Kategorie Archiver: Avril 2016

l’intelligence du désir de vivre

  Cette nuit à venir
à vivre en chair et en pensée
à renverser les murs
pour se faire comprendre .

Se recentrer est au carrefour de belles conquêtes .

Faire apparence est putréfaction annoncée ,
levée de la porte infernale ,
artefact des anciens désastres .

Attention
le nom imprononçable
est ce tombeau mouvant aux multiples entrées
bouleversant l'homme dépenaillé .

La conscience de l'existence
accueille l'approche du réel .

Donnons à l'amour
de quoi fabriquer l'amour .

Soyons transparent .

Vidons nos larmes acceptées
Restons amoureux .

L'humanité ,
les dieux et leurs rites se rappelant à nous .

Ayons le regard vif
porté sur un monde vivant .

Sortons de l'abîme .

Créons par le cri
les étoiles nouvelles .

Nos sanglantes blessures
nous mènerons vers le langage ,
où vivre la raison en haute mer
et nier toutes croyances .

Devant l'intelligence du désir de vivre
soyons le coq des horizons avant-tracés
qu'une vie entière
représente , foi figée et instable ,
en guérison de nos paysages intérieurs .

Il m'est donné d'être .
Aux modillons du chevet le bestiaire nous est offert
frais et agreste en ses arrangements floraux ,
un seul geste ,

... Ecoute enfin ....

As-tu songé à être libre ?


271

À point d’heure en marge

 Les cris des frères et sœurs qui s'étreignent
en rondes chaleureuses
aux marges d'été
des mains maigres pommadent la pâte
de fleurs des champs
nuages pommelés
trouant leur manteau de pluie
pour une écoute singulière
et bondir sur le râble
des minérales églises
que le miroir ausculte
étrange retournement
à point d'heure
d'entre les brûlantes paroles
lentes poussières dévalant le rai de soleil
l'odeur emplit la pièce
il n'est de politesse
que formes vivantes et blessures saignantes
sons et lumières à l'unisson
l'œil bibelot délivrant la cohorte du langage
saisissante sangle
enserrant le mystère irréfragable
invisible errance
traçant noir sur noir
au carrefour des conquêtes
le signe du partage à venir
sur le sac de toile
à bout de bras tenu
en guise de viatique .


269

Sylvain gérard . schaffen 4 – flûte andine pour un cosmonaute

 Sylvain .
Flûte andine à la sortie des garages
petit homme droit sur ses appuis
la bouille chafouine
et néanmoins indéfectiblement optimiste
ça balance et ça revient
cette verrue sur le nez
partie en espace
de ses harnais les tuyaux de l'air
montrent la piste du caravansérail
où s'arrêtent les chameaux de l'obscure évidence .

Elles balayaient devant leurs portes
les flèches pointues de la dérision
irrésistible amour
de tes genoux sensibles
Ô mon amour tamaris aux yeux doux .

En conversation avec la paresse
nous fûmes nus
haletants devant le grand désastre
le carnage jusqu'à la moelle
par dessus les gouffres
en agonie
gefëllt Grouwen
par l'âcreté des égouts refluants.

Puis le temps à contre-jour fît le reste .

Le corps dénié nous éloignât
sur la pointe des pieds
père et fils morts
les oiseaux replièrent leurs ailes
plus vite se succédèrent
la forme et le sens donnés à la vie
mains et lèvres plaquées contre la vitre
à murmurer la table de multiplication
sur la buée des cœurs froids .

Mon enfant
les portes et fenêtres sont refermées
l'abîme contient le germe
des boites sans frein et sans refrain
éclatées à coups de burin
mes doigts en sang
agrippant la gouttière
ce tabernacle des eaux ligneuses
exposées au vol des étourneaux
emmenées déposées
sanglante beauté
puissantes enjambées finissant à cloche-pied
sous le pont de Grenelle
à ramasser quelques boulets de charbon dans le grand cabas noir .

Ô fils
au fil à fil
des statues de sel
que trouble la parole perdue
d'entre le visible et l'invisible
un pas sec cadenasse
le passage pneumatique de ton fauteuil roulant .



270

( Dessin de Sylvain GERARD )

Dis ! que vis-tu quand tu vis ?

 Je vois, j'entends, je sens, je touche, ma gorge est sèche, il fait bon chaud .

 Le jour est mouillé de rosée,
 la lumière est blanche,
 les feuilles fraîches des arbres en printemps sont affamées de beauté .
  
 Et je change,
 à chaque seconde je change .

 J'évolue,
 je chevauche à hue et à dia le souffle de l'univers,
 et le monde change en moi .
 
 Je bois la résonnante transparence,
 et je transmets .

 Ma mission est de faire passer ce qui est
 au hasard de l'étincelle bâtisseuse .
 
 Patience, patience,
 mes os craquent
 les greniers se vident,
 la parole ouvre l'orifice de la gorge,
 je tends les voiles du coutre princier,
 et parfais le donné .

 Mon corps .

 Et c'est une chance que d'avoir un corps .
 
 Le corps de l'océan aux bulles d'air rendues,
 et c'est une chance d'être en tension
 aux estuaires de l'aube éternelle .
 
 C'est par la pratique personnelle,
 à contre-pied des accroupis de l'ombre ,
 que rencontrer la froidure du matin,
 ouvre le cri de vie
 loin de l'amour-néant qui fût le notre .

 Mon être le plus cher,
 ce monde qui est en moi,
 plus grand que moi,
 l'autre moi .
 
