Tout posts pa Gael GERARD

Yo

Cornes pointées de fer
Elles tournent leurs redoutables têtes
Herbes enchantées pour couronnes
Qu’elles pendent aux esses inconcevables
En disant transformer le monde.

Elles lui prennent la main
L’Étranger à la voix douce
Lui demandant de l’aide
En lui disant que ce n’est pas l’ignorance qui les trompe
C’est l’amour.

Elles ressemblent à de grandes chauves-souris
Aux ailes de vaisseaux chylifères
Elles frappent le sol de leurs pieds griffus
Lieu de gémissements fumants
Elles roulent et leurs poitrines résonnent.

Entrailles de terre fécondée
Elles surgissent sur la plaine
Et accouchent
Venin vigoureux elles croassent
De leurs fines dents de diamant.

Le roi s’est assis au milieu d’elles
Alors elles soufflent le feu
Formidable brasier
Aspergé d’eau
Par le rire de l’Oiseau.

Elles ont chassé les étoiles palpitantes
Brandi le sceptre d’ivoire
Pour taureaux aux pieds de bronze
Envahir de leurs cris
Les poils pendants qu’elles caressent.

Elles sont suivies d’autres et puis d’autres
Aux bras rouges de sang
Jusqu’à se confondre avec l’horizon
Elles peuvent en manger
De l’homme.

En haut du tertre
Narines dures
Elles brûlent et détachent de leurs ceintures
Les pans de soie
De leur accouplement d'être.

Les lances aux bouts pointus
Ont atteint leurs cibles
Pour étonnamment gonfler de courage
L’arc-en-ciel des merveilles
D’une brassée de fusils.


1568

Je sou latè

Œil de terre
À l’iris végétal
Vous étiez trois dromadaires
À portée de regard
Broutant quelques touffes d’herbes sèches
Au milieu de la caillasse.

Ni ange ni séraphin
Ne chantait dans l’orbe minéral
Le silence exhalait un fumet lourd et sanguin
La lumière plaquait la chaleur
Au ras du sol
Vibrante comme frisure mouillée.



1567

Le vivant étendu de son long

Le vivant étendu de son long
Aux arcanes mes sœurs
Faisant outrage aux bonnes mœurs
S’est joint de Malaucène
Le crépu des morts de faim.

En Gaspésie la poésie s’était invitée
Arguant que le vide est vide
Que la couleur est interdite
En ces contrées où l’art trait à trait
Darde pinceaux et couteaux.

Fuligineux passage
D’entre les corps
La croix des moines
Ourle d’un carambolage serein
L’effraction du matin.

Puisatier à ses heures
Vénérable vieillard assis sur la margelle
Il eut contraint les oies sauvages
De s’astreindre à l’obligeance
De survoler le calligramme.

Me soigne mon cœur
Du rejet de la philosophie
Posée calme éclat
Sur la pierre des astreintes
Aux interlignes étirés.

Le jour se lève
Les lapins sortent des fourrés
La musaraigne cligne du museau
Une faible lumière monte à l’horizon
Il est temps de se mettre à l’ouvrage.

( Œuvre de Jean-Claude Guerrero )


1565


Les deux arbres

Fustel de Coulanges avait raison 
D’écraser d’un coup de talonnade
Le dernier mégot dans l’allée des Minimes.

Pou yo dwe,
Pommelaient les fruits de l’attente
Le cortège des errants
Mêlant à tout venant
Le sourire de l’enfant
Au souvenir de la guerre
Cette garce révélée
Par hourras de joie d’après victoire
Parcourant plaines et vallons
Loin loin très loin

Des boat peoples de la veille.

Joie primesautière
Sautant par-dessus la rivière
À découper le temps
De phrases coquelettes
Aux yeux irisés
À la pupille jaune et rectangulaire
Sortant de l’ombre
Comme les gémissements des wagons plombés
En pleine voie
Écumant les prémisses de la vie à venir
Par jets de vapeur saccadés
De clairière en clairière
Herbes roussies par les étincelles de la machine
Cambrant une dernière fois
Leurs houppes dégarnies
À même le gargouillis hirsute des roues sur le rail.

Ils étaient des milliers
Les déboutés de liberté
À participer au sacre de la navrance
Pain quotidien d’une pulsation alvéolaire
Apte à recueillir dans l’infusion des limbes
La part masquée de spasmes singuliers
Du signe propitiatoire de la cruelle évidence.

Il sera temps
De desceller la pierre
Pour atteindre le verre brisé des lunettes
Abandonnées par vent mauvais
Au détour d’une route
Menant aux deux arbres de la souffrance
Mêlant troncs et branches
Au travers de l’étroite lucarne
Proposant d’une main maladroite
Les papiers froissés de l’oubli
Borie de pierres sèches
Disposée droite devant la béance du silence.

Les jours succèdent aux jours
L’enfant secouru tend sa joue
Au rugueux d’une main d’homme
Prêt au grand saut
D’avoir à ouvrir son cœur
Sans voir ni entendre
Ce qui se trame à la poterne
Comme pluie soudaine
Sur la peau nue aux poils tendus.

