Cartlanna Catagóire: Bliain 2016

Tendre la main vers le reflet vivant

  Aimer ne pas dire
 cet horizon
 cette couleur ,

 Ne pas saisir le téléphone
 et te connaître que par la douleur de l'absence .

 La nuit , aux sources mêmes
 du préjugé et du repli ,

 Errer par temps de pluie
 sous l'orage de sang
 à se remémorer la plainte et le reproche .
 
Bulle d'air éternelle
 tendons l'oreille
 jetons un regard autour de nous ,

 Accusés de finitude triste
 l'avenir nous concerne
 nous les pourvoyeurs du dialogue avec l'autre .

 Aimer sans même offrir
 la marguerite et le bleuet
 sans même croquer le fruit des conflits
 sans le mot de bienveillance
 sans faire le premier pas .

 Garder en soi le souci rebelle
 d'une malle aux souvenirs
 que n'ouvre la conviction cadenassée
 au risque de vivre l'irréparable .

 En silence ,
 le front contre la margelle du puits
 offrir le ciel et les étoiles ,
 tendre la main vers le reflet vivant ,
 cette grâce d'être en responsabilité .


 267
 

Peindre ses fenêtres à l’encre bleue

 Peindre ses fenêtres à l'encre bleue.
Remiser la griffe du frêne.
Suivre les gouttes d'eau tomber du toit.
Montrer du doigt le faisan perché sur la clide du jardin.
Puiser l'eau de la fontaine dans les seaux de zin.
Remettre la barrette dans ses cheveux.
Escalader le tertre exposé au vent du nord derrière la
maison.

Plonger ses sabots dans la bouse fraîche.
Ne pas oublier le bonnet de laine.
Après l'orage faire naviguer les bateaux d'écorce de pin
sur la flaque d'eau.
Surprendre les grands parents évoquer au coin du feu mon
père et mes oncles.
Trier les lentilles dans le grand plat brun.
Choisir et manger la rave piquante.
S’asseoir sur la pierre sous la fenêtre aux barreaux.

Faire la feuillée dans le pradou.
Ramasser l'herbe pour les lapins.
Choisir le bâton.
Passer la main sur le cuir rêche des vaches.
Regarder leurs grands yeux tristes.
Ó am go chéile, pleurer avec elles.
Revenir de l'abreuvoir par la côte en tenant la queue de
la Mareuille.
Rappeler les chiens, Riquette et Champagne.
Entendre le barrou de fer s'enfoncer dans sa coche .
Monter sur la chaise prendre le fromage sous le plafond.
Ouvrir le grand tiroir aux tourtes de pain.
Aller tirer le vin du tonneau par dessus le trou.
Cette longue marche vers l'église des dimanches.
Le cadre de grand-père chargé de ses médailles
militaires.
Je n'ai pas su , on ne m'a pas dit.
Que les grands devaient s'occuper des petits.
Je pars en livraison obligatoire.
La clepsydre du temps s'inverse.
Silence.
Cette levée de poussière provenant de la route en terre
battue.
Par grand vent retenir les paillets prêts à s'envoler

Enfourcher le vélo.
Disparaître dans la forêt de Laroussière entre pins et
genévriers.
Entendre le vent parler.
En cadence.
L'horloge frappe le temps de son battant de laiton
brillant comme un sou neuf.
Ils ne se retournèrent pas quand je les appelai.
Hors la brume matinale émerge la mise en demeure de nos
ancêtres.
La terre se craquèle.
Par les anfractuosités montent les souvenirs.
Je croque la pomme.
Le pommier se courbe vers mon ombre.
Elle parle de ces cendres répandues sur le pas des
portes.
Ultime cri d'amour hors les vestiaires.
Sur le champ des poteaux dressés.
En passe d'être le pré reverdi des futures générations.

Fleur parmi les fleurs le soleil ouvre et ferme ses
corolles fraîches.
La Lande de ses herbes rêches presse nos têtes contre son
sein.
Au loin l'estampe des montagnes.
Le plomb du Cantal, le Puy Mary.
Résonne l'angélus.
Devant les voix qui se taisent nos doigts se joignent.
Vienne le temps de changer l'eau des fleurs.

265

juste le caprice d’être

 Au fripé des vaguelettes
le pare-vie obscurcit la vision
de coups de balai cinglants
pleurent les pierres sages .    