 Je suis à toi .


 268 

Tendre la main vers le reflet vivant

  Aimer ne pas dire
 cet horizon
 cette couleur ,

 Ne pas saisir le téléphone
 et te connaître que par la douleur de l'absence .

 D'Nuecht , aux sources mêmes
 du préjugé et du repli ,

 Errer par temps de pluie
 sous l'orage de sang
 à se remémorer la plainte et le reproche .
 
Bulle d'air éternelle
 tendons l'oreille
 jetons un regard autour de nous ,

 Accusés de finitude triste
 l'avenir nous concerne
 nous les pourvoyeurs du dialogue avec l'autre .

 Aimer sans même offrir
 la marguerite et le bleuet
 sans même croquer le fruit des conflits
 sans le mot de bienveillance
 sans faire le premier pas .

 Garder en soi le souci rebelle
 d'une malle aux souvenirs
 que n'ouvre la conviction cadenassée
 au risque de vivre l'irréparable .

 En silence ,
 le front contre la margelle du puits
 offrir le ciel et les étoiles ,
 tendre la main vers le reflet vivant ,
 cette grâce d'être en responsabilité .


 267
 

peindre ses fenêtres à l’encre bleue

 Peindre ses fenêtres à l'encre bleue .
Remiser la griffe du frêne .
Guetter les gouttes d'eau tomber du toit .
Montrer du doigt le faisan perché sur la clide du jardin .
Puiser l'eau de la fontaine dans les seaux de zinc .
Remettre la barrette dans ses cheveux .
Escalader le tertre exposé au vent du nord derrière la maison .

Plonger ses sabots dans la bouse fraîche .
Ne pas oublier le bonnet de laine .
Après l'orage faire naviguer les bateaux d'écorce de pin sur la flaque d'eau .
Surprendre les grands parents évoquer au coin du feu mon père et mes oncles .
Trier les lentilles dans le grand plat brun .
Choisir et manger la rave piquante .
S’asseoir sur la pierre sous la fenêtre aux barreaux

Faire la feuillée dans le pradou .
Ramasser l'herbe pour les lapins .
Choisir le bâton .
Passer la main sur le cuir rêche des vaches .
Regarder leurs grands yeux tristes .
Parfois, pleurer avec elles .
Revenir de l'abreuvoir par la côte en tenant la queue de la Mareuille .

Rappeler les chiens, Riquette et Champagne .
Entendre le barrou de fer s'enfoncer dans sa coche .
Une unique ampoule électrique au centre de la pièce .
Monter sur la chaise prendre le fromage sous le plafond .
Ouvrir le grand tiroir aux tourtes de pain .
Aller tirer le vin du tonneau par dessus le trou .
Cette longue marche vers l'église des dimanches .
Le cadre de grand-père chargé de ses médailles militaires .
Je n'ai pas su , on ne m'a pas dit .
Que les grands devaient s'occuper des petits .
Je pars en livraison obligatoire .
La clepsydre du temps s'inverse .
Silence .
Cette levée de poussière provenant de la route en terre battue .
Par grand vent retenir les paillets prêts à s'envoler

Enfourcher le vélo .
Disparaître dans la forêt de Laroussière entre pins et genévriers .
Entendre le vent parler .
En cadence .
L'horloge frappe le temps de son battant de laiton brillant comme un sou neuf .
Ils ne se retournèrent pas quand je les appelai .
Hors la brume matinale émerge la mise en demeure de nos ancêtres .
La terre craque .
Par les anfractuosités montent les souvenirs .
Je croque la pomme .
Le pommier se courbe vers mon ombre .
Elle parle de ces cendres répandues sur le pas des portes .
Ultime cri d'amour hors les vestiaires .
Sur le champ des poteaux dressés .
En passe d'être le pré reverdi des futures générations .

Fleur parmi les fleurs le soleil ouvre et ferme leurs corolles fraîches .
La Lande de ses herbes rêches presse nos têtes contre son sein .
Au loin l'estampe des montagnes .
Le plomb du Cantal, le Puy Mary .
Résonne l'angélus .
Devant les voix qui se taisent nos doigts se joignent


265

juste le caprice d’être

 Au fripé des vaguelettes
le pare-vie obscurcit la vision
de coups de balai cinglants
pleurent les pierres sages .    

Un vent agite d'un amble puissant
les membrures arbustives
s’agacent des gouttes d'huile
creusant les visages grimés .   

Finissent prostrés les arpenteurs
aux miroirs redondants ,   
de mise en séquences ,   
brutale est l'attaque élémentaire .   

S'essuient le museau
les chiens babines relevées
à la croisée des chemins .   

Se groupent les enfants
sous la canopée
forts d'une frayeur dominée .   

Les sons hurlants
deviennent charivari
en l'effilé du rêve .   

Tout se tient ,   
les gens ,   
les esprits de la nature ,   
ces voix déraisonnables ,   
l'enseignement direct .   
L'odeur de terre chasse la poussière ,   
la peau ouvre ses lèvres ,   
des nuées pisse dru le lait des dieux .   
Le visible devient invisible ,   
l'invisible devient monde visible .
  
La création est rebelle sous son masque ,   
la création est belle ,   
l'essence exhale un doux chant ,   
je suis muet ,   
la guérison opère .   
Une pipe allumée ,   
j'offre mon âme ,   
et me tiens debout ,   
en lui ,   
en mon intime ,   
aux confins des morts et des vivants ,   
juste le caprice d'être .  

 
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