Arsip Kategori: Tahun 2015

la poésie en sourdine

 La poésie cabre les mots  
 Elle  
 L'écheveau multicolore  
 Déchiré  par sa propre énigme  
 Elle fleurit et se tait  
 Elle ondule  
 Rouleaux d'écume   
 Elle s'amuse ruse abuse  
 Elle fuse  
 Elle ricoche  
 Elle ricane  
 Elle rit jaune  
 Sans se renier  
 Elle ouvre  
 Elle offre  
 Elle ne saurait se soumettre à l'ordre établi 
 Elle batifole  
 Elle encarte par sa fragilité  
 Le clair-obscur des œillades thuriféraires  
 Son organisation est implacable  
 Elle est liberté  
 Elle repère  
 Elle ponctue  
 Elle s'accroupit devant le tout petit  
 Elle lévite par-delà les convenances  
 Elle ne saurait se satisfaire de la courbure du temps  
 Elle dégringole de l'échelle  
 L'éternité des commencements  
 Elle coiffe d'une mitre papale l'enfant des rues  
 A gorge déployée elle se rit des nuances  
 Elle contient les trolls et les farfadets   
 Elle érige les calvaires d'une caresse de plume  
 Elle incarne à mi-mots  
 Le méli-mélo quotidien  
 Elle est flamme jaillie du froissement du crépon  
 Elle est silence  
 Lalu  
 Menjadi  
 Patatras  
 Elle est fourmi  
 A rendre besogneuse la réalité  
 Elle est cigale  
 Par son aptitude à s'émerveiller  
 Du soucis du lendemain  
 Par grand vent  
 Les cheveux déliés  
 Elle est piste sableuse en bord de mer  
 Sur un vélo bringuebalant  
 Elle se construit le long du chemin  
 En errance d'être  
 Elle 
 L'herbe folle des no man's land 
 L'acclamée du bourgeon au printemps  
 En bord de route  
 Elle accueille les déchets  
 Elle recycle les plastiques  
 Du brame guttural de ses tuyaux   
 Elle orgue le cervidé aux bois du Roy  
 Elle est musique  
 Et si la nuit la surprend  
 Elle devient vers luisant dans la coquille d’œuf   
 Elle aboutit aux points de suspension de fin de vie   
 Elle fluidifie le grumeau des regrets  
 Elle 
 Qui de fleurs vêtue  
 Encombrait les greniers de ses émotions  
 Devient sourire  
 Dans la lumière d'un jour ultime  
 Elle craque et rebondit  
 A la fois regard et vécu  
 Perchée sur l'arbre maître  
 A guetter les traces de vie  
 Sous la mousse  
 Elle est écureuil   
 Vive et contemplative  
 Devant l'écueil des amandes sèches  
 Elle est passage obligé  
 De l'avant de l'après  
 Hors des ombrages sécuritaires  
 Exposée à l'ivresse caniculaire  
 Des cavalcades visionnaires  
 Elle est neige au soleil  
 Envergure brune aux ailes de géant  
 Elle raye d'un cri inouï  
 Le cristal infernal  
 Des mélopées hors d'âge  
 Elle modèle  
 De ses caresses arbustives  
 Les traits du visage de l'aïeule  
 Elle lève le rideau de sève  
 Par dessus les brumes matinales.
  
 Il est des rencontres  
 Sous le varech apporté par la marée  
 Où le fumet des décompositions prospère  
 Du germe au renouveau  
 La clameur de la foule vers la solitude  
 Et la chose dernière vers le mystère.
  
 Elle fût et sera  
 Ma femme reconnue  
 Mon chantre des nuits évaporées  
 Ma distance  
 Mon manquement  
 D'entre le trépied des dieux  
 A creuser le déraison   
 En sourdine d'âme  
 Alors déposée  
 Crûe sous l'ombre d'un soleil exsangue  
 Mon front ceint des dernières sueurs.
  
 Palme sera la poésie du retour à l'esprit  
 De mes doigts gourds  
 J'écarterais la terre  
 Un insecte montera sur l'ongle  
 Agile et inquiet .  

