Cartlanna Catagóire: Bliain 2021

Rêve incandescent

Ô rêve incandescent   
du fond des forêts sombres   
une flamme s'est levée   
pour chanter à nouveau.      
 
La rose et le lilas   
sur les berges herbues   
j'ai pris ta main   
et les peupliers se sont tus.      
 
Sagement éconduit   
d'un sourire triste   
sans que la voix tinte.      
 
Même les nuages    
entre ombre et lumière   
ont éveillé d'innocentes fraîcheurs.      
 
 
791      
 


Tant et tant de mots

Tant et tant de mots   
sortis de l'ombre   
par la peau du cou   
forment guirlande   
que le ciel en ses instances   
fait cliqueter d'un sourire soustrait.      
 
Brise de mer   
sur le lagon des offrandes   
en tombée de nuit   
alors que les flonflons de la fête   
mènent grand train   
juste un trait de lumière sur ton front.      
 
La croix des croyances   
postée à la croisée des chemins   
engage à manger des fruits de saison   
sans raison   
et d'allumer le feu de l'été   
des sept épis de blé accompagné.      
 
Au séchage des linges sur le pré   
en sainte survenue ascensionnée   
est arrivé le temps de la fissure initiale   
sur le mur des lamentations   
ce frisson des petits papiers pliés   
à l'encre sympathique endossée.      
 
Hommes et femmes du dernier passage   
sous l'œil d'une étoile naine   
je vous ferai mirobolantes oreilles   
avec ce regard bleu roi    
et les joues avenantes   
d'une conscience nouvelle.      
 
 
790

La maison des vivants


La maison des vivants   
rassemble les sages autour des morts   
et quand les morts sont honorés   
le dernier mot raille la vie.      
 
Honorer la personne   
louanges enrubannées de peu   
pour les super humains   
a goût de dérision.      
 
Endormir un enfant   
quand la nuit tombe   
propose l'histoire   
de la fin d'un amour.      
 
Fág   
que dire sans la jolie fiction   
dont les adultes se repaissent   
à leurs côtés l'ombre d'un doute.      
 
 
789   

La chemise est sèche

 

Ce matin    
la chemise est sèche   
même que les parties usées
luisent au soleil.    
  
 Sans injurier le temps qu'il fait   
 sans poser de questions   
 de magistrale manière   
 nous étions tous au fond du gouffre.      
  
 Primordial soucis   
 la vie mènera à terre   
 cette fraction qui touche à sa fin   
 sous le coup des certitudes.      
  
 Finissons-en   
 prenons le fusil   
 le grand feu   
 anéantira le feu des syncopes.     
  
 A trop ensemencer les parures de l'oubli   
 la porte se refermera sur notre passé   
 pour sans soupçon et avec bonheur   
 aménager en H.L.M.      
  
 Le combat est digne   
 au regard de quelques-uns   
 sans surprise devant l'ennemi   
 sans mettre trop de temps à mourir.      
  
 Encapuchonné de détestation   
 à la merci des coups de sang   
 ils ont gravi la montagne   
 pour clamer l'utilité de la lutte.      
  
 Au bric-à-brac des pensées vieilles   
 séjourne en catimini du sel de la mine   
 plongée en ses eaux troubles   
 la gueuse aux crocs blancs et lèvres marines.      
  
 La langue ne déchire plus   
 point de clameurs   
 l'éternité balaie devant sa porte   
 un reste d'envies et d'ambitions.      
  
 Entre la pauvreté et la richesse   
 une vie douce et sobre   
 vécue avec affabilité   
 l'air sain des lendemains silencieux.      
  
  
 788
   

La femme du germoir

 

 Au ciel des oies sauvages  
 à la pointe des zébus sages    
 j'ai survolé la lande dodue   
 sans savoir où je me suis rendu.      
  
 Glacé, le gilet ouvert   
 fallut monter à l'escatoire   
 faire des bras et des jambes   
 grand cas de l'air du large.      
  
 Parler américain   
 sachant qu'à dos de chameau   
 le trajet s'amenuise   
 tant le sable du désert est profond.      
  
 Silène gras extrait de l'ornière   
 pas plus tard qu'hier   
 fait que sortent de l'ombre   
 les idées noires.      
  
