Duk posts by Gael Gerard

Les arts en balade

Rêve de reflets
Dans la salle de classe
De bric et de broc
Offerte aux enfants
Dont le vent emporte les cris.

Rêve d’une mouche
Bousillante à souhait
Ruinant sur le devant de porte
Le son d’un violoncelle
Qu’une pensée épelle.

À peine sortie de terre
Ma main devient cimetière
Serti de douces fleurs
Fantôme en robe printanière
Plus prêt de toi mon cœur.

Mille musiques
Ont fait chanter le ciel
Par un trou de serrure
Ciel comme quenouille
Portant haut la hallebarde des gardes.

Le jardin fermé
Les arts en balade taillent la mine
D’un crayon trempé dans l’écuelle de lait
Clé d’une pouffée de rires
Affiches enlevées.

Entre glycine et merisier
Les pivoines ont surgi
Illuminant d’une signature de rose vieille
Le contrat maintenu avec l’air
Avant de filer à l’anglaise.


1608

Mystical impulse

Puisse l’élan mystique
Ravageur des mornes plaines
Pacifier les monstres de l’outrecuidance
Et permettre parfaite promenade
À petits coups de grelots.

Puisse la rose
De larmes abreuvée
Exploser en son charme
Sur le devant des fenêtres
Jardins d’Adonis célébré.

Puisse vertige des choses dites
Echancrer par le menu
Les choses invisibles
Cantate dorée reposant sur la table
Au déplié des doigts échangés.

Puisse saveur ultime
Du sel de mer
Produire au bruit du sabot des chevaux
La tonsure énigmatique
Du passage à l’Ordre.

Puisse l’accroc sans vergogne
S’étouffer de grâce comminatoire
Dans l’interdit de l’œil pour l’œil
Comme casser la brindille
En toute simplicité.

Puisse d’écume blanche
Ourler les lèvres de la clairière
Doux mystère du clapotis des vagues
Léchons bulbeux avançant en crabe
Sur l’estran des souvenances.


1607

Kai ni inda na zo

Kai ni inda na zo
Toi qui connais le chemin
Pour qu’un jour se souvienne
Qu’avant la nuit
Où tout a été décapité
L’Invisible, zama
Parmi les douleurs
À pleine brassée de filantes étoiles
Soit proche
De ce qui nous retourne.

Nos plaies
Nos appels
Entre le quai et le pont
Le photographe nous attendait
Clic-clac de nos membranes
De nos silences croisés
L’effarement s’est mué en une nécessité
Eclaboussant de vagues marines
Les accords mélodieux du transfiguré
De nos regards la nasse glorieuse.

Allant tout droit
Vers le mystère d’une brume anonyme
Gardant nos papillotes de lumière
À même l’unique brèche
Il se pourrait que le vent nous porte
Loin très loin de nos traces
Vers l’échauguette des remparts
À conter ce qui revient et ne s’en va plus
Palimpseste au noir fusain
Faisant surgir larmes séchées du jour inédit.

1606

Achiailles Workbench

Sorties du vermillon d’un large coup de griffe
De puissantes colonnes montèrent jusqu’au ciel
Ornées de gracieux épis de blé
Elles ourlaient le hic and nunc
De paroles divines appropriées
Gosier recommandé par la déesse
Jusqu’au sourire figé dans le bloc de pierre.

Je m’endormis

De la fenêtre d’un wagon-lit
Je voyais des gens marcher sur les levées de terre
De plus en plus vite
Eructant d’une fin de règne
Les poumons pleins de poussière
Le souffle parachevant la cavalcade
Bien au-delà du temps imparti
Le tout suggéré par la dépose d’une feuille d’arbre
Se balançant dans la barbe à papa
Rose de mai d’un vide translucide
Accumulant jusqu’au profond du bitume
L’empilement des cristaux d’Armageddon.

Je dors donc je suis

Massage reçu
De la tête aux pieds
Par une nuit sans lune
Ni vol de lucioles
Si ce n’est le passage
À heure fixe du train des mines
Gelures carénées aux entournures
Permettant l’accès aux gourmandises de l’instinct
Foi de bile remontante
À portée des os de l’écriture
Ces fiers drapeaux de prière
À la queue-leu-leu faisant claquer
L’élan vivant des retrouvailles
Autour d’un feu de la Saint-Jean.