Un vent agite d'un amble puissant
les membrures arbustives
s’agacent des gouttes d'huile
creusant les visages grimés .   

Finissent prostrés les arpenteurs
aux miroirs redondants ,   
de mise en séquences ,   
brutale est l'attaque élémentaire .   

S'essuient le museau
les chiens babines relevées
à la croisée des chemins .   

Se groupent les enfants
sous la canopée
forts d'une frayeur dominée .   

Les sons hurlants
deviennent charivari
en l'effilé du rêve .   

Tout se tient ,   
les gens ,   
les esprits de la nature ,   
ces voix déraisonnables ,   
l'enseignement direct .   
L'odeur de terre chasse la poussière ,   
la peau ouvre ses lèvres ,   
des nuées pisse dru le lait des dieux .   
Le visible devient invisible ,   
l'invisible devient monde visible .
  
La création est rebelle sous son masque ,   
la création est belle ,   
l'essence exhale un doux chant ,   
je suis muet ,   
la guérison opère .   
Une pipe allumée ,   
j'offre mon âme ,   
et me tiens debout ,   
en lui ,   
en mon intime ,   
aux confins des morts et des vivants ,   
juste le caprice d'être .  

 
266

Sylvain Gérard. oibre – 3 – Le singe pensant

 Ligne de partage des eaux
 entre l'homme et la bête
 passe le flux des pensées muettes
 sa grosse patte
 par dessus le souvenir
 en élargissement d'être
 à effleurer la flamme unifiante .

 Gare au monstre
 pulsions et fantasmes assortis
 en chacun de nous
 offrir la pulpe amère
 au plus offrant
 des passants de l'éveil .

 L'homme au chapeau et lunettes
 Harold Lloyd réincarné
 bredouille de ravissement
 la fleur en bandoulière
 les onomatopées
 d'une marche nuptiale
 vers l'autre rive apparue .

   ( Œuvre de Sylvain Gérard . ) 

 264 

Eloigne toi et me viens

 A l'origine ,
 Le contact avec les puissances de l'esprit ,
 Une porte béante ,
 Un bouche à bouche avec l'éternité .

 Je conjure à sang frais
 Le couteau dans le ventre de mon fils ,
 Pharaon des orages à venir .

 J'implore la grâce
 En repli de l'enfant éteint ,
 Que claque le briquet
 Au sursaut d'une dernière nuit
 Sans bagage
 Avec l'infini pour ciel de traîne ,
 Ma vie au creux des vagues froides ,
 Le crêpe du deuil ,
 Sur la plaine des silences
 Que parcourent à petits pas 
 Les saintes femmes .


 263 

Heurtoir sur la porte

 Heurtoir sur la porte
 Ma maison est en bois
 Que le gong allège .

 Soif de dire le son
 Des oraisons en pâmoison
 Hors l'ordre vitupéré .

 Mâchure de l'esprit
 Sous le ciel d'un cœur
 Impact des balles fraîches .

 Corridor essentiel
 Pour de plus amples promenades
 Sans rambarde pour devoir .

 Au creux des encensoirs
 Filtre le doux regard
 De l'enfant en devenir .

 Prune écrasée entre deux doigts
 Gant de crin mouillé
 Offrande aux mille bouddhas .


 262 

Tu ouvres l’œil, tu fermes l’œil

 Tu ouvres l'œil
 tu fermes l'œil
 et ton doigt sacré
 montre le chemin
 si loin, si proche
 objet sans objet        
 nudité absolue
 le coloriage qui t'anime
 est épaisseur impénétrable .

 Elève - toi
 sois l'aigle glatissant
 cueille les grappes de la vigne
 éponge ton front
 caresse le chien qui passe .

 Ô homme,
 ô femme
 irradiants ensemble
 la mandorle des saisons . 

 Cloches, croches,
 au son du tambourinaire
 soyons le verbe des officiants
 carène de la rumeur processionnaire
 claquement de bannière
 sous le linteau des entrées
 présence coutumière
 du paladin sous la coupole
 en quête de lumière .

 Il n'est d'Être réalisé
 que l'acrobate
 élevé par les hourras
 au sommet de son art
 sourcilleux devant la demande
 écartelé par les voix angéliques
 prêt à tendre son miroir concave
 à celui qui, au petit matin 
 effectuera le retournement .

