Philtre d’amour

   Philtre d'amour   
aux brumes symphoniques
se lèvent s'élèvent
les lèvres de l'estran.

Follicule légère
portant gousset de miel
et lechon de tendresse
se courbe sous la brise.

Mange suçon
sur ton épaule
le nuage monte et démonte
les barrières du corral.

Je te cherche
par les bruyères humides
l’œil d'Horus sur le front
petite main palmée.

Icelle des habits
posés sur la rambarde
les yeux frôlent l'invisible
ma mie de mise en chaire.

Félibrige
des nuits de mannes
court le long des vires
l'enfant aux sabots de bois.

Noire étrave
la cascade rugit
en déboulé de pente
que ton sourire irise.

Þú ert falleg
je te vois d'oublieuse passion
le buste sous la soie
d'une flèche de lumière.

Les arbres sont si hauts
si faits de beaux rameaux
qu'assis déhanché sur ma canne
j'accueille les fruits de mes pensées.

Les vendanges se feront à l'automne
au matin frais de cette obligation
douce patte féline
que le vent assène.


399

Le corps dit

 Le corps dit   
 en dérive de ce qui vient   
 le plaisir et le mystère   
 aux rives   
 de dés jetés en pâture.  
    
 Glorieuse advenue   
 du temps qui passe   
 pour que vivent   
 l'élan des rires clairs   
 et le lait de ton sein.  
    
 Chemin montant   
 vers la gorge rauque   
 le cri souris des milans   
 pose d'un reflet d'ambre   
 la fleur éternelle.   
   
 Ma mie   
 aux draps froissés   
 mes doigts ne peuvent   
 qu'échancrer les portes du palais   
 où renaître en creux et en bosses.    
  
 Palinodie des offres   
 la marchande des quatre saisons   
 ne passera plus   
 au gai ruissellement   
 des roues ferrées sur le pavé.  
    
 Dénoue les rubans de la fête   
 Requinque d'une pichenette   
 les lanternes chinoises   
 le bandonéon recèle   
 plus d'un sel.    
  
 Laisse-toi lécher le bout du nez   
 par les chimères du château   
 monte la nuit près des tours de garde   
 blanche et jaillissante   
 la lune s'offrira à toi.   

   
398

la maison de plain-pied

   Se signalent les boutures   
aux feuilles sèches de l'automne
en joyeuse compagnie
d'êtres debout visages ouverts.

La maison est de plain-pied
il suffit de se baisser
pour marier et la vie et la mort
cœur profond des échelles du temps.

Aux alentours
le ciel et l'horizon
vagues de verdure
déroulant l'espace.

La loi sacrée modèle la roche
se creuse la cupule
claire fontaine offerte à l'initié
des yeux pour voir l'autre.

Affirmer l'échange du départ
des cernes à hauteur des joues
cette présence diffractée
hors notre substance commune.

en chemin pour demain
sans que le sentier n'altère le son
de nos pas en ascension vers le lieu
où déposer les simples.


397

Pierres à brumes

  Pierres à brumes   
vestiges des corridors hantés
s'élèvent hors sol
la soldatesque errante
de nos âmes dispersées.

Ici le fer fait mal
il tue et balbutie
la loi des immobiles
au cortège fauve
les étoffes se fripent.

Au creux des vallons
les brebis paissent
passe le cavalier noir
en son cliquetant appareil
les yeux rougis de sang.

Massacre carnassier
les loups même s'enfuient
par dessus la rocaille
d'une souple cavalcade
que le vent d'autan file.

Ventres annexés
les bras levés vers le gant d'acier
respirent les chanvres
en navrance lasse
la belle émet un râle doux.

Céruse espionne des désirs
la fresque est déposée
sous le bâti
point de passage secret
juste un grain de peau.


396

le raku fleur de flamme

   Brillant incarnat   
à l'ouverture du coffre
mille fleurs de feu.

S'en vont cueillir
les diablotins de la céramique
au gré des flammèches.

Porte à porte
des objets offerts
l'éclat et la fêlure chantent.

Masque rieur
dans l'ombre de la grange
s'agite le pigeon coutumier.

De passage en passage
sur le pas de porte
dansent les boules lumineuses.

Le raku clame sa destinée
d'être à fleur de flamme
le bel endroit de l'âme.


395

voix de l’autre monde

   Voix de l'autre monde   
si belle reine que la mer
un instant fléchie.

A la pleine lune
faut-il se découvrir
en si peu de temps ?

Passe ton chemin
ordres et désordres
par monts et par vaux.

Et fléchissons
le genou en terre
le regard au loin.

Au temps fécond de printemps
d'advenues pointant son nez
le Beau des mémoires.

En présence des dieux
point de tergiversations
le silence construit.

La musique creuse le ciel
des joies et des peines
vers l'eau la plus fraîche.


394

Regards croisés d’écritures froissées

 Femme pressentie  
aux étamines de soie
autrefois regardée
empreinte de beauté
nous nous vîmes
mon amie des vendanges
en remontant le rang
regards croisés
d'écritures froissées.

Au saut du lit
par matin de paupières closes
punktur rómantíkur
fallait prendre sabots
et craquer l'allumette
pour allumer le feu préparé la veille
avec papier, petit bois et bûches
sans réveiller l'enfant.

A la Noël
il y avait des oranges
des moufles tricotées
et la boîte emplie de gâteaux
posée sur un rayon de soleil,
émerveillement
délivrant le sens du monde
par les clés de la connaissance
par le souffle des recouvrements.


393

la réalité éternelle

 Faut-il que le temps implose   
et desserve la terre
de ses histoires fourchues.

Faut-il que la plaie
à jamais suppure
quand la vie se rétracte.

Passe ton chemin
homme sans horizon
que la peur subjugue.

Passe la main
par la fente du secret
qu'une autre main saisira.

Ne remise point tes rêves
en carême d'être
au hasard des connivences.

Évoque l'arbre pliant dans l'orage
en cadence sous la rafale
à faire sien l'âme du vent.

Écarte les chemises du printemps
sous la douceur des cerisiers en fleurs
à compter les abeilles butineuses.

Sois l'épée de feu
parcourant le terrain de chasse
des phrases incises.

Sois l'épousée
de la réalité éternelle
dans sa transcendance fleurie.

Sois le sel et la myrrhe
sous l'eucalyptus frissonnant
qu'anime les eaux de Tibériade.


391

ce matin je suis mort

 Ce matin je suis mort   
et ne puis concevoir ma vie
comme révolue.

Les souvenirs ne pèsent plus
le temps n'a pas d'horloge
la neige est étale
les oiseaux chantent le silence
je ne marche plus
je ne vole plus
et ne sais si la moindre chose se fait.

Puis-je alors dormir
sans vigilance
d'un sommeil permanent
dans l'indifférence
d'un état naturellement surnaturel.

Puis-je revenir aux lieux de ma naissance
sans effort
à mesure que pelote se défait
fil à fil
centimètre par centimètre
les ferrures de l'esprit sautent
pour un pas de plus
ne plus toucher le sol
pieds nus
les mains papillons inutiles
sans que le sourire opère
à même les coulures rouges groseilles
contre le mur de l'oubli.

Ce fût un instant
sans que paraisse la nuit
un instant de lèvres sèches
devant l'enveloppe à encoller
missive survenue.

Je pouvais alors porter en terre
la caresse d'être
et enfanter.


392