Kaydka Qaybta: Mars 2018

Au vertige des songes

 Elle peignait la nuit   
 sur une toile blanche   
 bâtissant son royaume   
 d'invisibles touches
 aux vertèbres de son arbre.  
    
 Lentes et fluides   
 les coulures de l'esprit   
 proposaient leurs sucres   
 au vertige des songes   
 entre l'air et le monde.
      
 Le vent se leva   
 la Bête vint   
 en catimini sous la lanterne   
 donner le mot de passe   
 terreau pour un sol pur.  
    
 Le mufle soyeux du bleu charrette   
 fit trembler l'instant   
 marqué d'une flamme   
 que l'œil au trait d'union   
 fît danser sous les étoiles. 
     

415  

au canevas des fluttes agasses

  Au plus fort des choses périssables   
le piano se fait trompette
sur le frisé de ses cheveux
regards croisés
vers le visage aux rayons ailées.

Soutenir le langage
pareil au papillon de nuit
coulent les notes
vers la chambre des romances
afin qu'il se souvienne.

Les bras révélés sur cette robe noire
traversent la Vie
au canevas des fluttes agasses
le chant soudain jaillit
sur la table des tourments.

Ne nous dédaignons pas
à l'ombre des tamaris
si aveuglé de lumière je te blesse
s'échappe le cri
d'un lien pour renaître.


414


Dalles propitiatoires

 Haute horloge   
 des montées de sève,   
 sur les dalles la marche   
 rompt le souffle de la bête.     
 
 Se recueillent les frères   
 sous leurs capuches de bure   
 près du baptistère,   
 refuge des chrismés.      

 Suppliantes, les âmes volettent   
 entre les piliers de la nef   
 abeilles bourdonnantes en crépuscule   
 la nuit bientôt de silence présente.     
 
 Les ancêtres seront honorés   
 le pain rompu   
 sur les dalles propitiatoires   
 des mondes soupirants.      

 A même le sol   
 vivante lumière   
 accordée à celles des autres   
 elle reste là quand rien ne reste.   

   
413

au périscope de nos amours

   Debouts

Près de l'ombre des choses premières
chercher la vareuse qui nous protégera du grain,
porter sur le chemin désentravé
le panier d'osier des travailleurs.

Les arbres mes frères,
être le vent d'un dessein secret
dans l'immobilité du saisissement,
être l'Ouvert.

Ne pas se résigner,
un pas de côté et ce serait la fin.

Langage et silence en toute franchise,
élever nos cœurs
vers l'autel des rencontres,
accueil de nos œuvres,
accord avec l'âme du monde.

Frotter sa pierre contre la pierre de l'autre
sans que le chagrin nous éloigne,
anaga, nullement attachés au confort,
anaga, dans l'espace, aperçus,
balancement du roseau,
par le périscope de nos amours.


412

cette prise de bec

   Cette prise de bec   
à secouer le géranium
peut amener l'autre
à la déréliction.

Passe les montagnes
enjambe les vallons
le ronron du moteur à explosion
se mouche et meurt.

En soutenant l'âme océane
en avant de l'action
tombe la pensée systématique
de l'oubli et ses errements.

Par la méditation
par le dépassement
s'ouvrent les lèvres
se balançant entre mystère et présence.

Arrive la voie élue
le soleil en acmé
cet accord profond avec le Monde
notre franchise immémoriale.


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