Sur les rouleaux d’écrits

Sur les rouleaux d’écrits 
En bord de plage
Vous fûtes marmoréens dessous mon arbre
À me conter douce chanson
Dans le bruissement des pins.

Signal de l’Essence
Raffermie puis rajeunie
Vous nous aviez regroupés en fond de grotte
Près de l’âtre sacré
À voir flamber le bois flotté.

Assis quasiment tout le jour
J’avais scruté les pensées de mon siècle de vie
Inquiet que je suis
Avant que le gazouillis des oiseaux
Donne béquille à mes sens.

Toujours perdre sa route
Quand pleure la rosée
Et que par les herbes courbées
Demander à l’ombre
« Que suis-tu ? »

Viens
Et me lèche
La plaie sur ma tempe
Pour qu’importe où nous mènent nos pas
Nous envelopper de brumes.

Sur le pieu
À même le lignage frotté au sel d’écume
J’ai clôturé la trêve
Pour quincaille passée des huitriers
Discourir de la sorte.

Au bout du compte
Penser seul
Et mourir seul
Fusionnent en perfection
Bien au-delà des attitudes mentales.

Dans le cœur de l’arbre
Dans le cœur de l’homme
Sommeille l’obscur précipité
Des années passées
À reconstruire la ville.

Le mufle attire le mufle
Par de broussailleux baisers
Pour épousseter nos craintes métaphysiques
Prêtes à la reddition
Au Drap d’or.

Le bûcheron peut cogner
Le bébé brailler des « areu »
Le soldat faire claquer ses souliers ferrés
Je bats des mains
Au passage des bruits civilisés.

Les yeux exorbités
Se sont fardés de grains de sable
Pour accueillir non sans émoi
Les compagnons du matin
Mains sur les reins.

Les chiens m’ont pissé dessus
Les affaires ne marchent pas
Le matin nous boirons du vin
Et le soir faites que détale vers les hautes terres
Le « sans-pensée » dans la « pensée-même ».


1433

Poème andalou

À trois c’est mieux
De manigancer l’entrée en matière
Quand s’ouvre l' "Histoire intime"
Et le "Pourquoi bat mon cœur"
Aux offices souterrains de notre complétude.

À trois c’est mieux
Pour toquer gravement
Puis se mettre en quatre
Et  proposer les figures imposées
Du poème Immortel.

Les hommes ! Quelle puissance
Quand des êtres sortis des planches anatomiques
Qui là-haut à cours de chapelure
Ont béni le ciel à force de leur souffle 
Comme bêtes enragés.

Plantés là
À la porte du lieu des connaissances
Ils avaient préparé leur affaire
Quoique rien n’y faisait
Le dragon ne voulant pas sortir.

Le meneur
Le "Clandestin éblouissant"
Le seul Egyptien
À l’Esprit triangulé aux neurones serpentiformes
Arguait de son instinct.

La frissonnante "Désir d’éternité"
De ses yeux aux pleurs fines
Minaudait un semblant de compassion
Dans l’attente de l’ouverture 
De la liberté à l’état absolu.

Le troisième élément
D’un préparat ignifugé
Appelé "Le Recueilli"
Baignait dans l’atmosphère ambrée
Pour la rencontre providentielle.

L’ "Histoire intime" s’ouvrit
Pour s’offrir, của anh ấy, Yasunari Kawabata 
À la vindicte populaire
Lui, le transcripteur
Des états de spiritualité.

La stratégie était de dénoncer
Les lieux du plein emploi
De l’errance obligée
Au théâtre cruel
De la réalité rêvée.

À droite le "Pourquoi bat mon cœur"
En désordre amoureux
Dessinait son désir
Importe peu
Que règnent les désenchantements.

Par éphémère danse propitiatoire
Faire résonner le génie des lieux
Dans l’insolite tour de Babel
Aux apparences rassurantes
Crée l’incertitude identitaire.

C’est ainsi que vivent les hommes
À planter les racines du bien
Près des charbons ardents de la déraison
Pour que d’un coup
Le poème puisse s’enfuir à tire d’aile.

