
En caresse d'être
Il n'y a plus de division.

Au zèle passionné d'avoir regardé
Succède le suspens des souvenirs
Pour que l'observateur se retire.

1254

Enfants de la conscription

Démarche fine et légère   
Il oscillait comme cherchant un appui
Pour s'arrêter de glisser.

Les murs n'avaient plus de plafond
Juste le support oblique d'une poutre
Barrant la nuit étoilée.

C'est là que poussait le champignon
Élevé en sous-main par la radiance des humains
Résistantes aux intempéries.

Et ne parlons pas de la volée de l'escalier
D'où provenait l'indécence
Des lanières de caoutchouc.

Ils y retourneraient
Tel silure en eaux profondes
Vers le déversoir de la Centrale.

Fibule de l'ami
Enfoncée dans la gorge de l'ennemi
Visages impassibles posture incandescente.

L'acte était de justice pure
De l'âme recouvrant ses ailes
Libérée de la matière impure.

La mousse silencieuse
Recevra nos pas de loup
Pour vivre et aimer.

Puis croyance absurde
Fumer le cigare
Sur le cadavre de l'Honni.

C'est un métier dangereux
Que d'être le porion des mines de charbon
Il se pourrait que l'aube vienne.

La hulotte nous réveille
Krouitt ! krouitt !
Un ricanement pour de bon.

Et le jour effaça les ombres
Pour énergie de lumière
Étendre le drap recueillant la rosée.

Reste le silence à observer
Alors que s'éveille le merle
Entre les bâtiments de la cité.

Une branche du rosier s'est cassée
Après le vent de la nuit
La liesse du matin.

Et ce fût sans témoin
En absence de tout danger
Que de marcher chez les vivants.

Et s'il se mettait à pleuvoir
En retour de promenade
Cela serait de bon aloi.

Pluie neuve
Rires de joie
Faisons sciure de ce bois.

Hep ! Taxi
Tendez-moi le potage
Avant de salir le calepin.

Réunion chez les Petites Sœurs des Pauvres
Des enfants de la conscription
Aptes à défendre la patrie.

Que de tuhu-bohu
Dans les jardins épargnés du chagrin
Quand l'œil s'ourle d'une larme.

Il y avait fête
Et pour toujours
La clarté déclinerait la raison.


1253

Pajarillo

Donnant donnant   
Au bruit du canon   
Répondent les traces du spectacle   
Dans l'affolement général   
D'une levée de siège.      
 
Pitié et honte de soi   
Quand la guerre est là   
Et que l'innocence pisse le sang   
À grands coups de matraque   
Derrière les oreilles.      
 
Ça glissait de partout   
Et mon petit garçon   
Qui croyait tirer les ficelles   
Fusain élevé à bout de bras   
Devant le Trocadéro de nos amours.      
 
Embouteillage monstrueux   
En sortie de ville   
À quémander quelques sacs de sable   
Pour se coucher derrière   
Quant les détonations claquèrent.      
 
On emportait les blessés   
Je ne sais où   
Des amitiés d'enfance   
Ne restaient que quelques râles   
Fumigènes attardés de la démence.      
 
La Montagne souriait   
De sa souris étranglée   
Pendante ensanglantée au crochet du boucher   
Pour un petit père des peuples   
Hilare vacant à ses affaires.      
 
Moustache auscultée   
En sortant du confessionnal   
Le curé médusé avait avoué   
Ne plus croire en sa mission   
Devant le mistigris de la Lure.      
 
Et les dents grincèrent   
Devant la porte sacramentelle   
Où baisser la voix   
Eût été basculer   
Dans la fièvre laiteuse de l'oubli.      
 
Se moquer est chose facile   
Quand de partout   
Montent des racines enfouies   
Ardente volée de passereaux   
Des pas venus tout nu.      
 
Et la main l'emporta   
Dessous sa robe chose vivante   
Seul patrimoine   
À ne partager avec quiconque   
Au tremblant différé de la mort.      
 
Contamination répugnante   
Répulsion avilissante   
Possession physique   
Avilissement du rapt   
De cette violence qui vous fait mannequin.      
 
Pour dévergonder   
Faire sauter les gongs   
Et punir à corps et à cris   
La sujétion enivrante de la faute   
Acmé de la gente ailée.      
 
( ნამუშევარი ჟან-კლოდ გუერროს მიერ )
 
1252