 Ce sera le matin .  


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L’écran de l’âme

 Sur l'écran blanc
 En sortie de scène
 Le Barbare arrache la gaine dorée de l'idole .

 Ignorant les menées vénéneuses
 Il peint et dépeint le processus de création
 À grandes lampées désirantes .

 Il fait craquer les coutures du décor ,
 Inconnaissables limites
 De la piété mise à nue .

 Reculant devant la lente montée des eaux
 Il intériorise le regard
 Jusqu'à l'hallucination .

 Les pierres du sentier craquent sous ses pas ,
 L'herbe libérée rayonne de photons ,
 Les bourgeons pulvérisent leur pollen .

 La fausse paix 
 Arbore son ventre aux syntaxes suaves
 Sur fond de perspective échappée.

 Le fourmillement de la présence
 Fait tâche de sang
 Sur la toile des commencements .

 Les saintes écorchures se referment
 Sous le souffle du pinceau
 Sans que l'encrier se renverse . 

 S'élève le long des barreaux de l'échelle
 Le Cadre noir des nuits traversières ,
 Ce chercheur d'équilibre .


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Par l’autorité de sa main

  Le seigneur de guerre devient prince de paix .

 Passeur du double des choses
 il délivre la lumière recluse dans la boîte des songes .

 Doutant de sa propre vision
 il met des œillères à son pur-sang .

 Le hasard accepté d'une bavure révèle un bleu diaphane .

 Il hâte imperceptiblement la chute de l'Occident .

 Il côtoie l'énormité de la tâche à venir .

 Il franchit le carroyage de l'espace céleste .

 Aux marges du monde ,
 dans la manade de son atelier
 sa gestuelle de cape et d'épée
 dompte les écrouelles .

 Il est peuple des menhirs .

 Parfois en lassitude
 ses yeux vairons
 fertilisent les paresses de l'esprit .

 Il est ardente digitale posée aux flasques des serrures .

 Il est veilleur de l'échauguette ,
 immobile en son attente .

 Il signe furtivement d'un spasme taurin
 le biais des choses dites .

 Il est le légiste inflexible
 de la liberté infinie des combinaisons .

 Il ouvre à coups de hache
 le deux fois béni de la blondeur de l'ange .

 Sur les faces endeuillées par la rupture des apparences
 il est l'ardent vandale d'une exigence barbare .

 Il courtise les crachats blancs de la ressemblance .

 Sur le visage perlé d'un mica de pacotille
 il desquame encore et encore le rire des atomes .

 Il rend visible l'Apocalypse ,
 lui , le prophète aux prunelles de Voyant .

 Il offre son visage aux inquisitions esthètes 
 lui , l'artiste des pleurs immédiats ,
 l'énucleur en instance .

 Et si le découvreur
 en ses croisillons cloutés
 calque l'enténèbrement de la clarté,
 selama , tout s'enflamme ,
 des yeux de l'aigle ,
 au souffle noir des bisons de la pensée ,
 tel le cœur du Beau impeccablement distingué ,
 telle la marge d'un cahier obliquement souillé de sang .

 Les persiennes claquent ,
 la jointure des dualités explose ,
 un éclair de vie clame l'éblouissement de la présence ,
 les poussières dansent dans le rai de lumière ,
 tout se rejoint d'une amble véritable .

 Quittant la caverne des errants
 il se soumet au tremplin des serviteurs
 lui , le prêtre des sorties d'exil .

  ( d'après une œuvre de JC Guerrero ) 

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le papa de mon papa il s’appelait Henri

Il vint au monde à Reims le 11 octobre 1886.

Devenu très jeune orphelin de père et de mère, il fût recueilli par un oncle d’Epernay .

A treize ans il travailla comme souffleur de verre .

Avec sa femme Lucie, ma grand’mère, ils eurent cinq enfants, dont l’aîné prénommé Jean devait décéder durant sa première année .

Après la Grande Guerre il fût embauché au Métro, à la RATP, où il restât jusqu’à la retraite.

Lui l’enfant des Ardennes descendu en Champagne était devenu parisien.

