C’est vrai

C’est vrai
De nuit comme de jour
Que la pluie creuse la paume
Que les sons farfouillent et tressent l’air
Que les enfants sont bels.

C’est vrai
Qu’il n’y a pas à s’arrêter de vibrer
Qu’une force invisible forme et déforme l’objet
Que l’étrangère de peau crucifie les pensées
Que l’agir crée l’espace.

C’est vrai
Que d’entrevoir laisse percer le rêve
Que la plume devient inquiète quand la banquise craque
Que par le biais de l’accent tonique l’ADN est modifié
Que d'articuler les paroles mène au magma lacrymal.

C’est vrai
Que l’osier ose se balancer
Que la lunette nous rapproche du fond de scène
Que la lumière écarquille le sens et l’âme
Que l’ombre graphe les signes auspicieux.

C’est vrai
Que les mutations rendent les conversations errantes
Que l’imaginaire collectif fait chorus
Que la parole brute jaillit par l’émotion
Que les jacasseries affouillent les plaies.

C’est vrai
Que la mise à distance interroge l’aventure
Que le hors-champ cingle vers les terres australes
Que les forces vives entremêlent promesses et dangers
Que le non-jeu fait sien le bandeau sur nos yeux.

1493

Le bourdon

Les Grandes Oreilles de la Remugle
Se sont penchées sur le grandir et le vieillir
Mouche à Mouche d’une narration adaptatrice
Cliquant sur l’Avenir
Le Reverse du capitaine Crochet.

Moment choisi par la nuée des insectes
D’élire le meilleur d’entre eux
Le bourdon à l’intelligence collective développée
Que même la parade de la drosophile
Passe pour un harmonium désaccordé.

À même d’écouter cette histoire
Ils abusèrent l’auditoire
Par quelques chansons coquines
Narrant par le menu
Les aventures pichrocolines des faiseurs d’anges.

Écriture soignée
De matière sonore équarrie à la hache
Ils ont fouillé la terre de nos ancêtres
Par l’envoi du quotidien
Le sens et l’émotion faisant florès.

Plume d’or descendante
Virevolte incarnée des bonnes idées
Les fêlures de l’esprit
Accueillirent les restes sacrificiels
Du taureau de circonstance.

Le ciel noir
Gardait sa résille des commémorations
Pour entonner l’hymne des cieux
Sur un air de fanfare
Ivre du jour où la barrière céda.

Le bourdon butineur de chèvrefeuilles
Persistait à confier son lourd secret
De coroles en pistils
Sans qu’un chagrin d’amour
Vienne éparpiller les appels au secours.

La pluie de ses augustes gouttes
Fouaillait le sol
Données froides aux rebonds athlétiques
Permettant de casser la molécule
Pour encore plus de mémoire.

Quant au bourdon de bonne foi
Il saura en imposant son rythme
Trouver partenaire à sa mesure
Par un rituel de séduction
Privilégiant le désir brûlant à la vie.


1492

Le complot du lotus

Vingt Vingt Vingt et Un
Et la nuit vint
Au carré d’as de la mise à cru
Au carénage des structures élaborées
Dont préférer la douleur familière
De l’arrivée dans un lieu nouveau
À l’humiliation assurée
De déclencher le cri qui tue.

Vingt Vingt Vingt et Deux
Le petit train d’Elon Musk
Gargouille de plaisir
Près de la fleur de lotus
Au passage des rondins de bouleau
De par la schlitte transportés
Sous un dais de chèvrefeuilles
Parfumant l’inutile de nos jacassements.


Vingt Vingt Vingt et Trois
Ourdirent le complot du lotus
Dont la fleur patinée de lumière
En son eau chargée de nutriments
Paraissait l’ultime stase
D’un cycle d’au-delà les collines
Que la cornemuse faisait vibrer
Dans la levée des brumes matinales.

1491

Les vingt quatre vautours

Je viens de loin d’ici
Et me repais de chair morte.

Je plane et vois
L’offre de vie au déplié du vent.

En groupe j’adhère
À la promiscuité des arrangements.

Dans la torpeur du matin
Je suis le nomade des chasseurs-cueilleurs.

À fond dans l’école du risque
J’enrobe d’instinct toute science de la conservation.

Dans les grands champs d’ombre et de lumière
Je préfère la tâche rouge vif.

Dans mon travail de péréquation
J’opte pour une existence longue et opportune.

Un jour les planètes s’aligneront
Dans un dernier survol de plumes et de silence.

