au gré des ormes

 Ce carrelage fait d'hexagones rougis .
Cette allée d'arbres bruissante d'un printemps pluvieux .
L'escalier à la rambarde de fer forgé .
Ce jour par dessous la porte de la chambre qui laisse monter les éclats de voix provenant de la salle du restaurant .
Ces fenêtres avec leurs ferrures à l'ancienne .
Ce volet de bois mal fixé qui bat contre le mur quant une rafale de vent se lève .
Telle l'armoire avec sa vitre miroir d'un temps entreposé .

Kasance a can
à l'ombre des choses en place
assis dans le fauteuil défoncé
des entrelacs d'idées mal négociées enturbannant mes pensées
souvenirs psalmodiés par une petite voix intérieure
je pris mes cliques et mes claques
boîte à images et carnet de moleskine
pour aller péleriner aux effluves d'antan .

Froidure et pluie métamorphosaient le sombre de l'air en plein après-midi
discret passage à cet état d'écoute permettant d'être dispos
pierre sur laquelle bâtir la cité des frères
Jérusalem céleste sans ses anges rendus visibles
Jérusalem juste existante pour accueillir le marcheur d'âmes
en quête d'un détour probable vers l'état prémonitoire des repentances
en quête de souffle et de lumière sur lesquels chevaucher
chercheur rendu à sa besogne
l'arceau d'un jeu de croquets alors obsolète
devant la maillet de la vacuité
le fomentateur des rencontres désirées
celles que la disponibilité sans attente permet de faire éclore
même au déplié des heures creuses
alors que monte d'entre les frênes et les ormes le chant froissé de pluie et de couleurs mêlées
au jardin lumineux et parfumé
phrasé de pleurs en printemps
à la confluence des charges sonores
d'une eau rageuse raclant de galets invisibles
les marmites de géants .


139

Burzet

 De l'eau
de l'eau à foison
assignée au feulement incessant d'un chuchotis animal
froissement d'une voix contre la paroi de basalte
gouttelettes de perles au diapason d'un son guttural
claquement des mains velues contre le roc ensanglanté.

S'élève la monocorde allégeance
le faisceau continu
la plainte stratifiée des écobuages de la cité .

S'exprime l'alphabet en ses dissonances
ces frères dont la pratique artisane
fut emportée par la burle
vers la vallée des permissivités .

Seul le son d'une cloche
par dessus le courant d'eau
manœuvre à l'appel
les hommes de la magnanerie
alors qu'il fait encore noir
par ce matin d'hiver à traverser ce pont de bois
les sabots frappant de leurs ferrures le seuil de l'atelier .

Heureux événement
que l'arrivage des ballots de soie
hérissés de mille fils irisés
hors la grossière toile de jute
à l'arrêt comme hésitante
d'entrer dans la goule
où le mâche-menu des ferrailles associé au crissement des éraflures
gargouillent du lissage des textiles fins .
Maraude instantanée
du garçon derrière le bâtiment
ramassant vivement la musette pleine
posée sur le banc poisseux du vestiaire
le temps d'un saut dans l'ombre
hors du ravin des attendus
pour se retrouver ivre libre
le cœur battant
sur la sente caillouteuse
hors la promiscuité du bas
et haut les cœurs
apporter en la chaumière sans feu
les noires stries
d'un à-jour imprimé
sur le pourtour de son visage
de châtaignes et d'oignons
oings .

Message hors âge
des floricoles levées d'esprit
des génuflexions lasses
sur le chemin des trois croix
entre le Golgotha et la finitude de Marie .

Les femmes saintes seules admises
à retenir par le bras
les mâles de passage
don murmushi
ameutés
disparaître dans le taillis
à la recherche de l'argousier
qu'ils feront suinter
sur la pierre des fièvres
histoire de se mettre en marche
sans compte à rebours
sur le chemin coquillard .

Les femmes saintes seules admises
en progression lente
vers l'amour et la compassion
chargées des brassées de genêts dorés
à la mesure des hautes portes des granges
enfouissant sous leurs amples jupes
les crânes des trépassés
les reins ceints d'une étoffe
si rouge
que le soleil levant
de par son disque iridescent
évoque le saint chrême de l'onction du mercredi saint
celui des faiseurs de jours
pour peu que la mise soit permise
sur le suin safrané
de la jument grise de maître Cornille
ébranlé de plaisir
à la vue de cette farine si blanche
que le puissant déplacement de la meule
pierre contre pierre
fait s'envoler
au gré des trilles du merle
da gari ya waye
d'un matin de mai .


138

aboki na

De t’avoir rencontrée me remplit de joie, toi, différente de moi et pourtant si proche .