 ( Détail d'un tableau de Manon Vichy ) 

 261

Oui, ensemble, inis duit féin conas atá an saol

 Oui , ensemble
inis duit féin conas atá an saol
díreach ann os do chomhair
idir iontas agus dáiríreacht
doimhneacht agus Gile
balbh nó geal
mar a thagann
ina chroí
a bheith gar duit féin .

Oui , ensemble
ar domhan , siúl
feola agus biotáille ,
a fháil ar maidin
dul a chodladh san oíche
páirt a ghlacadh i gcleachtadh na n-amhrán naofa
cúpla leathanach filíochta a léamh
éalú le smaointe álainn
tabhair a bhraisle don chat gan dearmad a dhéanamh ar a chógas
féachaint ar an aimsir
tóg cúpla céim le do shrón sa ghaoth
féachaint ar nádúr saor in aisce,
féachaint an bhfuil an friothálacha éan ar fáil
bricfeasta a bheith agat do bheirt
tacú leis an duine eile ina fhocal
malartú a bhrú tuilleadh
machnamh ar rudaí an tsaoil
ansin meditate
a ghlacadh sa bhruscar
Pioc suas an ríomhphost
inis dá chéile cad atá le déanamh againn inniu
siopadóireacht ag an Intermarché , ag Luibheolaíocht , ag an mbúistéir ,
ag smaoineamh ar ghlaonna gutháin
" Beidh orm dul go dtí an gruagaire " .

Tabhair aire do do chorp ,
den tinneas cinn migraine seo ,
veil roimh an tsúil ,
de na fiacla seo de Cadmus
leis na lámha Dupuytren seo ,
den báisín clogged seo ,
de na cosa oibríthe seo .

Oui , ensemble
dul síos mar tú go dtí an fharraige
ualaí ceirde céimnithe
níl aon duine riachtanach
a bheith dícheangailte go gairmiúil
éiríonn an réamhchearnóg riachtanach
pictiúir faoi bhláth
armfuls smaointe le chéile
óna dtagann socruithe chun cinn
frámaí inar féidir na hoibreacha a chur
en déconstruction et construction de là où on est
éiríonn an lorg brí rudaí níos soiléire
aisling lae ,
mothúcháin milis agus dazzling
ardú as an bolg agus as an croí ,
iallach orm go bhfuilim chun claonadh i dtreo an Mhistéir mhóir .

Oui , ensemble
bogha amach
graf ar pháipéar
focail fola , witicisms
sa leabhar nótaí beag
go leathanach an lae inniu
go dtí an lá nua
lónta úra fós ag fanacht
cosúil le eternity ar fáil
i bhfad os a chionn féin
ach le feiceáil i aimsir cheo
idir madra agus mac tíre
nuair a léirítear an lasair go domhain san anam
mo chara , mo chroí , mo míréas , mo dhícheall ,
mo stealth , mo éalú iontach ,
an ofráil a rinneadh
ag breacadh an lae
le tenderness a chur chun cinn.

Oui , ensemble
tá na cuimhní cinn seo ann , go háirithe iad siúd na hóige
jumble den am atá caite
agus a chloíonn mar sin féin lenár cótaí eireabaill
ilchuideachta ollmhór de rianta
a eagraíonn
le arduithe beaga bile
cumha intuigthe an fhir faire .

Oui , ensemble
agus ansin an oiread sin rudaí , encore ,
chun casadh timpeall i ngach treo
à faire lever la poussière de notre espace ,
Ifreann roimh an litir ,
chun na pointí láidre geodasacha a shocrú ,
tagarmharcanna do na glúine atá le teacht ,
gan an sprioc ábharthachta a chailleann .

Os mo chomhair éiríonn an talamh craosach
beacha agus dair ár bhforaoisí
thug bealach do roinnt toir deilgneach
téann an gaineamh isteach i scáintí ár dtúr Bhabel .

Le mo lámha , mo ghlór , mo chuma
Scríobhaim d'ainm
tusa an Todhchaí Ag Teacht
toi , Saoirse , Solas agus Bás
Oíche agus lá .

Ithim na torthaí deiridh
na caora dearga sin , dubh , buí agus glas
Tá cónaí orm cosúil le harlequin dathanna an ghrá
Tá ionadh orm leis an sliocht
ó oíche go lá
agus ó lá go hoíche
go háirithe comhchineáil , in aimsir fhionnuar
nuair ar maidin
tá an ghrian ag éirí , ag brú ar ais a leatháin mheala
chun an cruinneachán neamhaí ar fad a adhaint
clamor ar feadh níos mó ná féin
ar imeall an spáis
de na gcrích
agus ansin tá an bháisteach
an bháisteach úrnua seo tar éis triomach
a dhúisíonn cumhráin codlata
et fouette le visage d'un éventail d'odeurs
gealltanas teagmhálacha dochreidte .

