Kaydka Qaybta: Febraayo 2021

De main en main

 
 
 De main en main    
 passons la pierre précieuse    
 au dessus du gué lumineux    
 nous les officiants du règne humain    
 les grattes-cailloux de la pensée.        
  
 Dans la coupe de verre    
 avons assemblé    
 la manne fraîche    
 à déposer sous l'arbre maître    
 dans la joie de sortie du désert.        
  
 Alangui sous le gui   
 sans que cela nous nuise     
 alors que la pluie vient    
 accueillons les sonnailles de la procession    
 des feux de la Saint Jean.        
  
 Écueil franchi    
 au pas et à la pelle    
 aménageons l'autel du sans soucis    
 pour y déposer    
 les grands idéaux de nos egos.        
  
 Recueillons-nous    
 au croisement des chemins    
 engageons les compagnons    
 vers la croix des missions    
 nous les Évadés, les Décidés.        
  
 Aan ku dhex jirno
 avec les Résistants
 pour en confiance
 déclamer nos rêves
 au Service de la Grande Énergie.



 743
   

Le long de la Tiretaine

 
 Déconfinée, désabusée, folklorisée   
 la lèvre supérieure retroussée  
 la bête allait   
 de son pie disgracieux   
 sans révéler le fond de sa pensée   
 si ce n'est le chichon princier   
 qu'elle imposait   
 à son oratoire champêtre   
 le temps de changer de trottoir   
 au maître d'aujourd'hui   
 le grand générateur   
 des ascensionnés   
 car il était temps   
 d'échapper aux coupables dispositifs   
 que la rumeur extrême assemblait   
 en petites lampées de flagorneries   
 de menteries et de complotisme   
 pendant que les créatifs   
 de rondins, de glaise et de bonne humeur agis   
 fabriquaient la romance discursive   
 établissant aux ronds-points des routes   
 sans repli tactique   
 la juste casaque   
 du palio de Möbius    
 destriers écumants prêts à l'initiative   
 vers le paradigme accompli   
 bien au-delà du champ des certitudes   
 que le bouc émissaire à la toison d'or   
 accolait aux murs de la cité   
 provoquant angoisses et dénonciations   
 de la part des lobbies   
 chancres adultérins   
 d'une épidémie la bien nommée   
 des mots et du peuple   
 que la virulence des propos   
 fit se lever   
 gourmande de bit coins   
 pendant que les ramoneurs de bronchioles   
 œuvraient à l'ombre des grands professeurs   
 à la coopération féconde   
 séparant le corps   
 du milieu de vie de la personne   
 tout en ignorant les complexités   
 face à l'inattendu des variants   
 où les grandes oreilles surmenées   
 devant tant de carence   
 quittèrent les tabloïds   
 pour se diriger vers les terres fertiles   
 d'un Occident aux dents blanches   
 dont le moteur entropique   
 ne faisait que trousser la convenance   
 au pied de l'échelle de Babel   
 à mesure de l'engouement   
 pour la musique des sphères   
 énamourant le monde   
 d'une agreste parade   
 de sons d'eau et de murmures du vent   
 le long des rives de la Tiretaine.        
  
  
 742  

 

La rue

 
 
 D'une crème périmée    
 au fond d'un pot en carton    
 il a fait son repas    
 telle une mouche hésitante    
 sur le rebord de la fenêtre.        
  
 Le banc de bois était sale    
 un journal fera l'affaire    
 pour se poser    
 dans son manteau durci de crasse    
 sous une pluie fine.        
  
 Puis se lever chancelant    
 pour le long du trottoir    
 vaciller quelques pas    
 vers l'allée des arbres droits    
 aux feuilles dentelées.        
  
 Il est des jours     
 où le nuage épais    
 hésite à percer devant la misère    
 où nous fûmes poussé    
 dans la ruelle des morts.        
  
 De bagages, point    
 un bon K-way, point    
 des chaussures fermées, point    
 des gants de laine, point    
 un soupçon de sourire, point.        
  
 Hirsute, les cheveux ébouriffés    
 il allait de rue en rue    
 s'asseoir au pied d'un immeuble    
 entre deux merdes canines    
 en serrant son cabas noir.        
  
 Sur le bout de papier il devait voir un docteur    
 mais il avait oublié    
 et l'assistante sociale    
 itou
 un grand chat gris passait à pas feutrés.        
  