Tu m’accompagnes et me calmes lorsque le temps est à l’orage, que de noires pensées montent de mes gouffres amers et que mes réparties sont excessives .

Tes fermes colères que l’on pourrait croire feintes me sont le remu-méninges vibrant et salvateur lorsqu’atteinte par un assoupissement de l’attention et de l’âme je balbutie de vagues réponses devant le risque de la nouveauté .

Je t’aime, sans l’ombre d’un doute, que même notre arrivée conjointe sur une autre planète ne pourrait nous dispenser d’exprimer notre folle envie en miroir de chercher et de comprendre à tous propos ce qu’est la vie .

Je t’admire au-delà de toute considération restrictive, d’une admiration dispose et large, que même l’envol tardif d’un perdrix devant nos pas ne saurait nous distraire .

Et pourtant Dieu sait que j’aime les perdrix rouges qui de leur vol lourd et plat pourraient réveiller dans un sursaut salvateur le dormeur du val que j’ai si souvent tendance à être .

Devant notre énergie d’hommes debouts chargés des possibilités de réalisation à venir, la terre, notre champ d’activité, est si vaste, puissante et fragile à la fois, sensible, amoureuse et réceptive, qu’il nous arrive même d’entendre le murmure du commencement des commencements .

Ta parole tournée vers l’éternelle urgence à énoncer l’essence des choses me permet de poursuivre mon chemin, délié de toutes entraves, vers le clair ensemencement de mes jardins les plus profonds .

Tu m’accueilles avec tant de générosité, de promptitude et de justesse que je n’ai même pas le temps de te remercier. Dès que je te vois, je suis à l’affût pour te consommer avec ma tête et mon coeur, et dès que je me consume, dès ce que tu m’offres pénètre en moi, alors tu disparaîs, alors je fonds .

Tu es mère, grande soeur, ange et félibrige de mon coeur pour qui l’émoi que je ressens à ton égard est de suite transformé en “jin” clair et profond au service de mon engagement de fidélité à ton enseignement. Toi, ma flèche lumineuse .

Et puis je t’ai librement choisie comme étant mon amie alors qu’on ne choisit pas sa famille .

Et je serais toujours l’arc pour bander tes pensées réitérées avec force tant il est impérieux pour toi que nous les prenions en compte. L’état du monde actuel en dépend .

Ton message passe. Ta parole est reine. La fluidité de ta vision m’épouse. Les traces que tu laisses derrière toi, je les recueille au plus fort de mes perceptions et de mes capacités mentales pour les intégrer le temps d’une communion venue .

Ton visage est inscrit au profond de mon âme et pour peu qu’un souffle vienne à passer, aussitôt je me lève pour reprendre ce chant mystérieux qu’au cours d’une de nos premières rencontres je murmurais et qui depuis toujours m’accompagne lorsque je croise ta route .

Ton regard signe les instances de ces lieux de paix et de convocation à la vigilance d’une attentive flamme de pertinence .

S’il arrive de nous perdre quelques temps et que je te retrouve, aucun préambule n’est de mise dans le premier regard que tu me portes. Tu es là, je suis là, corps, âme et esprit prêts à la tâche qui nous incombe, ce grand oeuvre tissé de chaleur humaine, d’intentions de bonté et d’exigences de compréhension quant à notre posture à tenir dans nos temps si troublés .

Et si tu partais en voyage, sache qu’ici ou ailleurs il y aura de la place pour tes disciples, pour mes frères et soeurs en toi, afin de perpétuer le feu d’entre les eaux et le crâne, et nous entretenir de ce qui reste encore à faire .

Et puisque la vie est quête et pélerinage continu, tu es le bourdon du pélerin, le précieux bâton qui me soutient et avec lequel je calligraphie dans la poussière du chemin les lettres sacrées de notre écriture universelle .

Je t’aime, mon amie .

137

Kawai mataki zuwa ga hikima

   Hikima. Kalma “hikima” ya zo daga Latin “sani”, daga ina kuma kalma “dandano”. Hikima ita ce fasaha ta godiya da dandano. Ta yana nuna hali sosai, kwarai da gaske, kuma yayi nisa sosai ƙayyadaddun ra'ayi ƙungiya. Yana da game da nemo fasahar rayuwa cewa bari ku ɗanɗani daɗin rayuwa .

Ta yaya wannan ra'ayi na hikima yake da alaƙa da hakan, da occidental, nafalsafa ; domin falsafar tana nufin “son hikima”. A zamanin da, masana falsafa maza ne da ake sa rai su rayu bisa falsafar da suka koyar. Don falsafa ya ƙunshi a hanyar rayuwa wacce ta dace da tunani da rayuwa .