Je suis tout en haut de l’échelle des valeurs
Tout en culpabilisant de ne pas donner la mort.

Face aux émotions fortes
Je tourne en rond.

Je suis le Mickey
Au manège des esprits.

De l’effet placebo
Je gobe le papier froissé dans la poubelle de l’instant.

Devant l’enfumage organisé des carcasses abandonnées
Je suis le Jet Stream de la rotation planétaire.

Je persiste sur mon aire de jeu
Comme l’enfant dans son bac à sable.

Par l’évitement de la nouveauté
J’évite l’illusion de l’indistinct.

Parfois dans le ciel bleu de nuit
J’ai surpris des bulles entrer en collision.

Je suis descendu dans le jardin des hommes
Subtiliser le renard et la poule.

Un repas suivi de plusieurs jours de jeûne
Affirme la raison d’être du rapace.

Me suis miré dans une flaque d’eau
En engageant le bec dans ses rides concentriques.

Un jour, me posant sur la cime d’un arbre
J’ai oscillé jusqu’à la déraison.

Par un vol plané de perdition
J’ai rejoint le sol.

Foulant l’herbe de mes ancêtres
J’ai senti le « chi » me donner force et âme.

Puis de m’élever tête altière
Je perçus le message qui me sera donné.

« Vole et te plais
De réveiller les étoiles dans le néant des cœurs. »

1490

Par deux

Par deux
De mise à l’écart
Le couple forme et déforme
L’instinct de la rencontre.

Telles pierres suspendues
La ruine dresse un dernier mur
Sous un ciel impavide
Que pigmentent les nuages.

Un regard étranger
Découpe sèche à l’horizon débonnaire
Offre à la vastitude
Ce que nous avons accumulé.

Frisson de la dépossession
Face aux grandes herbes accoutumées
La donne est abondante
Pour les suppliants de la sagesse.

Table mise
Promise à ceux du front
Remettons le bleuet
Après le bruit du canon.

Un air frais découpe la lumière
En lanières d’ombre
Propice à la saisine
Du marché aux esclaves.

Miss Mouche
S’emmanche à déraison
Dans la contrefaçon
La fourche à bout de bras.

Mister Marron d’Inde
Au summum de la colline
Pêche à la ligne
Sans honte feinte.

Se tinrent par la main
Les enturbannés de la mission
Malgré maintes démangeaisons
Et ce jusqu’au matin.

Sur le filament de l’unique ampoule
Firent du trapèze
Sans que cela pèse
Au grand ahurissement de la foule.

C’est en fin de partie
Que l’on compte les points
Les rogatons se poussant du pied
À grands éclats de rire dans le nez.

Marchons
Saignons le cochon
Mais jamais ô non jamais
Ne subissons une si haute famille.

1489

Poussée de vérité

Littérature d’aubépines et d’étoiles
Que passe l’écriture des louanges fleuries
Sous la poussée de vérité
Rongeant le fond du ciel
Comme fissure sur papier blanc.

Le serviteur inutile s’est levé
De son regard il a secouru
Le mendiant annoncé à la porte
Grattant de ses doigts gourds
Quelque légende à la triste figure.

Les petites filles m’ont poussé du coude
Dans cette église à la Vierge Noire
Un frisson de beauté parcourant la travée
Lune rousse eucharistie souveraine
Ouvrant le coffre des amours.

Courir n’est point de mise
Vers cette déchirure
Où la moindre goutte d’eau
Exorcise les lieux

Du plancher grinçant à la plaie réouverte.

Folle complainte du temps qui passe
Les lambeaux de chair éclairent la nuit
La vie brève et folle
Aux abîmes de solennité dédiée
Fourbie ses armes amères.

Palper sans trébucher le pommelé des gravités
Dextre et senestre consumés
Engage syllabe après syllabe
La mélodie des jours heureux
À sa juste place.

1488

Papilles rêches

Poule rousse caquetant
Dès l’embrasure de la porte
Attelage remontant
En tête de cohorte
Les bœufs se mirent à beugler.

Rose paradis
Des soldats endormis
Cette main malicieuse caressait l’herbe piquante
Cette main de haute couture
Pour papilles rêches.

Tel le sucre-neige
Au bas des pentes
Elles étaient attendues
Feuilles entrouvertes
Les petites choses de l’avent.

À émettre
Hardiment arrimé au hunier
Sans effet de retour
Le cri de l’hallali
Permet la phrase courte.