1432

Le frêne et le poète

Le frêne monta vers le ciel
Comme le crapaud sur la lune
À blanchir ses pensées
Alors que vers l’horizon
Les andins disparaissent.

Au pied de la maison
L’absence de conscience
Accentuait ce qui se passait
Réalité révolue
En instance d’un discours intérieur.

D’aller par petits sauts 
Le long de l’allée
Procure au moineau du buisson
Le besoin de courir le guilledou
Dans l’accomplissement de sa journée.

Graver son nom sur le tronc
Histoire drôle à gaver de gloussements
L’outre d’opulence d’un couple
 À usage unique
Par temps de mésusage.

Un jeune enfant s’installa sous la ramure
Un vieil homme passant par là
S’enquit de la couleur des lichens
Sans que l’enfant lève la tête
Passez muscade !

Béat de petites cervelles mûres
Les samares en forme d’aile
Quittaient les grappes
S’en allant compléter le gruau
D’un sourire de mission.

Foulèrent la prairie
Les enjambées de la bergère
Victorieuse d’avoir convaincu la majorité du troupeau
De troquer quelques moutons
Pour un mouchoir agité au vent.

Pipistrelle la belle
Livrée à la foule en délire
S’en vint à pleurer
Quand dépourvue d’insectes
La mort givra le plâtras des murs.

Jeune damoiselle
Installa sa balancelle
Pour se pavanant en toute simplicité
Dans le brouillis-brouilla de la ramure
Faire sortir le loup du bois.

Le poète en chapeau de paille d’Italie
Sur sa chaise canée
Dans l’ombre épaisse du feuillage
Se mit à clamer réclamer déclamer
Quelques bourgeons de saison.

L’émotion vient
L’inquiétude me vrille
Serais-je encore un refuge pour les oiseaux ?
La Voie est longue
Et le temps impitoyable.


1431

Le claustra

Psalmodier les lectures sacrées
S’effectuent en fond d’abîme
Où se soustraire aux empêchements
Afin de tomber sur le sujet
Un sujet sans dedans ni dehors.

La quête de ce qui fait l’intérieur de l’être
N’empêche pas de se montrer errant
En bord de rivière pure et lumineuse
Avec pour seule preuve de vie
L’indolence et l’indécence de l’absence.

Reste cette émotion en fond de gorge
La porte des granges ouvertes
L’accueil par l’averse dispensée
Au goutte à goutte des pensées tombant du toit
Les pieds au sec.

Ce qui m’afflige
Ce sont les raboteux sentiers de la mémoire
Trémolos de paille à tout vent éparpillés
Bien lourds à porter
Pour qui s’essaye à battre monnaie.

Ne mourrons pas après chaque échec
Le monde est grand la terre est grasse
Les fleurs de l’amandier s’envolent
Derrière le claustra
Où toute leçon est à prendre.

Au-dessus le ciel sans conscience ni inconscience
Au-dessous dans des chaussons ronds la frilosité
Et pour rendre encore plus tactile l’existence
Des baguettes d’encens
Entre les doigts gourds.

Avant que l’esprit se livre à l’illusion
Passons par la recognition
L’accueil des éons de l’enfance
En profondeur de ce qui n’a ni face ni dos
Ce dormant quand fenêtres absentes.

Dans un ciel bleuté
Rien d’autre que mon cœur
Avec pour lampion
La lune
Ensemble que jamais ne navre l’ombre proprette.

Certains jours
Je rassemble quelques morceaux de bois
Pour l’hiver tôt venu
Faire bûchettes dans le feu de l’âme
En l’instant inexistant du non-agir.

Danse des lucioles
Au fil de l’âge
Entre la pierre et le feu du foyer
Monte le crépitement de la flamme
Haute parure pour l’homme aux cheveux blancs.

S’ouvrir par les cinq sens
À la pointe de la plume
Comme emballer l’os dans de la peau
Occasionne vive lumière
En instance de l’envol.

