Tasglann roinnean: An t-Ògmhios 2023

J’ai pensé de toi

À revenir   
Vers la source   
Sans succomber à la tentation  
Fait dire au tout venant   
Que la vie est belle   
Quand passent les cigognes.      
 
À l'occasion d'y revenir   
Serait marquer d'une pierre blanche   
Le monde des formes   
Sans croire au surgissement   
De la nécessité de travailler   
Comme de bien entendu.      
 
Au présent   
Déterminer le passage   
Mène à l'action   
Sans obligation d'une réflexion   
En accord avec la complexité   
D'avoir juste tenté.      
 
Pluie fine de la nuit   
Avant le petit matin   
Caresse les bras longs des violons   
Sur un mode linéaire   
Sans nostalgie de l'éternel   
En cueillette de ce rien qui nous fait être.      
 
Mille mousses   
Où basculer   
Nous, le trésor caché   
Par la bouche du Prophète   
Sans être connu de l'un et de l'autre   
Anges de la connaissance.      
 
Penser
Penser l'exigence   
Penser la qualité   
En séduction ordinaire   
De la grande discipline   
Riche en informations.      
 
Facile   
Au mental agenouillé et familier   
Sommes peu intime   
Avec les coulisses de l'arrière-cour   
Là où faire son marché   
Sans que rien nous émeuve.      
 
Oreille advenante    
À la vigilance de l'ici et maintenant   
En découverte de la nature de la pensée   
En contact avec le volatil   
En conscience   
En oubli des convenances.      
 
Se retrouver   
Céleste   
Dans le langage   
Au cœur de la relation   
À se soucier du vrai   
En acquisition du feu.      
 
À cinq heures   
C'est le jour qui point   
Point à la ligne   
Point de croix   
Passage du stade instinctif   
Au stade intuitif.      
 
Et si le tonnerre gronde   
S'il y a dépassement de la température   
La folle du logis sévit   
Flammes turgescentes   
De l'imaginaire en fusion   
Accaparant et le pain et le vin.      
 
Au diablotin généreux   
Entre les pampres de la vigne    
Il y a la pensée   
Fille du besoin en tant que manque   
À mi-côte du plaisir   
Entre la sensation et l'émotion.      
 
1279

La brume le matin

Effacer le silence   
en opposition au ready-made   
Langage de soi.      
 
Pièce d'argent sous l'oreiller   
Dentelure du savoir-être   
du cœur.           
 
L'abécédaire de lire   
éclaire l'absence de la chose dans le signe   
pour le plaisir du mot.      
 
Aimer la vie   
n'est pas la vie   
seulement l'habitude d'aimer.      
 
Et le monde parla   
Alliage du Réel et de l'écriture   
Les mains en cornet devant la bouche.      
 
Flânerie   
Des voix parmi les morts   
Regard de fourmi.      
 
Les ailes du papillon   
L'aigle dans le ciel   
Tunique des voyelles.      
 
Quand au papier blanc   
Il est l'illusion   
D'un trop plein de fautes d'orthographe.      
 
Et quelqu'un répondit   
" Il est nu "   
Ce livre des heures à la peau de cendres.      
 
Fraîche ensemencée   
Cet accoudoir de lettré   
Majestueuse naissance.      
 
Faire entrer l'homme dans le mourir   
épaissit la rose de l'autre temps   
Gestation du sens.      
 
S'enfuir   
Raide d'avoir à se taire   
La brume le matin.      
 
1278

Fine fibule

Fine fibule   
Acrotère des espaces infinis   
Que n'eus-je verdi   
Le pommeau de l'épée   
Esquisse médiatrice.      
 
Progression fracassante   
De cette vie aux clauses paraphées   
Subvertie d'illogismes   
Auxquels s'adjoint   
La perle baroque des redites.      
 
À quand l'ouverture du musée   
L'illusion du Maître faisant connivence   
Par ses gestes créatifs   
Avec le bloc vivant   
De l'extase ensemencée des visages.      
 
Rythme du plein et du délié   
Converge l'inventivité langagière   
Avec la parole du tout venant   
Fracas mesuré    
Du grave et du sensuel.      
 
Les mains se croisent   
Aux désir et non désir arrimées   
Pulpe fraîche de la tendresse   
Quand apparaît le nouvel élément   
Coque fracassée contre le roc des appariements.      
 
Là où finit le temps   
Le savoir grandit à pas de loup   
En partie lié avec la vie intime   
Avec le mandat du Ciel   
Affecté au Service.      
 
Plane   
En reflet sur le plan d'eau   
La cupule orphique   
Des amours défaits   
Sans point de fuite où refleurir.      
 
Capte   
Et me tends   
De douleurs et douceurs mêlées   
Au rythme du respir   
L'éloge de l'arbre.      
 
Entre élan et retour   
La ramée brisée   
Écarquille d'instinct   
L'ombre aux ramifications secrètes   
Du réseau des mots à l'accablante mue.      
 