Sannan kuma a cikin ’yan ƙarni na ƙarshe, in Yamma, falsafar ta zama fasahar gina tsarin tunani, don tallafa musu, don kare su kuma, in “tattaunawa”, tattaunawa, don tabbatar da fifikonsu akan wasu. A kasar Sin na gargajiya, daya daga gidajen hikimar duniya, an tsara shi daban ; haka mu ya ce “mai hankali ba shi da hankali, ba matsayi, ba tare da larura ba” .

Ina tsammanin mai hikima mutum ne ba tare da shi ba inganci na musamman, ba tare da an ƙaddara ra'ayi ba, ba tare da tsayawa ba kare, domin yana so ya kasance a bude ga gaskiya, zama sabo da a shirye don abin da ya faru. Ta hanyar wannan matsayi ne mai hikima zai iya mafi kyau Ka yi tunani a kan wanda ya gaskata shi. Hikima kishiyar hikima ce. tsutsa. Tana kusa da nutsuwa .

Masu hikima “ya gaskata” ba ; yana da “ya kasance” .

The “imani” ya zo daga Latin “yi imani” kuma a cikin wannan iyali na kalmomi muna samun musamman a ciki Faransanci “gaskiya”, wato hanyar bada mannewa don tabbatar da cewa mutum ba zai iya tabbatar da hankali ba. Yi imani shi ne riko da wasu tabbaci .

The “ya kasance” ya zo daga Latin “amintattu” kuma a cikin dangin kalmomin da aka samo daga wannan tushen akwai Latin “a amince”, wanda ya bayar “amana ” a Faransanci. A mai imani ba da farko mutum ne da ya gaskata wannan ko wancan ba, amma mutum zama daga ciki ta hanyar amincewa. Ka yi imani, shine aminta a cikin kowace irin hakikanin gaskiya. Za a iya zama da mu amincewa da imani ba tare da sanin ainihin menene kasan kasan na hakika ba .

Kada kayi la'akari da “imani” kamar yadda gaskiya, amma a matsayin kasancewa na wani tsari matakin sani fiye da “ya kasance .”

Kuma akan wannan hanya, kullum muna kokari don yin mataki na farko. Lokacin da muka ɗauki mataki, mu fallasa kanmu ga a rashin daidaituwa. Mun yarda na ɗan lokaci don rasa ma'auni na kwanciyar hankali har sai an sami sabon ma'auni, kafa kafa a kasa. Lokacin da babu abin da ya fi ƙarfafawa kamar tsayawa, gaba daya kafa a gaban ɗayan, shine a dauki kasadar takudi. Yana yarda da da aka sani zuwa ga wanda ba a sani ba, Kuma wannan, ba tare da sanin a gaba ba idan wannan ajiye farin ciki da gwaji. Ga wanda ya tashi da tafiya, zai bude gabansa a sararin sarari, domin ya danganta da kwas din da ya tsara – ko kuwa gaskiya, gaskiya ko hikima –  da “mai tafiya na gaskiya” iya tashi daga fara farawa da mafarin da ba su da iyaka.

da “mai tafiya na gaskiya” mutumin wannan ne duniya. Ba zai iya karkata daga alƙawarin da a ƙarshen tafarkin rayuwarsa ba zai kira shi ya shiga labari, don biyan kuɗi ga abin da aka yi ko ba a yi ba tukuna a gabansa kuma yana jin cewa dole ne a yi. Zai bukata don shiga. Dole ne ya kasance cikin jiki don taimakawa canza duniya.

da “mai tafiya na gaskiya” kuma da alama fita daga duniya. Yana cikin kansa, don kansa, abin da ya gane ta ta hanyar ciki. Yana hulda kai tsaye da abin da ya wuce shi kuma inexorably ci gaba zuwa ga unnameable da sunan. Yana bayarwa yana karba a matsayin na wucewa lokaci da gamuwa da shi ba tare da bayar da lamuni na musamman ba kula da sakamakon ayyukansu. Shi ne“gaban” ga menene. Yana ciki amana .

da “mai tafiya na gaskiya” domin neman nasa nasara dole ne ta shawo kan sabani tsakanin“mu'amala” da“ciki” domin zama a ƙofofin Haikali inda “hikima” da “ilimi” suna nan duka sun bambanta kuma sun sake haduwa. A wannan lokacin a cikin tafiyarsa, ta hanyar juyawa hangen zaman gaba da imani, zai iya wuce matakin gaskiya fiye da haka daga abin da tunaninmu ba ya aiki. A cikin sakamako, me a duniyar mu al'ada alama bai dace ba, zai iya bayyana akasin haka a cikin yarda, Yaushe mu canza rajista, kamar sabon matakin gaskiya .