Braver le qu’en-dira-t-on
Boire en chantant
Le ventre rempli
Sachons caler cette merveille
Dans l’anfractuosité du poème.

1430


Un matin de brume

Tension vers l’avant
Des lignes directrices
Dont l’humeur vagabonde
Fait cligner des yeux.

Près de la petite hutte
Par derrière les colonnes
J’ai plaqué les nuages du jour
Sur l’adret des maisons bourgeoises.

Tu avais mis ta chemise à trous
Et ton corps étendu sur la chaussée 
Comme un âne mort
Effritait mes sanglots.

Même les chatons ne revoient pas leur mère
Au gazouillis empoussiéré
Des siestes quotidiennes
Leurs yeux brillent comme cerise fraîche.

Point de plume bleue
Juste le vert et rouge des feux de circulation
Pour vous frôler noble damoiselle
Le cœur en émoi.

Rester coi
À séduire le froid des rails
Quand la dalle résonne
Sous la botte ferrée du grognard.

Tout fuit
Même la couleur des cheveux gris
Ma femme d’encre violette
Recouverte d’un trop de givre.

Puis, figé
Sous le trait d’un merle en colère
J’ai consulté ma montre
Mon trop de vent aux persiennes claquantes.

Je rentrais
Mes forces avaient fui
Je stoppais pour me retourner
Elle ne me reconnut pas.

Autrefois
Les soucis nous occupaient à la veillée
Et maintenant ils nous guérissent
Du mal d’avoir à vivre en automate.

Immense tristesse
Quand perdrons-nous
Le bruit du tram et sa directivité métallique
Sans discourir de la sorte.

Je ne peux être
À grand peine chétif et exigeant
Que le pas de deux
Sur le parquet craquant du salon.

1429

L’arbre qu’on ne coupa jamais

Sur le chemin de la fontaine
Il y a cet arbre qu’on ne coupa jamais.

Et sa souche en prise sur le pas à venir
S’écarte en arrière du piétinement.

La ferrure des roues 
Lui a fait maintes blessures.

Les bêtises du passé
Il les oubliées.

Pour embellir le talus
Il s’est fondu dans la végétation rase.

Au mépris du vulgaire
Il a développé l’amour de la sainteté.

Une douce brise peut le rafraîchir
Pendant qu’il recueille la fiente de l’oiseau.

Ses lèvres s’écartent
Pour exposer le profond de ses entrailles.

Parfois au clair de lune
Grogne le sanglier à la trogne hirsute.

Il n’est ni fou ni sage
Juste le pas-savoir grand chose.

Quelques gouttes d’eau tombées du seau
Font scintiller ses lichens.

Pour qu’il sourit
Il suffit de s’asseoir dans sa corbeille

Parfois un couple s’arrête devant ses bras ouverts
Débordant du désir de s’unir.

Il préserve la vie
Lui le résilient de ce qui précède.
 
Il est en quête de vérité
Comme une bulle d’eau tombant sur l’herbe souple.

Il ne fait pas de bruit
Contraint de préserver ce qui est.

Quand il semble se débarrasser de la nuit
C’est que la rosée l’humecte de baisers.

Lui, l’irrévocable athlète
Il est le chantre de l’irréversibilité et de l’incommunicabilité.

Il est attendu
Et ne pèse pas sur la suite des idées.

Lui, aux sens aigus
Du passage au temps coulis de l’instant.

Lui dire à l’oreille dans les petites feuilles du haut 
Que l’origine est sujette aux transformations imprévues.

Toi, en pleine disponibilité
Toi, le mandala où s’affirment les racines de bien. 

1428

L’art dû de l’amandier

Il était un rameau d’amandier
Pendu à la boutonnière
Pas plus tard qu’hier
Que le pas de l’échanson
Avait fait chanson
Par pure raison.

À l’énoncé du prêchi-prêcha
Avions sorti la tranche de lard
Pour acquis vernaculaire
Que l’occasion propose
Et que le bel Art du bellâtre argumente
Pour plus tard, après demain et tout le train-train.