 Au soleil couchant    
 fallait trouver l'endroit    
 pour s'affaler peut-être s'allonger    
 dans le bruit incessant d'une circulation    
 qui irait en s'amenuisant.        
  
 Il connaissait le coin    
 depuis le temps qu'il errait    
 l'homme de notre époque    
 à la portée d'un regard    
 qu'on pourrait lui offrir.        
  
 Il avait un viatique    
 une peluche aux oreilles rongées    
 par le chien qui l'avait accompagné    
 quelques temps de canicule    
 et de froid polaire, successivement.        
  
  
 741 

Un avenir affamé

 
 

 A regarder derrière   
 la véranda de l'abri coutumier  
 les fleurs de mémoire piquettent    
 le chanvre des prés mouillés.          
  
 Qu'importe le temps qu'il fasse    
 les feux passent à l'orange   
 élargissement du présent  
 hors passé et futur.        
  
 Il y a de l'électricité dans l'air    
 entre les pylônes du barrage    
 qui ne prête pas à rire    
 juste à lever les poils sur les bras.        
  
 Les neurones plongent dans la chair    
 il fait froid    
 les articulations se grippent    
 la carriole grince.        
  
 A l'expir    
 conserver un peu d'air    
 permet la remontée    
 vers les pâturages d'en haut.        
  
 A trop bien fendre la bûche    
 l'éclat de bois saute sec    
 sur le sol détrempé    
 par l'orage advenu.        
  
 Il est des jours comme ça    
 où du fond de la terre    
 montent les reflets de nos entrailles    
 mitraille sèche sur la plaine rase.        
  
 Plus bas à droite    
 contre le talus    
 la pierre plate des origines s'est tu    
 sans flagornerie extrême.        
  
 Bombant du torse    
 l'orgue a crevé la voûte    
 de son barrissement épais    
 faisant lever la poussière.        
  
 Fallait sauver les apparences    
 sortir en catimini du confessionnal    
 pour défiler bannière au vent    
 sur le parvis de l'église.        
  
 Une tourterelle traverse le ciel    
 puis une deuxième    
 le couple se forme     
 sous la vêture du printemps.        
  
 Ornez de rameaux    
 l'entrée du temple    
 soyez le pain et le vin     
 d'un avenir affamé.        
  
  
 740
   

De long en large

 
 
 M'élevant de long en large
 sur le panneau de bois
 les clôtures de l'âme
 avaient fière allure.
  
 Il y poussaient des fleurs sauvages
 à cru tels nos rires joyeux
 pigmentant de nos instincts
 des gouttes de sang sur la pierre blanche.
  
 Du doigt sur la gâchette
 en corrigeant la mire
 la leçon héraldique
 prenait corps contre le frêne.
  
 Au matin
 sur cette ardoise de hasard
 se formaient des îles et des presqu'îles
 à petits jets de vapeur humidifiante.
  
 Aux tendres larmes
 sur la joue de la repentance
 répondaient la fièvre des cendres
 sous les crocs de l'absence.
  
 Caresse œdipienne
 à la flûte traversière
 l'élan fût grave
 un deux trois soleil.
  
 Mêlant ombres et lumière
 à la proue victorieuse
 là où la vie se gagne
 s'engagèrent des nuits sans sommeil.
  
 Pour le cierge émondé
 bannir de nos instances carcérales
 le lingot d'or
 des ténacités événementielles.
  
 Me vint tout contre
 l'aspect des choses simples
 cette pensée de fièvre :   
 que disait-on de moi ?        
  
 A la une, à la deuxà la trois
 de nouveau le soleil
 me permettant la fuite parfaite
 dans les halliers de la forêt.
  
 Histoires partagées, opinions acquises
 nous pûmes rejoindre nos pénates
 en cercle sous l'arbre aux palabres
 échanger le thym et la lavande.
  
 Il y avait là
 tant de tendresse et de franchise
 que chaque mot gorgé d'orgeat
 clochetait aux pinacles de la mémoire.
  
  
  
 739
   

Il était descendu de son perchoir

 
 
 Il était descendu de son perchoir    
 maigre et coléoptère    
 pour mener grand tapage    
 sur les planches métalliques    
 qu'on aurait dit un carillon rose    
 énumérant les heures    
 vite fait bien fait    
 question de donner soif    
 au besoin de prendre scène.        
  
