Kategori Achiv: Mas 2017

si belle à l’ombre

   Si belle à l'ombre   
et cousue d'esprit
elle se pavanait
chapeau de paille
au gré des œillades matricielles.

Surgirent
l'entre-chats l'entre-chiens
des surprises brèves
sans sourciller sans barguigner
la cigarette en apostrophe.

Maugréant ci-devant
au parvis de l'outrage
les fresques rupestres
de ses vêtements d'emprunt
se prirent dans les rayons
d'une bicyclette
sans béquille
avec sonnette tintinnabulante
et garde-boues de bois
pour se tenir bien droite.

Elle zigzaguait
de platane en platane
le fossé aux grenouilles
crevant ses bulles amères
à mesure de l'errance.

Sans cérémonial
dentelles au vent
elle déchira la brume matutinale
mains sur la guidoline
un soupçon de mimosa sur le nez.

Si belle à l'ombre
et cousue d'esprit
elle se pavanait
chapeau de paille
au gré des œillades matricielles.


333

pas à pas de voyage en voyage – 1

   Pas à pas,   
 de voyage en voyage,   
 au cercle d'un cirque   
 que le sable isole    
 la rumeur soulève les rideaux du spectacle. 
    
 Entrée colorée,   
 barnum bruyant,   
 poussière soulevée   
 du cortège animal,   
 des passions de l'âme   
 élevées aux pinacles des temples   
 à démanteler,   
 à mettre à la raison   
 et métamorphoser.     

 De sang et de couleurs,   
 les cris furieux des Érinyes   
 ont détruit les paysages de l'enfance,   
 les lèvres d'argile des sources    
 ont fait place   
 aux buses de ciment,   
 la pierre des protections a été arrachée,   
 les haies ont été abattues,   
 les fossés comblés,   
 le renard argenté   
 ne retrouvera plus le centre,   
 un vent mauvais rabat les grumeaux de terre   
 vers les terrasses de pierres sèches,   
 un vieux frêne murmure ses dernières dispositions.     

 La nuit roucoule,   
 pigeons de l'âme   
 en surplomb   
 des manquements à l'humaine condition,   
 les mensonges populistes   
 remplacent le chant des poètes,   
 les chenilles des engins de guerre   
 suivent les souliers ferrés des poilus,   
 le ciel s'assombrit,   
 même les arbres sculptés par le vent d'ouest   
 se sont couchés sous la tempête.    
 
 L'air est fétide,   
 sur le mur des lamentations   
 les papiers de l'en-vie   
 froissés et forcés   
 aux jointures des pierres   
 couvertes de lichens   
 deviennent chairs pantelantes   
 d'un tsimtsoum aléatoire. 
     
 Les mains décharnées,   
 hors des poches à l'avenant   
 écorchent l'oubli,   
 les yeux révulsés   
 clipsent les valeurs de l'esprit,   
 une crème sulfureuse   
 maquille d'un sourire de clown 
 nos errances dernières.   
  
 La fureur fait place   
 à la nuit,   
 au silence,   
 enlaidie par les passes d'armes   
 des combats et des haines,   
 pommelée par la levée   
 des moissons nouvelles,      
 devenues complice consentante   
 d'une renaissance de pacotille.  
    
 Il n'est d'herbes officinales   
 que celles du printemps,   
 herbes collégiales    
 du baiser des amants    
 dispersés    
 en quête du grand chambardement,   
 un quignon de pain   
 en fond de sac,  
 l'eau dans le ciboire des altérités.  
   
 Nous lèverons le Son des ricochets,    
 cailloux jetés sur la rivière,   
 à portée des demandeurs d'asile,   
 en sortie de notre exil.  

