À la mémoire de Luis Jorge Borges

Le coq de bruyère
Sur ses ergots levé
S’est épris de la poule des bruyères
Juste pour chagriner
Les eaux du torrent ténébreux.

S’y est pris de si tendre manière
Qu’inoculant par le travers
Quelques mots d’amour
Il a franchi la ligne rouge
Sans oublier les chagrins du siècle.

Massacres massacres
Les fleurs restent belles
Le danseur de tango tanguote
Le Grand Voyage est pour demain
S’envolent les restes fanés de la désinvolture.

Assigné à résidence
En galopant au triple galop par la pampa
L’Étrange aveugle aux pommettes saillantes
S’est très tôt souvenu
Que les trésors d’émotions n’amassent pas mousse.

Je ne puis le sauver 
Des abrupts ravins de la complaisance
Lui le parangon des gauchos
L’animateur désopilant du marché aux volailles
Qui a tendu la joue à l’arbitraire de la réalité.

Il survivra au trompe-l’œil
De ses éructations singulières
Quand poussant le travail herméneutique
Vers son infinie complétude
Pouvait s’élever de la pampa l’odeur des viandes grillées.

La métempsychose l’aligna contre le mur
À pourfendre quelque chose de plus
Que la contemplation des origines
Cette assignation
À « ne pas être davantage que quelque chose ».
 
Quel âge avait-il
Quand il fût relégué dans la fosse commune
Des symboles de la Nation
Lui l’enquêteur méticuleux
Lui le pourfendeur des colonels.

On le trouvait parfois
Sous le grand arbre près du corral
À souffler sur les génies de la compagnie des anges
Alors que derrière la barrière
Figurait à cheval le Bon Père des égarés.

Le vagabond à la plume agile
Savait dépeindre le bourreau et la victime
Sans dévoyer d’où il tenait la consigne
Si ce n’est de l’admirable bibliothèque de Babel
Que des contingences l’obligèrent à ne pouvoir lire.

Funambule du phylactère
Le tenancier de l’instinct
S’était même permis d’inventer Internet
Quand d’autres coreligionnaires
Œuvraient dans la misère.

Shakespeare est à sa porte
Et que les brumes m’emportent
Si le minotaure sorti du labyrinthe
Fait à Luis Jorge Borges
L’honneur d’émettre le cri d'un dernier écrit.

1436

( Œuvre de Jean-Claude Guerrero )



Bersivek Bihêle

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