Je prie donc j’abhorre

La remontée de sève
Lors le grand incendie passé
Les arbres rescapés jetteraient un dernier râle
Avant de s’élever
Containers de la CGM au large de Shanghai
Cherchant point de chute sur le quai des circonstances
Vers l’horizon bleu-citron
Excavations nourries des fientes d’hirondelles
Aptes à tisser le continuum des attritions
Par temps de lune basse
Quand passe le trait de la neuve partance.

J’écornifle et ne dis mot

Que le rire des enfants
Sous le préau
À dégoupiller quelques grenades
Que les peintres de Barbizon auraient glissé dans les fourrés
Le temps d’une chiquenaude
Sitôt l’angélus sonné
Troupeau de vaches mâchonnnantes à l’ombre des grands chênes
Toile de lin sur chevalet de toutes les couleurs
Posée à l’orée de cette clairière d’hier
Frissonnante de lumières
Orgue de barbarie égrenant
Sa limaille de fer sur l’établi des ripailles
Après avoir dansé le rigaudon.

1605

Cailou D'ko

Cailloux d’or pour un prisme parfait
Déposés sur le chemin de Laroussière
Poule rousse déplumée d'hier
À l’orée de la forêt.

Double élan de la vie
Tel un souffle courbant les fougères
Au retour de Frugères
Le Cros-Mary servant de point d’appui.

Il encercla d’une vive brassée
Le pignon de gerbes entassées
En plein champ
La terre battue soulevée par l’ouragan.

Se lever le cœur léger
Au matin frais de la journée
Dès six heures
Avant que la nuit ne meure.


Passage souterrain
Au ras de la murette
Eau suintante goutte-à-goutte
Entre les lèvres d'airain.

Au fil du temps
Le champ des roseaux
Fait écho
À l’enfantement.


1604

M

M
À toutes les saisons
Je t’aime Reine
Dans cet envol vers la lumière.

Reste à courber le chef
Pour soulever la pierre qui m’enserre
Moi l’emmuré vivant
Immobilisé et englouti.

Ô force ténébreuse
Caniche d’opérette à tête de canard
Pattes d’oiseau, arrière-train de chien et queue burlesque
Je t’abjure de m’extraire du marécage.

Tout semble perdu
Pour l’homme dans sa chute
Ligoté et paralysé telle la proie dans la toile
Hormis les forces défaillantes.

Du fin fond de l’ombre
Les énergies reptiliennes
M’engagent au dernier moment
À suivre le noble cerf de la guérison.

La marche vers l’infini commence
L’exploration de soi est le cheminement
La chute initie à la remontée
La capacité de se transformer.


1603

Dama




Le feu
Au ras des herbes sèches
Cette brise
Écho des morsures de la veille
Les cris
À jamais oints de l’esprit sain
Aux vivants et aux morts
Dispersés hors dualité
Des lions de la souvenance
J’atteste comme ultime réponse
Que les paroles lissées du nouveau territoire
Valent mieux que chants de pierres
Devant l’outrance des faiseurs de silence.


Dama
Aux cœurs encalminés du néant des croyances
Avons soutenu la forme inachevée
Matière aventureuse
De ce que l’homme n’a pas fait croitre
Partance ajourée des visages éclos
Un soir de gris crémeux
Évaluant le ciel crépusculaire
Taillé à vif
Entre tilleul et frêne
De cette cour de ferme
Laissant paraître le pavage de basalte
Sous les pas de la biche égarée.


1602

Don zama

Don zama
Pour ne pas voir devant moi
Ne pas entendre de l’ensemble
Seul à seul.

Quant aux paysages
En sfumato en Toscane
Le rien d’une œuvre noircie par les cierges brûlés.

S’approcher du chœur
Suivre le labyrinthe
Pousser quelques chaises
Avancer lentement
Avec sous les pieds

La crypte et son puits des origines
Le sombre cachant les murs
Une lumière sort de moi
Au profond de soi
Des personnes marchent sur une sente large
Des moutons piétinent la draille
Le cœur battant de moins en moins vite
Plus de cœur du tout
Et pourtant j’avance et vois
Je rencontre des gens
Que je rejoins
Qui me dépassent
Que je croise
Et nous allons
Légers
Obligés
Les jambes me portant
Alors que je ne sens pas mes jambes
J’ai chaud
J’ai froid
Peu m’importe
Où j’étais avant de me trouver là
Il y avait des cris, des mouvements
Et beaucoup de vent
Des bruits aussi
Et je pouvais écrire des mots à ce propos.