Après avoir habité rue du Chemin Vert à Boulogne, durant les années trente le couple et ses quatre enfants déménagèrent boulevard Murat, dans un grand appartement qu’ils durent abandonner pour faits de guerre , après le bombardement des usines Renault toutes proches qui endommagea l’immeuble.

La famille fût relogée rue de la Corrèze près de l’emplacement des anciennes fortifications dans le XIX éme arrondissement .

C’est là, rue de la Corrèze, que je fus impressionné par un camion poubelle tombé dans une gigantesque excavation qui s’était ouverte en pleine chaussée .

J’avais peur de ce grand’père qui me faisait les gros yeux et me grondait .

Comme cette fois où j’avais déchiré le papier peint de la salle de séjour en petites lanières, cette pièce où maman devait accoucher de ma sœur le 13 février 1945 .

J’admirais le carillon Westminster qui sonnait toutes les demi-heures au dessus du fauteuil de grand’père .

Car il était souvent dans son fauteuil, pépé Danube, comme je l’appelais parce que la station de métro la plus proche était Danube, ce qui me permettait de le différencier de mon autre grand’père, pépé Frugères .

Et il était dans son fauteuil, pépé Danube, parce qu’il avait mal aux jambes le 18 mai 1955.

On devait d’ailleurs lui couper une jambe peu de temps avant qu’il ne meure .

J’étais allé à son enterrement avec mes parents. Au retour du cimetière dans le bus qui nous ramenait porte de Pantin, j’ai ressenti la présence de pépé Danube. Cétait comme s’il me faisait part de choses importantes que je ne comprenais alors pas ; ça m’avait donné des frissons et une trace de cet événement demeure aujourd’hui en moi. J’avais alors neuf ans , et je n’ai jamais plus oublié sa présence d’homme bourru avec lequel je n’ai pas pu échanger .

Sur les photos il a un bon regard dans un visage aux traits doux, lui le taiseux qui néanmoins pouvait entrer dans des colères qui me terrifiaient.

Aku ci, il est photographié à Jouy dans l’Eure , avec son gilet de laine et son éternel béret qui cache sa calvitie il montre une attitude affable devant la maison de Louise , la sœur de sa femme , Lucie ma grand’mère , et de Léon l’ancien garde chasse, mari de Louise .

Quelque temps auparavant, au retour des grandes vacances passées comme chaque année à Frugères, nous étions rentrés par le train, maman, ma soeur et moi, au 75 rue Saint Charles à Grenelle.

Et là, surprise ! Le papier peint de notre cuisine, qui était en même temps salle de séjour et salle de bains, avait été refait. Et c’était mon papa qui avait fait ça, et il l’avait fait avec son père, pépé Danube.

La pièce irradiait de soleil en cette journée de fin d’été ….. et encore aujourd’hui une lumière persiste à cœur joie.

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deux parapluies

     Le vent souffle ,
échine lasse ,
chante quelque part
l'oiseau des étreintes hivernales .

Je ne t'oublierai pas ,
tu ne m'oublieras pas ,
pour ensemble
dire merci à ceux qui nous extirpent,
nous les parapluies de la sortie de liturgie
à ne pas choir en fond de vasque ,
inhalant les odeurs de cuisine
mi-chèvre mi-choux
mi-reille mi-figue
jouant à colin maillard
d'une narine l'autre .

Il est permis de se dire
que même par temps de traîne
la poignée se dresse
en confiance
vers les mains de Charlie, David, Ahmed
mais qu'une rafale de kalachnikov peut effacer ,
mascarade dérisoire ,
sombre venue des terreurs
que la bête immonde interpelle
naseaux fumants
l'entre-cuisse béante
engouffrant en fond d'entrailles
nos suaves irresponsabilités .

Il est temps de convoler
l'un vers l'autre
dans le bleu de nos pliures ,
d'endimancher de sourires
le passage des officiants
sur l'allée de graviers
défilant à pas comptés
vers le lieu sacré ,
beauté , amour , paix partagés,
au-delà du numineux ,
en l'incandescence de la transparence .


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