   
332

mémoire aux quatre fleurs

   La mémoire en apnée   
quatre fleurs en rebord de fenêtre
petite fille à quatre pattes
à flot
d'un soleil émargé
par mon frère, zanmi m, pitit mwen, mon camarade
associés
à l'aube d'un amandier fleuri
lorsque l'ongle
raye d'un trait aigu
le passage de l'été
éveil des miradors
sur la plaine disposés
sage frontispice
par dessus la forêt
œil préposé
sans qu'alunissent
les pensées
monte en retour
cette flèche cathédrale
crevant le panier d'osier du patrimoine
étendue
sur le drap des origines
en balbutiement d'être
les galoches pendantes
au bout des jambes maigres
à mesure
poussières d'or
des mains effaçant
le sceptre des exigences
paroles échappées
d'une outre crevée
soupçon des remembrances
sans que famine vienne
en cette obscure contrée
où femmes, hommes et enfants après la mitraille
encensent de leur clarté
la brassée de fleurs fanées
cheve defèt
au sarcasme des casques à pointe
brisant les tibias des corps blanchis
au cirque d'une évacuation de circonstance
charrettes et baluchons à l'avenant
ma petite fille
je vais faire du feu
une fois encore
te conter une histoire pour t'endormir
feuille d'argent
disposée en rebord de fenêtre
à flotter
sur la mer des souvenirs
parade nuptiale
ouverture blanche
des portes d'amour
à pousser d'un geste tendre
loin très loin des berges
l'ombre de l'orme colossal.


331

Sylvain Gerard . travay 6 – le faune à la petite chaise

   S'est envolé  
le jeune homme à la cigarette
en cet imbroglio d'escaliers
sans que la marche apparaisse
en échange d'une petite chaise
asseoir le qu'en dira-t-on
de ses longs doigts
jeter la dérision
parcimonieusement
cheval de Troie
assaillant par effraction
la chambre de Vincent
en bout du couloir des attentes
le chat saute sur la table
câline le cou de l'enfant
sectionnant d'une œillade terminale
le jeu des mille et une tentations
étuve des nuits de rupture
élevées en tremblant
la roue à aubes des reconductions
au matin frais
néanmoins cautérisées
renoncules de ces pensées
au souffle lancinant
des renonciations
à quai
sans que le train déchire l'air
de sa stridence invertébrée
accumulation des déchets de la combustion
pour en partie
reconduire l'ardente flexion du faune
devant la vierge cantilène.

Derrière la fenêtre
les arbres de l'hiver
évitaient de trancher dans le vif
les mots d'amour d'un passé révolu.


330

sylvain gerard . travay 5 – l’enfant perdu du caravansérail

 A l'orée du songe   
le père
tend la main
la mère
mains dans le dos
le chien
clôt la trace
l'enfant
se cache.

Au loin un moulin hollandais
au premier étage
les appartements sont ouverts
les colonnes soutiennent les arches
un blanc laiteux couvre les murs
le cheval est prêt.

Youn !
monte
efface les gourmandises
d'un geste
ne retiens pas la mort
sois le vent dans la fraîcheur du matin clair
sois l'ardoyant de ton espace
hoquette la vie
au vermillon d'un spasme
sois le ciel en gloire
mon enfant
mon diamant de l'instant
nan kwen bouch yo
point de sourire
juste l'occasion d'une cavalcade
juste la friction avec l'éternel.

Éclair foudroyant
tu connais le chemin
en douceur
hors l'inter-dits
des velléités de l'ombre.


figé au calvaire des épousés
la cible des vérités
cette pièce de velours
où poser sa tête
je nan je
avant la déchirure.


317

Il faudrait planter un frêne

 Me suis promené   
 Sur le chemin entre les blés   
 Piquetés de coquelicots, bleuets et marguerites   
 Houppes céréalières  
 Que le vent peignait,    
 D'amples ondulations,    
 Vagues d'un océan bruissant
 Exhaussant le vert tendre des épis.   

 Il y avait le don de soi   
 L'abandon à la nature   
 La vie dans son mystère   
 En sa sainte coquille   
 Au gré du sourire d'un soleil   
 Clignant des nuages   
 À mesure de son avancée.   

 Il y avait l'ancrage   
 De la maison de pierres noires  
 Vaisseau familial arrimé 
 En bout d'horizon   
 Derrière la ruine des Matillou.
  
 Il y avait la chaleur   
 Du grand'père   
 Des parents   
 Des enfants    
 Tissant    
 Les paroles de sieste   
 Entre journal et tricot.   
      
 " Il faudrait planter un frêne pour avoir de l'ombre. "  

 Ce fût fait.   


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