 Le flamenco dura tant    
 que claquettes et castagnettes    
 écartèlent leur savoir magnétique     
 aux offres métonymiques    
 a cru et à dia     
 des yeux de femmes    
 sommées de consentir à la fureur    
 d'oculis hors de leurs orbites    
 sans que le fauve fasse grise mine.        
  
 En ce temps-là    
 on engrangeait le grain    
 à la lueur des torches       
 éraflant de leurs trémolos    
 les soupentes ouvrières aux trémies déposées    
 sans que la dague hurlante    
 ne satisfasse le poète teigneux    
 que l'affectation aux frontières    
 rendait sensible à la merci du vent.        
  
  
  
 738 

Chevauchant sa besace

 

 Chevauchant sa besace    
 emplie de troubles et de fureurs    
 l'homme des fourches caudines    
 s'est épris du jour qui point.        
  
 L'endroit est instable    
 le corridor de la mort    
 prélève à jets circonspects    
 le miel des dernières levées.        
  
 De maintenir la mâchoire inférieure    
 de la pocharde griffue    
 envenime la situation    
 hors la courbure du temps.        
  
 Ne bougez plus    
 monstre des addictions    
 soyez la continuation des grillons de l'enfance    
 abaissez d'un cran le besoin de volupté.        
  
 En vociférant le nom des délices    
 les ergots sont la souffrance    
 des murailles étanches du repli    
 prairies butinées sans fleur sans raison.        
  
 De sourires point sous cette chape    
 les mains suggèrent le col des origines    
 le soleil émiette ses secrets    
 il est temps de se lever de bonne heure.        
  
  
 737 

Une eau si douce

 

 Une eau si douce    
 à purifier le bras des assassins    
 pour que le Saint Chrême    
 crochète quelques avances.        
  
 Ainsi me mit en demeure    
 de recevoir la grâce des condamnés    
 et compter les jours    
 de ma vie de reclus.        
  
 Des bêtes passaient sous la fenêtre    
 la nuit aux murmures étoilés    
 que les chimères fendaient    
 à grands coups d'estoc.        
  
 N'y pouvant mais    
 j'appelais père et mère    
 du ventre de la terre    
 aux chevelures des arbres dénudés.        
  
 Bien m'en pris    
 d'accompagner l'équipage    
 sans se prendre dans les cordages    
 de cette assignation à l'œuvre.  

  Il y avait là   
  et le musc et la plaie
  qu'à la fourchette
  le jour élargissait à peine.


 736
   

Je marche donc je suis

 
 
 Je marche donc je suis    
 et peu m'en faut    
 que le glas sonne    
 le retrait de nos troupes.        
  
 Ils furent braves nos soldats    
 quand l'ombre même de leurs râles    
 papillonnait devant la nuit de l'âme    
 consœur appropriée d'une nuée ardente.        
  
 L'herbe d'après la catastrophe    
 était grasse et texturée    
 tout comme une toile de Damas    
 rougie du sang des femmes.        
  
 Un pas puis un autre    
 le corps se mit à trembler    
 devant le baiser du soleil    
 tourmenté par le fripé des nuages.        
  
 Au blé des champs    
 au papillon ivre    
 j'assemble le faisceau de feu    
 pour le retour du vivant.        
  
  
 735
   

Le mot de trop

 
 
 Ne pas lever le mot de trop    
 croix de bois croix de fer    
 vont en enfer    
 les enfants du mouroir.         
  
 Éteindre à petit feu    
 les restes de la veille    
 de cendres mêlées    
 ces offrandes aux Dieux que la raison vénère.         
  
 Il n'est de pire effroi    
 que la chasse à courre    
 derrière le cerf    
 puis d'élever la croix des flammes.        
  
 Appeler le vertige et la nausée    
 quand le silence se fait complice    
 des remords à rendre l'autre coit    
 iyada oo aan xoqin.        
  
 Livrez le suc admirable    
 des mirabelles mes sœurs    
 où se livrer en miroir    
 aux belles nuits d'été.        
  
 De main de maître    
 naître au charbon des excavations    
 du riche pouvoir des mots gentils    
 pour faire gouzi-gouzi aux fils de l'esprit.        
  
  
 734