Babu adawa tsakanin neman ciki da shiga cikin rayuwar duniya. Daya ya kusan sharaɗin don ɗayan ya zama mai tasiri da gaske. Wanda zai zauna kusan ko da yaushe ta kulle kanta a cikin wani irin nema mara tushe gama bushewa a kan kurangar inabi, domin ba za ta rasa abinci daga itacen inabin ba dangantaka da dukkan halittun da ke kewaye da shi. Kuma duk wanda zai shiga ciki canza duniya ba tare da ɗaukar lokaci don komawa cikinta ba zurfi, wannan bayan wani lokaci zai iya watsewa, rugujewa, ku watse, da chosifier .

136

D’une relation l’autre

Il est admis que c’est seulement par l’expérience personnelle que nous pouvons accéder à un peu plus de connaissance .

Mettre dans un bocal tout le succédané des enseignements ne mène qu’à soumettre à l’épreuve de la saumure la pureté de la quête en ses préliminaires ; ça chauffe, ça brûle même, mais jamais ne parviendra à maturité ce chercheur des eaux obscures .

Tu n’attesteras pas de ton appartenance à quoi que ce soit, une joie illusoire pouvant se glisser entre ta parole et l’objet de ta recherche .

Sois vraiment toi. Au passage du gué, il y aura l’épreuve. Alors ne te raconte pas d’histoire. Et même, ne dis rien. Garde le silence. Vois, et tu seras vu .

Si viens à passer le voyageur aux sept chameaux chargés de tapis, de soieries, de fourrures de parfums et de pierres précieuses, et que celui-ci veuille acheter tes vieilles chaussures toutes racornies, c’est que ces chaussures n’ont pas toujours été les tiennes et qu’un autre les portera .

Il te reste alors le chemin, et sois son obligé .

Ne sois plus la victime de ta croyance à être sur lebonchemin. Les grandes choses que nous puissions voir le seront par l’entremise des proches personnes qui t’entourent. Ta femme, ton homme, tes enfants, tes amis, tes voisins, te convoqueront à cesser d’être la victime de l’autre pour t’engager sur la voie de n’attendre rien .

135

La simplicité

  Autant parler de moi .

Autant parler des pierres, des fleurs et puis des arbres .

Je leur ai parlé .

Je fais parti de cette confrérie des jardiniers de la création .

Je sais qu’il faut progresser les mains nues, oeuvrer dans l’instant, dans l’obéissance à ce qui est, être à l’écoute, et non pas s’affubler d’outils performants .

Et puis j’ai découvert que la nature parlait, et en l’écoutant, j’ai découvert le silence intérieur de la communion, de cette union de soi avec l’autre, que l’autre soit un minéral, un végétal, un être animal ou humain, ou bien une entité naturelle ou cosmique plus grande que soi .

Certes la nature ne parle pas français ou japonais, ni un langage symbolique, mais elle s’exprime parrésonance”. L’on se met en position d’attente sans attente, de prière, de contemplation et le cerisier vous raconte une histoire, et le frêne, une autre histoire, et le hêtre une autre histoire encore .

Avec les chrétiens, à Pâque, on touche le mystère de la mort : s’il n’y a pas de mort, il n’y a pas de résurrection. Si j’amène ma petite fille voir l’amande en train de pourrir, je ne lui dis pas : “Regarde l’amande en train de pourrir”, mais : “Regarde l’amandier en train de naître”. Pour l’amande, c’est certainement un moment terrible, mais cette amande donne la vie. C’est le lâcher-prise, l’abandon, la confiance .

Les arbres nous donnent à grandir .

Un jour en me promenant, je croisais un pommier, avec à son pied un petit pommier pas plus haut que trois pommes en train de pousser. Je levais les yeux et vis une pomme pourrie accrochée au pommier. Je compris alors qu’il existait deux morts. Cette pomme aimait tellement sa maman qu’elle n’a pas voulu couper le cordon ombilical et est resté accroché à la branche où elle a pourri sans donner la vie. Une autre pomme, duk, est tombée. Elle a pris le risque d’aller voir ailleurs et coupant le cordon ombilical est tombé à terre ; elle est morte, mais de cette mort est né un pommier .

La nature nous apprend qu’il y a des sauts, des morts, des émondages, des ruptures dans le rythme, une obéissance nécessaire à faire avec confiance afin de retrouver l’acte premier, l’acte créateur .

133