À la croisée des chemins
Il s’est arrêté
Ménageant ses pieds
Collés cloqués au cuir de la chaussure
Offert au hasard
D’un repos bienvenu
Le bourdon enchâssé dans un trou de roche.

Pourquoi ces changements de directions
Pourquoi discorde étouffée
Avoir dévié
Avoir renié
La part des engagés
Pour se joignant à l’autre convoi
Prendre femme et enfants
Construire maison
Noircir l’âtre
Faire chanter le coq dans la cour
Jusqu’au bout du bout
Pour destruction survenue
Rebâtir à nouveau
La vision éternelle
Jusqu’à ce que noblesse vienne
Chargée de vieilles blessures
Pour déposer
Clé sur le coussin de brocard
À l’entrée du cloître des altérités
Promesse inouïe
Inaugurée la veille

Sous le tilleul bruissant d'abeilles rares.

Rester là
Cultiver la plante médicinale
Puis assis dans la stalle attitrée
Mêler paroles et pensées
Au soudain éveil de l’âme
Sous le dôme élevé
De l’autel aux sept épis de blé.

En lisière
Là où les chasseurs s’allongent
Demeuraient les restes
D’os et de hardes en charpie
Contre le socle de la croix des pendus.

Hommes de bien levons-nous
Gagnons le ruisseau murmurant
Aux rives d’herbes grasses
Pour planter les tepees
Surmontés de l’outre de chèvre
Repère à qui saura de l’Alliance
Être le chantre ultime des voix de nos ancêtres
Étoiles filant droites
Dans la ruelle des outrages
Repoussant le bois mort
De chaque côté de la trace
Sans trébucher sur la racine
À écarter les broussailles accumulées
Dernier passage du troupeau
Bêlant, raclant les cailloux de la draille
Sans que nuages s’en mêlent
Au ciel numineux
Traversé de part en part
Du levant au couchant
Par la présence des mégalithes
Fichés sous le grisollement des alouettes
Semant de fins baisers d’osier
L’air huilé de la contemplation.

1564

Mache epi rete an silans

Mache epi rete an silans
Vers la mer
Dernière côte abordée
Vers le bois des lois
Où se rassembler de vive foi
Sous la ramure des chênes.

Entrer en scène
Palpable mystère
Cette invisible chose
Qui nous fait aller
Vers les trucs et bidules
De la reconsidération.

S’effacent
Les dernières ombres
Du tôt matin
Alors que chantent les cigales
Spasme encéphalographique
À chauffer le ventre.

Chuchoter le transpir
Démaquiller les feux follets
Au travers des grandes herbes
À la sonorité sifflante
Rassurant les acouphènes
Comme oreilles vives au vent venu.

Au sol
Les pieds refusent d’avancer
Le cœur en émoi
Lance un dernier appel
Aux roches torturées
De l’entrée dans le lieu.

Écoute le silence
Aux lentes vibrations
Près des épineux en bord du chemin
Où tracasse et fricasse
L’attention fine
Prélude à l’ouverture des grottes.

Fine morsure
À gorge déployée
La basket racle le caillou
Près de la butte
Où rassembler les outils de l’attente
Devant l’aube émergente.

La grande Traversée
Faites d’éclats de vie et de brisures
Regarde notre humanité
Songeant à signaler
L’amour et la liberté
À la croisée des regards.

Élan frais
Du corps qui n’arrête pas de fonctionner
Sensations et mouvements mis en sourdine
Au profit de l’expérience sensorielle
Infiniment simplifiée
Comme lettre ouverte à la pointe du couteau.

Bref
Ils partagèrent
Session intranquille
Assise en zafu
La parole scripturaire
Méditée, apaisée, exhalée.

Les points de suspension
Se reconvertirent en silence
Passez muscade
Des remontrances absoutes
Où tout est là
Hors l’indicible.

Accepter la pliure du temps
Monter sans retour
Courir sur la crête
Évacuer la peur du vide
À la une à la deux
Une bouffée d’émotion face au vieil océan.

1563

Son an nan klewon an

Papa m 'te jwe twonpèt la
Anba pyebwa memwa yo
Inokulan pou timoun nan
Ofri a sote ak pye jwenti
Nan ti flak dlo a gwo
Dapre tanpèt la
Sou wout la nan Clay.

Konkrè se demand la
Pou yo ale nan chache nan move lespri yo
Metafò a nan tristesse
Anvan ou ale nan chanm nan chanm
Istwa frape
Nan vaz la sispèk
San lonbraj yon regrè.

Kò a se nan estrikti frajil
Flè a klere
Token glise nan déchirure la
Se pou nou inogire bon plas la
Dekore avèk brouyar pasmeter
Ki kote yo mete yon sak
Panse sou ou.

Konfli krich la nan gòj mwen
Peze sou kou mwen kèk plant medsin
Rete an silans
Jis haloed pa bousment nan ensèk
Pou fè yon son
Son an nan egzistans pèmèt
Nan krwazbist la nan bra yo nan kwa a.