Oui , ensemble
ag siúl
ar an ardchlár buailte leis na gaotha aniar
Stopaim agus téim ar ais nuair is mian liom
mar gheall ar pian cos
de réir créachta ar stoc den chrann fuinseoige
na craobhacha arda ag damhsa in anáil
le boladh bríomhar .

Oui , ensemble
semaphore atá ann
le bláthanna sliogáin
ná súile na neamhní
bhrath
móiminteam ollmhór na dtonn síoraí
buailte gan staonadh
carraigeacha na todhchaí
agus na bacainní tanaí
ar fud an rud chomh bog
go bhrúimid
os do chomhair agus taobh thiar duit
ar gach taobh ag an am céanna
in ord agus i neamhord
saol
Sa Vie
an bhearna seo ó thús go deireadh ,
deiseanna leáphointe seo ,
an glaoch breacadh an lae seo ,
oui , ach le chéile .


260

Un regard si doux

 Un regard
 Du côté des marguerites
 Aux tiges longues
 Des coccinelles remontantes .

 Un regard 
 En haleine d'être
 Du frais partage
 Des mots de tous les jours .

 Un regard 
 De toi vers moi
 À pieds joints dans la flaque d'eau
 De moi vers toi .

 Un regard
 Venu d'ailleurs
 La trace d'un passereau
 Fuyant sa signature .

 Un regard 
 Qui embrasse sa vie
 Et prend conscience de sa mort
 Comme le matador dans l'arène .

 Un regard 
 De l'entre-deux
 Avec sa condition spirituelle
 Et infiniment mortelle .

 Un regard 
 En sa solitude
 Dans ses limites
 Dans son ouverture .

 Un regard
 Qui n'a rien à faire
 Pour se contenter d'être 
 Ce qu'on est .

 Un regard
 Qui permet de vivre
 Malgré les ignorances
 Grâce à son innocence .

 Un regard
 Qui adhère sans savoir
 Au souffle le vent
 D'où procède la lumière .

 Un regard
 Qui sauve
 En équilibre
 Du risque des cris et des pleurs .

 Un regard
 Un premier pas
 La foi du charbonnier
 Comme en passant .

 Un regard
 Si présent 
 Qui sauve et s'expose
 Le temps d'une métamorphose .

 Un regard 
 Qui transmet
 Le sable du désert
 À petites goulées de mystère .

 Un regard
 D'une vie l'autre
 Une force
 À soulever les montagnes .

 Un regard gratuit
 Comme la lune en plein jour
 Dans l'exaltation
 Des paupières battantes .

 Un regard
 Disponible dans l'instant
 Disponible à tout jamais
 Comme ultime ressource .

 Un regard
 Qui ne fouille pas
 Mais rassemble
 Les étoiles du matin .

 Un regard
 Tel un soleil levant
 Enturbanné 
 Dans ses draps de miel .

 Un regard si doux
 Une merveille
 Du bout du doigt
 Nu retenu vécu .


 259 

Petite main tendue

 Petite main tendue
 Se leva vers les cieux
 Pour capter le nuage errant
 Sans s'affubler du passé
 Sans les pleurs de l'arbre aux fines écorchures
 Sans le pas menu du chevreuil sur la feuille sèche .

 Puis , 
 Devenu cornemuse
 De ses doigts de fée
 Laissa passer
 La moelle d'un son
 Frappant de son aile
 Le paralytique de la relation .

 Mirliton de mes pensées
 Face à la haine
 L'amour et la foi se rejoignent
 Joie dépouillée
 De toute définition
 Entre doute et fidélité
 D'une intense émotion
  À parcourir le chemin intérieur .

 Ne me transformez pas en porte battante
 Qui s'ouvre et se ferme à tout va
 Alors que le temps presse de séparer le subtil de l'éther
 Avant de bénir ses enfants  .

 Ayez confiance
 Au parapet des circonstances
 Le visage de sortie d'holocauste
 Reflète un bonheur 
 Grandeur du feu essentiel
 Sauveur de l'oubli de soi
 Sauveur de la confusion d'avec soi .


 258