Tout s’est effacé
Plus de temps plus d’espace plus de matière
Je suis conscience et rien à la fois.

Je me retourne
Et suis loin plus loin que là.

Ma peau est épaisse
Des poils partout
Ma tête est lourde
Mes pas lourds
Un son hors de ma gueule.

Et puis je plonge dans le trou
Un trou en moi
Plus profond que les souvenirs
Qui clope-clopiquent
Comme des bulles
En surface.

Il est là
L’autre
Peut-être est-ce moi par ailleurs
Tout bouge
Je suis immobile
Je bouge avec l’espace qui m’accompagne.

Là devant moi
Un livre me parle
« Sois toi et ne te retourne pas. »

Je crois pouvoir répondre
Mais je ne parle plus.

D’eau et de feu
Les pages du livre tournent
À la quarante neuvième ça s’arrête
Je suis encore vivant
Mort et ressuscité
Sans une once de certitude affirmée
Mais il me semble que je serve à quelque chose
Tout de même.

Un ruisseau coule à mes pieds
La pluie tombe
La pluie s’arrête de tomber
Le soleil me réchauffe.

Il est l’heure de renaître pour mourir à nouveau.

Le bruit du laminoir feraille une dernière fois
Contre la roche noircie par les torches de graisse.

Milladiou
Je suis et ne suis pas
Large feuille de figuier
Carrément flétrie

Effacée d’un trait de plume.

Œil d’onyx
Dardant sa pupille blanche
Sur l’ombre d’un arbre qui n’est plus.

La peau se plisse
De crevasses
Les années écoulées
Un jet d’encre comble l’entaille
De signes inconnus.

Au risque de se dire
Le décor cadre le décor
Le corps élève la conscience
Le corps devient poussière
La conscience
Au vol
Comme un papillon
Dans les siècles des siècles.

( Œuvre de Frédérique Lemarchand – détail )


1601


Maganezed ta hanyar mafarki

Maganezed ta hanyar mafarki
Elle a déployée sa nature fragmentée
Dissimulant sous la jupette
Le partage entre verticalité et horizontalité.

De ses bras enserrant la dualité
Reine
Sirène
À poigner les deux queues.

Dans l’obscurité se glissa
Empennage de raie manta
À ne pas lâcher la gâche
Le passé s'arracher du sol.

La scène se dévoilait
D’une folle musique
L’instrument céleste se délestait
Flottaison du paysage à fleur de raison.

Glycine mauve
Suricate agile
Entre par la fenêtre
Un aspect de la condition humaine.

Le merisier s’ébroue sous la ventoline
Sans la présence des feuilles
Point de lâcher-prise
Pour les routes du ciel.


1600

Na sadu da baƙo

Na sadu da baƙo 
Du creux de ma mémoire
Le meilleur des visiteurs
Pour désemmêler les voix
D’une pastorale
Troupeau bêlant à qui mieux mieux
En montant aux alpages.

La montagne est là
Et le rose bonbon du soleil
Accorde les nuages d’un fil d’or fin
Que même la parole inaudible
En ces lieux de caresses
Amende d’un soupir
Jusqu’au moindre tremblement d’herbe.

L’arbre du printemps frissonne
Dans le lumineux balayage d’un vent de mai
Guérissant mes peurs
D’avoir un jour
Un dernier mot à dire
Et puis se retenir
Devant les pierres blanches.

Don zama, devant moi
En contrebas du vallon
Cette motte de terre détourée
Du groin et de la patte
L’ange aux ongles noirs
S’est permis une offrande extrême
Un caillot de sang bleu.

Fidèle au vertical du chant de l’alouette
J’ai espéré l’ivresse de la rencontre
Le contre-moi d’une réminiscence de l’enfance
Cet éclat de bois fiché dans la plaie
À mi-chemin du plateau des gravelles
Tombé tôt un matin
Une grande claque dans le dos.

Plus tard
Le couteau rouillé sera trouvé
Récupéré
Graissé à la couenne de lard
Refermé sans abîmer le fil
Mis en poche
Telle une paupière baissée.


1599