 Au partage sécuritaire   
 des éclats de voix    
 seul à bord   
 j'accueille la femme du germoir.    
  
 Pour s'enfuir   
 touches blanches   
 sur la folie du plaisir   
 le muguet entre les dents.      
  
 Inverser son regard   
 appeler cause ce que nous qualifions d'effet   
 s'attribuer la responsabilité de ce qui nous arrive   
 nous invite à vider notre sac.      
  
 S'accrochent aux bonbons ronds de l'accordéon   
 les flammèches dévorantes
 de l'outre-mer   
 des navires de guerre.      
  
 Habiter là, quelle miséricorde   
 alors que l'aube s'apprête   
 pétrifiant le pèlerin   
 de se remettre en marche.      
  
 D'eau et de feu   
 à la portée des enfants   
 s'élèvent au parement du portail   
 l'ail des ours du mât de misaine.      
  
 Clamer ici ou là   
 la rencontre avec l'imprévu   
 de matière ceint   
 au médaillon des remises en question.      
  
 Changer de voie   
 pour de la dégradation des milieux de vie   
 faire chemin de rêve   
 aux senteurs océanes.      
  
 A point nommé   
 quand les navires sortirent de la brume   
 je vis le clepsydre se vider   
 d'un suintement leste de conscience.       
  
 Paradis retrouvé   
 lèvres soulagées   
 le rire raisin sur tes seins   
 délicate entrée en patience.      
  
 Et le soleil prit tout   
 sans penser à mentir   
 que même les fusils démodés du mur des fusillés   
 devinrent fleurs de printemps.      
  
  
 787
   

L’auréole

 
 
 Je l'avais laissée en bout de table   
 elle chantonnait   
 et la lumière irradiait.      
  
 Un simple coup de fourchette   
 comme broche de grand-mère sur son corsage   
 et tout était dit.      
  
 Je vins chez elle   
 elle était avec un compagnon   
 j'étais avec une compagne.      
  
 Les jours et les années passèrent   
 pour la chose ouverte  
 faire patte douce sur l'ouvrage.      
  
 L'animal-maître qui attend   
 trop de trop   
 ne peut transmettre son enseignement.      
  
 Si ce n'est   
 au milieu des puissances apaisées   
 racler le fond du chaudron.          
  
 Pour chuchoter à l'oreille   
 attendre et écouter   
 un haut degré de transformation intérieure.      
  
 L'auréole   
 cette forme que revêt la rencontre   
 et traverse la création.      
  
 La connaissance   
 la destinée   
 une force.      
  
  
 786 

Il pleut pour de bon

 
 
 Il pleut pour de bon   
 un rideau dru fait danser les feuilles du cerisier   
 et l'herbe je l'entends causer si parfaite et si jeune   
 devant les applaudissements de la maison aux tuiles vieilles.      
  
 S'ignorer fait grand tapage   
 quand le poète ajustant son ramage   
 se fait vendeur de la pizza   
 à ingurgiter encore chaude.      
  
 Et si l'autre vous signifie une légère attention   
 ne nous coagulons pas comme gélatine   
 où l'individualité s'efface et la personnalité piétine.      
  
 Soyons un véritable puits d'amour   
 en unité avec les femmes et les hommes de bon aloi   
 soyons dans la solitude une conscience aboutie.      
  
  
 785  
 
  
 

Le cheval d’arçon

Le cheval d'arçon   
sous les lilas de la Garenne   
continuait son chemin   
au goutte à goutte d'une remontée de mémoire   
sans que vent soit   
avec le message des étoiles   
où tout disparaîtra   
sans que le vent soit   
la caresse et la mitraille   
assemblant la généalogie   
sur le terrain des galaxies.      
 
Disparaîtront les singeries    
et même les paroles   
seront vignes d'automne   
en traversant le bois de Vincennes   
vers le métro sans que le vent soit   
à la marée montante   
moussue d'une écume lumineuse   
poussière que les anciens sèment   
devant la porte des granges   
à la portée des enfants   
que le mickey du manège fait bondir de joie.      
 