 
1277
 

Carroyage

Aux confins du ciel   
À la pointe des arbres   
J'ai regardé par la fenêtre   
Le carroyage des temps anciens.      
 
Un merle sur un arbre   
Un avion dans l'espace   
Rideaux tirés   
J'ai perçu les parois vitrées de l'entrée.      
 
En milieu de journée   
Le coup de pouce du destin   
A réouvert la fontaine des mots   
Sans que le lecteur me suive.      
 
Dans cette maison des bois   
J'ai recueilli l'oiseau au souffle court   
Pour coupelle d'eau sur la margelle   
L'éloigner du danger.      
 
Nous sommes en guerre   
Nous les poètes de l'invisible   
Que le visible écartèle   
Sous les poutrelles du délabrement.      
 
Trop tôt ressusciter l'autre vie   
Tarit la source des mystères   
Où se cache poupée endolorie   
La part manquante de la nuit.      
 
La boue et la mélancolie   
Sont de mise sur l'établi   
Où accoler le cri des enfants   
Aux vitrines de cristal.      
 
Juste un moment   
S'arrêter, respirer, contempler   
Un seul doigt   
Au travers des lèvres.      
 

1276

La forêt blanche

Blanc   
Sur le fond sombre de la forêt  
Le genêt desséché   
Faisait avec les moyens du bord   
Tâche de lumière.       
 
Et les grillons chantaient   
L'emprise ferme de l'été   
Après quelques pluies   
Lèvres offertes   
Aux baisers du soleil.      
 
Plus haut   
La futaie envoyait la copie d'un poème   
Au marcheur singulier du GR   
Poussant poussette de l'enfant   
Vers le Golgotha des recouvrances.      
 
Rester seul   
Suspendu à la moindre brise   
Désir épuisé   
Faille béante   
Attestant du cri sylvestre.      
 
Et s'il avait lu ce poème   
Si quelque chose d'infime   
S'était mis à vibrer   
Comme terre d'accueil   
Devant son corps souffrant.      
 
À ne plus tenir   
Les petits riens de la vie quotidienne   
Obligent à la fantaisie   
Le regard disruptif   
De la nouvelle Ève.      
 
La vague devient chienne   
Lorsque l'aurore paraît   
Léchant ad hominem   
Le rappel ensauvagé   
Des années passées.      
 
Attendre   
Ascendance panoramique   
Que l'enchevêtrement de nos élans   
Fasse part belle   
À la vacuité de la vie.      
 
Mêlant les allers et venus   
Dans le parc des attractions   
Sommes tombés devant la tombe du pélerin   
Un rien penseur   
De la verdoyante vallée à venir.      
 
Poussant l'œuf du sommet de la colline   
L'avons laissé choir   
Pour débaroulant la pente   
Aller porter semence   
Aux suppliants de la cohorte.      
 
D'images point   
Seul le bruit de la rapière   
Regagnant son fourreau   
Permit du visible à l'invisible   
D'intégrer l'ouverture.      
 
À la terre   
Dire : " Je suis "   
Puis se précipiter sous les peupliers   
Écouter le foisonnant chant des feuilles   
Les entrailles à nu contre les étoiles.      
 
1275

Le poème de la rose

En beauté   
De par le monde   
Vin et pain complétant le festin   
De l'incroyable conscience   
J'ai entr'ouvert la porte.      
 
Plus de démon   
Plus de mort de faim   
Point de cadavre dans la fosse   
Aussi me suis-je enfui   
Pour revenir le lendemain.      
 
À la question de savoir   
S'il y en aurait d'autre   
J'ai basculé en poésie   
Par un jeté de table   
Sur les périphéries.      
 
Au juste milieu   
À l'âme brandie comme brandon   
J'ai enflammé les terres sages   
Entente et harmonie   
Entonnant la chanson.      
 
Plus de construction verbale   
Rien que des nuages   
Crochetant les clochers   
Pour symboles des chimères   
Caréner de secrets les choses de la nature.      
 
Et je tournai tournai   
Cinquante fois encore   
Les mots dans le palais   
Pour langage raisonné   
Calligraphier le destin.      
 
Un fil de laine rouge   
Rejoint le cadenas   
Au parcours trotte-menu   
Des  escapades   
Comme guidé de loin en loin.      
 
La Montagne s'est vidée   
De ses arbres torturés   
Par le vent de la planèze   
Nous n'irons plus au bois   
Ramasser les branches mortes.      
 
Et l'homme dans tout ça   
Cœur battant œil ouvert   
Dévisageant la rose   
Il lui reste à fréquenter   
Le vide médian qui multiplie les sens.      
 
Tout se passe à côté   
Dans le réel des configurations   
À souffler sur la page   
Pour la faire tourner   
Hors du palimpseste des offrandes.      
 
Je te salue   
Parure d'été   
En progression légère   
De l'huile étalée   
À mesure des œuvres fortes.      
 
Regard détaillé   
En fines lamelles de roseaux   
Élégantes dans leur élévation   
J'eus un instant   
L'aplomb d'entrer en vérité.      
 
1274