Faut pas rester là
Faut lester le petit rat
D’un mot-palabre
Havresac pour la balade
Avec rigueur
Et de bonne humeur.

D’enfermer la nature dans une forme
Altère le profond du mystère
Pour ouvrir à l'œuvre esthétique
Que le mandarin récupère
Comme un gros rat exposé à la vindicte populaire
Manière de lever la main le doigt à l’envers.

Plus d’un marin courant la bagatelle
Prend le vent en grippe à la sortie du bouge 
Alors que colombe passée par le fenestron
Augure de céleste manière
Le langage premier de l’homme
La croix et la bannière au milieu du chemin.

Croisant le pèlerin de Compostelle
Plumes bleues et rousses accolées au bourdon
L’oiseau de paradis me dit
Qu’être vivant accorde la métamorphose
Alors que de chevaucher un nuage
Cornemuse de brumes le vrai et le faux.

1427

Sri Chandra Swami est mort

La nouvelle se fît connaître
À l’aune des enfants criant dans la ruelle
Venus joindre les deux bouts à la vie à la mort
Simple opportunité
D’alléguer 
Que puissance et tournicotis 
Font pis que pendre
En nos temps de parodie.

Sri Chandra Swami n’est plus
Et son âme aux Courmettes assignée
Contre la falaise
À grandes enjambées rejointe
Pousse le Silence
En son vagabondage intérieur
Avec sourire et cœur ouvert
Sur la Voie sans retour.

Au culbuto des occasions
Il est de la clarté
La providence assignée
Au Rien du tout venant
Comme de planter la graine
N’effraye ni le temps ni la distraction
Quand l’énergie du haut
Offre la liberté au bas.

Griffes en exergue
Matière enveloppée
Des formes-couleurs de la nature
Entre néant et éternité
Il est une parure
Où l’espace rehaussé de lumière
Conjoint l’ineffable frisson du simple
D’enfourcher la grâce d’être.

1426

Il y a un siècle

Comment dans les souvenirs
Apprendre à circuler
Si le courant vous emporte
La maisonnée dispersée
Le père loin des fils.

Essayer d’attraper au filet
Quelque rêve
À mains nues
Posées sur les genoux
Augure une montée des origines.   

Auguste Genestoux et Léa Bizard se marient
Avec enfants et parents comme suite
Les sombres brumes de la Grande Guerre
Imposant les recompositions familiales
Pour construire un foyer.

Le montage en pyramide
Scellait pour l’occasion
La propension d’exister
Des deux clans se rencontrant
Dans la cour de ferme du mieux loti.

Au buisson ardent de la célébration
Il sera naturel d’adjoindre
Les herbes folles de la liberté
Pour calquer sur la vie à nouveau bourdonnante
Le sceau de la résurrection printanière.

Fleure bon
La senteur des champs
Ces ancêtres soumis à haut équipage
Chantres d’éternité
Au passage des générations.

1425

Ne pas en rire

Ne pas en rire
Et si nous n’arrêtons pas de rire
Nos rires ne feront que tourner en rond
Jusqu’au blanc des justifications
Jusqu’à dépasser les soucis de ce monde.

La souche est là
Comme une vieille dame 
Qui aurait perdu sa chemise
Et qu’on ne pourrait jamais rattraper
Car trop sauvage et bien trop solitaire.

Quand aux fruits de la passion
Mettons-les comme provisions
Pour cet ours en hiver
Hibernant plus que de raison
Sur le palier de la maison.

Promise à la mort
Comme tous les vivants
Sereine et vêtue de plumes 
Par pleine lune
La vie vague est magie seulement.

Le tortillon égosillard
De notre langue
Simple et souvent vernaculaire
Épouse sans arrière pensée
Le florilège des mots de liberté.

Et quand vaque la mariée 
Au retour de l’été
Il est bien aise de découvrir la Perle
Cette précieuse chose innée
Au fond du corps choyé.

1424

La présence à ce qui s'advient