 
784

Les Serviteurs du Grandir de l’Être

 
 
 Plissons les yeux mais légèrement   
 sur la Comté de nos amours   
 au plein emploi de soi-même   
 que le Soleil élève dans l'énergie du Regard.      
  
 Soyons les messagers des Dieux   
 nous les farfadets de la transe   
 les porteurs de colère de notre époque   
 les sens en éveil assumé.      
  
 Marchons sur les braises ardentes de l'incomplétude   
 nous les hommes et les femmes aux lourdes charges   
 que même l'inattendu stimule 
 quand viennent les déséquilibres à rattraper.      
  
 Dans les entrailles de la terre ombreuse   
 où le grand feu des instincts   
 rencontre quelques tisons de conscience   
 éteignons le foyer des promesses creuses.      
  
 Au sortir de la zone d'achalandage   
 le poète marqué par la fureur des épreuves traversées   
 transforme par magie le désordre   
 en soucis du bien collectif.      
  
 Ne raillons pas les Valeurs   
 et les souvenirs du monde d'avant.      
  
 Ne méprisons pas le travail des petites mains   
 œuvrant dans le creuset des transmissions éducatives.      
  
 Soyons les tisserands du jour    
 quand le premier vent caresse fraîchement les blés.      
  
 Évitons les affabulateurs et les joueurs de pipeau   
 entraînant les ventres creux vers la misère et la noyade.     
  
 Soyons aux marges de la collectivité   
 les possesseurs du flambeau de la vigilance.      
  
 Soyons humbles et présents   
 les Serviteurs du Grandir de l'Être.      
  
  
 783
   

Les mains qui s’agitent

 
 
 Les mains qui s'agitent   
 sur les rondeurs du sommeil   
 vident la mare de ses poissons d'argile.      
  
 Trois petits tours et puis s'en vont   
 les vies de nos frères   
 à la merci d'un crac vasculaire.      
  
 La belle affaire ne se troque pas   
 elle est là-bas   
 au plus haut de soi.      
  
 De l'herbe, des herbes, du végétal   
 à sa porte il suffit de se baisser  
 pour que tinte l'éolyre.      
  
 Sur la mare gelée l'enfant avance   
 précautionneusement le liquide en dur    
 ne dure qu'un moment.      
  
 Toc toc toc c'est moi   
 je vous aime tant et tant   
 que j'oublie de vous le dire.      
  
 Il arrive le moment   
 où la peau se fripe   
 mâchoire édentée sur le devant.      
  
 Filer bon train   
 assis sur le strapontin   
 des vertes et des pas mûres.      
  
 Les parties de soi que l'on ignore   
 et qui vous font du tord   
 lorsque la bise souffle.   
  
 Se les mettre en capilotade   
 accrochés aux patères   
 les lendemains qui chantent.      
  
 Plus de père plus de mère   
 rien que la terre qui bruit   
 quand passent les cigognes.      
  
 Survenir revenir parvenir   
 un nid sous le toit   
 une hirondelle entre toi et moi.      
  
 D'étoupe et de souffre   
 nous allumâmes la mèche   
 pour que page se tourne.      
  
 Au vol au vent des effigies   
 quoi de plus élégant   
 que le sourire après l'amour.      
  
 Se joindre et emboîter le pas   
 sur le chemin de halage   
 à tout âge en tout lieu.      
  
 Ces cailloux là   
 ces mots ses images   
 pour retrouver la maison.      
  
 L'horloge claque ses secondes   
 dans le silence de la nuit   
 que le poète cloque d'amour décrit.       
  
 Fissures dans les murs   
 où passent les lézards   
 affine sa perception de l'art.      
  
 Maugréer n'est pas de tout repos   
 il y faut de la niaque   
 à coups de pieds aux nues.      
  
 Me dépêcher pour rentrer   
 Maman sera là près du feu de bois   
 à boire sa tisane verveine oblige.      
  
 Traces des mots dans la neige fraîche   
 allument le fanal des perles contenues   
 dans le chapeau de la maraude.      
  
 Écorner la page   
 permet la lecture à la reprise   
 lorsque loup y est.      
  
 Se suivent se ressemblent s'assemblent   
 les joies et les peines   
 en capacité d'émerveillement.      
  
  
 782