Écrire le son des sonnailles
Tend la longe de l’esprit
Bête des sous-bois
N’enseignant plus depuis belle lurette
Qu’aux sept épis de la Saint-Jean.


1487

À la croisée des champs

À la croisée des champs
Pastourelle étendue près d'elle
Ai levé la pensée au rire des sens.

Rafraîchi de près
Par l’odeur des moissons
Ai remisé l’envie d’aller battre campagne.

L’herbe humide caressera
Le contour du langage
Aux doigts de lune.

À regarder de près
L’alignement des sillons
Ai regretté la pliure des ans.

L’enfant suivi du chien
Sur la mule des prés caracolait
À l’envers du décor barrière baissée.

Laisser venir les mots
Occasionne force et beauté
À l’encan de la note signée.

Vertige à mourir d’ennui
Dans l’arène aux habits de lumière
S’oppose la foule des abeilles voyageuses.

L’Univers s’est fait la malle
À perpette jusqu’à la nausée
En jean, baskets et tee-shirt.

Au centre une rose trémière
Harnachée de clochettes remontantes
Poursuit son rêve.

Ondulant de la croupe aux épaules
Elle tenait un vélo
Dans la nuit du cœur, nue.

Si le poème boîte sur sa fin
En de bonnes mains
Faisons bruire la rivière.

Buissonnier des sourcils
Il était le nouveau-né couché sur la paille
À suivre à petits pas.

1486

Les regards se croisent

Se croisent les regards
Sur la margelle
Le soir
Quand la branche se brise
Que le vol des lucioles se fait délicat
Que les senteurs de lilas s’exhalent
Que la force de sève gonfle les pétales.

Le filet se resserre
L’instant éphémère contenu
Suggère la redondance
De l’esprit aux quatre coins courant
Vers l’infini ouvert
Du volcan des origines
Entre source et nuages.

L’heure est venue
D’aimer
De ne pas mourir
De se fondre dans le Visage unique
En avant de soi
Au survol des corbeaux
Par le dialogue éternel.

Les mailles sont fines
Au plus-ou-moins-tout
Du souffle se haussant
Sur la pensée de plain-pied
Énergie des profondeurs de l’Être
En l’alliance à trois faces
Ombre offerte à l’homme de longue errance.

Le lieu de toute vie
Est Vide médian
Caressant au plus mûr de l’été
La senteur des moissons
Flamme d’entre les ténèbres
Entrant en communion avec l’univers
Sourires partagés aux abords de minuit.

La Vie désire
La fin jaillit
Hors du cercle circassien
Mailles à partir
Du temps gonflé de sang
Accédant au chant
Par le pur silence.

1485


Faire la liste

Faire la liste 
Des lettres envoyées
Des lettres reçues
À ne plus déchiffrer
Qui mérite ou pas le pas de côté.

Un cadeau hérité
Que l’histoire érige
En renoncement
De la fleur frisottée
Posée sur le trait de plume.

J’œuvre
Et ouvre de mes dents de lait
Le caractère dansant
De la disposition à l’écriture
Par l’alignement des points de croix.

Le gris support efficace
Cligne de l’œil
In de tuin der lusten
Hésitant entre l’élan vers la cime
Et le remous vers l’abîme.

Le vrai est là
La marguerite à six pétales
S’est parée de silence
Les pistils en serre-file
Étant le centre ardent.

Range tes effets de lumière
Secoue les hardes au vestibule
Module à petits cris
L’arrivée du train
En gare de Talizat.

Les sacs de poésie
Seront jetés sur le quai
Les arbres frissonnant une dernière fois
Occuperont l’espace
Moulurant les lignes de force de l’encombrement.

À caractère aigu
L’or gelé n’y retrouverait mi
Que l’élément naturel
Picoré de mèches ardentes
Par l’ultime luciole.

Farde-toi
Écorne le coin du livre
De l’ombre de la lune
Pour délicat déplié du paysage
Dévoiler la présence de l’outrage.

À l’instant
J’ai traversé la paroi de tôle fine
Beauté du palpable léger
Dont l’Ineffable fait mystère
Sous la gangue des mots.

Va
L’infini
Que le tarmac ne peut atteindre
En souvenir d'un dernier vol
Reflète la douleur des anciens.

Gaine plastique
Drainant le remuement des ions
J’ai croisé l’ineffable
Avec la nature toute entière présente
Comme ponctuation de bas de page.


1484


La présence à ce qui s'advient