Souke ak spasm
Vant la te tounen soti
Chode
Kite twou wòch la
Vivan ak awogan
Rèn nan pote nan li
Pwòp akonplisman li.

Desizyon pran
Vle pa dezi
Li te ale nan kabann nan ble mi
Sou fanm lan ak bisiklèt ranvèse
Entwisyon abouti
Pran istwa
Nan antre sa a nan lagè.

Kafe te savoureuse
Sou teras la estasyon
Gade tren yo pase
Pa tande plis pase dis minit

Koule tankou dlo
San twòp detay pou bay
Ant kè a ak poumon yo nan dezakò.

Je plisman
Pote pyebwa yo pi pre wòch la
Protuberance nan bag la jargon
Mo chak jou
Mete nan parantèz
Sou egzeyat yon tas
Bèso nan yon poupe ranyon.

Defo beanful ak twou
Blesi sekrè nan mouvman Latè
Louvri nan zenit la

A midi
Mache pye atè nan sab la mouye
Pou kapab wè kaye a ak kouvèti a
Apre pèdi wout sou falèz la.

Sou tab la malgre tout bagay
Gade bon
Ane te pase
Chans pou vide ak sik jivraj
Do a nan men an
Glise nan espas sa a
Nan Grande Vivrière la.

Flè pubis
Pouse la ak ti kras tero
Yo te rive jwenn
Istwa a di
Lè yo peye tikè avyon
Ale lakay ou
Maryaj pwograme.

Tykewarm
Sou zòn nan depicing
Te fè chanm
Glise je a nan twou a
Nan enkyetid la sèl
Rann nèt
Son an nan klewon an.


1562

Vole

Vole
Au sortir des Courmettes
À la peau panachée
Approchant des siècles les siècles
Par sa prestance et sa beauté
Le plain-chant du coucou gris.

Je jure que je t’aime
Acolyte à l’écorce rugueuse
Et de t’adjoindre les elfes
Pour te servir
Et d’aller chercher pour toi
Le joyau des profondeurs.

Monsieur je vous prie
Ne soyez pas brise-gueule
Dans la forêt sous roches
Le désir est ample connaissance de soi
À humecter l’œil
À danser en cercle.

Manque plus
Que le pipeau des anges
Pour raviver le jeune sang
Archer lubrique posant sa flèche
Sou wòch sakrifis la
Reflet de l’astre radieux.

Madame je vous suggère
D’aller goûter de la langue
Le cœur de l’homme
Le rêve d’une fin de cycle
Chantant à tue-tête la ballade accoutumée
Des gens heureux.

Vogue
Et gonfle le ventre
Sois gracieux
Engrossé par le jeu des méandres
Sur terre et dans les airs
Chemin de l’homme à l’homme.



1561

Le bâton et la lune

Écoute
Je vais te dire un truc
Tu m’attends
Le temps passe
Y’a tant de tentations
Et hop ! je reviens.

Pourquoi tu dis rien
Toi la lune
Petite lune à cornettes
Que corroborent les corbeaux
Dans leur retour en ville
Le soir venu.

Ben oui
Y’a aussi l’horizon
L’horizon plus loin que de raison
Encore plus loin que la maison
L’horizon de la chanson
Flouté à foison.

Allez viens
Faut que je te dise quelque chose
Que le ciel c’est grand
Plus haut que les moulins
Au grand festin
Du jour de l’an.

E ankò
Ça décline de partout
Du sol au plafond
Mousse rousse
Danse toujours
Devant la nuit devant le jour.

Pour finir
Si c’est pas trop tordu
Y’a la boite de thon à ouvrir
À ouvrir en cœur
Avant que le bâton ne fasse un doigt d'honneur
Figé en son ardeur.


1560

En avant toute !

De se baisser
À la seconde
Quelque chose passe
Au risque de descendre en paradis
En beauté
En douceur
Une perle entre les dents
Comme hier comme demain.

On y verra les premières étoiles
En vertu de la poésie
Pour ne pas compromettre
À l’arrière de la tête
Ce que l’adulte dit
Piège à casser le fil
De l’enfant poussant loin devant lui
La brouette en plastique.

Il est possible
Qu’un merle passe
Et repasse sur le fil à linge
Accumulant les becs jaunes
De la collectivité
En facilitation infinie
D’être le maître des lieux
À la réputation de pure extase.

Un brin de sourire
Pour s’ouvrir en modèle réduit
À la réhabilitation du domaine des grands
Simplement
Sous le couvert végétal
Veillant à feu doux
La poignée de pois chiches
Jetée sur la braise.

À offrir
Sur un lit de mousse
La pierre blanche
Comme vitrail
Traversé par la lumière
Pointe fine du calame
Inscrivant quelque signe
En attention flottante.

Je roule donc je suis
En couleurs à même la terre battue
Crissant sous la semelle
Porte de grange ouverte
Pigmentée de trous de vers
Juste le temps de recouvrer
Le seau de fer blanc
Empli de caséine bulbeuse.


1559