All posts by Gael Gerard

Danse en cercle

De la danse en cercle
D’accepter le sens
M’a convenu quelque temps.

Comprendre n’est pas mon fort
Quand le soleil se couche
Derrière l’oreiller des volcans.

La nature m’entrave
Je suis alors sous influence
En son point culminant.

Dominer l’intellect
Prodigue grande expérience
Au pays de la danse.

Je cultive une psychologie de comportements
Où l’esprit au paradis des concepts
Ambitionne le saut dans la friture.

Que même les plus belles conversations
Mènent à l’essentiel
Sous le mur des citadelles.

D’avoir touché le doute du doigt
M’ordonne la confusion du « oui c’est ça »
Devant les trophées de chasse.

Pour de nuit
Sortir en catimini
Éclairé par la lanterne de l’ermite.

Pierre qui roule
Ne mousse que le vent
Là où le danger porte.

Toute vérité angélique
Ignore l’homme de foi
Droit devant son miroir.

Je griffe donc je suis
De la pierre le lichen
Au vu de mon existence souterraine.

D’anneaux de fer
Ils ont cerclé la roche
Comme mouchoir de poche.


1647

Présence prune

Présence prune
Coquillettes échevelées
Et boule de gras
Ont envahi le carreau du temple
D’un bouche-à-bouche obstiné.

De violettes et de cendres
Accumulées parmi les songes
La lumière d’un soleil cru
S’est proposée au sang creusé
D’une paix éternelle.

Tenailles d’entre les flammes
D’une couleur gris ardoise
Elle honorait de son âme
La vibration des mondes
D’esprit et de chair.

Avant-hier
De ces livres aux pauvres paroles
La tristesse s’est éprise
Brûlure rose tendre
De l’écrivain banni.

Elle est vraie
Cette histoire
À ne jamais parler de livres
Sous le préau
De l’école de Bolzat.

Vibrante
Penchée sur le sol de la page blanche
Elle a traduit
D’un trait de littérature
Les engorgements d’outre-vie.

De mettre à écrire
Occasionne quelques soucis
De réalité et d’amour
Enfant de chaque jour
À compter les papillons de nuit.

Crinière au vent
Cherchant tabac dans les recoins
De l’atelier
Sans porter de vêtements mouillés
Sans goûter la pomme.

J’achèverai ce poème
D’une chiquenaude
Bonne nourrice que je suis
À mâcher lentement
Les suçons de gaité.

Par la fenêtre
Coule des jours heureux
Le vent de la planèze
Sans tarder
Comme soulevé par les cendres.

La vie flotte
Sur la brume des ans
À colmater de branches sèches
L’invisible habit de fête
Paradant jusque dans le noir.

Nourriture de clarté
Dents vigoureuses
Brisant la noix d’un coup sec
Avant que le grelot ne sonne
Le dernier tour de piste.


1646

Les vingt quatre cierges de l’artiste

Les vingt quatre cierges de l’artiste
Ont comparu en formation
Diligentées par l’Élan éternel
D’un parturient de hasard
Au mandala de l’existence.

Fenêtre sur l’Éternité
Étrange coïncidence
D’avoir à encenser
La Vierge Noire de la paroisse
Dans la pluie le brouillard et la fumée.

La Grande Église était ouverte
Un seul arbre poussait
Ce magnolia inondé de fleurs rougeâtres
À même de réverbérer
La petite île du milieu de l’étang.

Un pas de plus
Aurait légitimé
Une main tendue
Sans effort
Contre la pierre brûlante.

Je la rencontrai
Là où se trouvent mes racines
En complémentarité des ombres
Que je dus travailler
À même les divertissements de la matière.

C’était un trois septembre deux mille vingt cinq
Je peignais les plafonds à caissons
De motifs de la Création
À Allanche-la-Grande
Porte fermée pour un repos éternel.

Les ancêtres étaient alignés
Contre le mur de soutènement
Et j’osais la parole salutaire
En application de la loi :
« Sois Toi ni plus ni moins ! »

Dans la salle capitulaire
En forme de nasse
Les parois pleuraient
Au goutte à goutte
Sans dispersion de l’Élan d’origine.

Penser avec sa tête
C’est faire cause commune
Avec les trublions de la lune
Dansant jusqu’à la démesure
Sur les terres récemment incendiées.

Penser avec le cœur
Est fleuve majestueux
Coulant comme légende
Parole perpétuelle
Participante des rites mystérieux.

Penser avec la flamme
Remplit l’Être de fierté
Le secret vital à hauteur de visage
Contemplant le soleil
De l’Autre Côté.

Penser âgé
Dispensateur de bonheur
Le regard effilé comma épée de justice
Engage aux Affaires
Une aiguille d’os au travers des lèvres.


1645


La poésie au trente et un du mois d’août

La poésie
Une perception globale
Spontanée
Du monde
Du monde en nous.

C’est simple
L’enfant est un poète
Son imaginaire
Le sens qu’il donne aux choses
S’applique à un objet.

Il n’y a pas d’intermédiaire
Entre l’Être
Et ce qui est là
Devant ce qui surgit
En soi.

Hésiode et Homère
Rassemblaient ce qui se disait
En vers
Les aèdes s’accompagnaient de musique
Ils chantaient.

Les dieux
Les hommes
Dansaient devant la flamme
Brandons de feu
Brandis devant le mystère.

Puis nos ancêtres se sont organisés
Pour vendre et acheter
Le faire-valoir a occupé leur esprit
L’écriture et le calcul ont pris date
Le temps et l’espace stigmatisant les rêves.

Il a fallu être précis
Pour ne pas se faire voler
Pour inscrire dans le sang
Le candélabre des âmes
En quête de sécurité.

Les marchands et les juristes
Ont organisé le savoir-faire
Par l’esclavage et l’ostracisme
Vidant les prisons
Pour quelques jeux du cirque.

Il fallait se montrer
Être beau et fort
Pour manier le glaive et la parole
Se soumettre aux puissants
Et aux croyances religieuses d’état.

Tandis que dans les bois
Par les prairies et les rivières
Les montagnes, la mer et les astres
Continuaient de se tenir roide
Le gigantesque cactus-candélabre de la lumière.

C’est alors que l’œuvre s’est donnée à ressentir
Par des mots, une musique, une sculpture, une profération
Un bon moment où trouver beau ce qui exulte
Un vécu de la nature
Un silence hors sens utilitaire.

La poésie est signe
Trace infime d’un rayon de lune
Formes blanches à la tombée du jour
Puissant souffle sur la mer bleue acier
Et qui jamais ne se corompt.

La poésie est de passage
Elle sangle le paquet-cadeau d’une lampée de miel
Devenant cendre en sortie de nuit
Quand au seuil de la caverne
La douleur éblouissante du soleil nous saisit.

La poésie agrandit le champ de la perception
En disjonctant les règles du moment
Elle devient structure
Et par là ses formes affirmées
Permettent la rencontre entre gens cultivés.

C’est ainsi que vint le temps des alexandrins
Avant que n’arrive le souffle nouveau
De la libération des règles de représentation
Avec les opéras et la magnificence
De Heredia, Gauthier et Hugo.

Puis les poètes symboliques
Battirent en brèche les luxuriances de l’extériorité
Pour avec Baudelaire, Verlaine et Rimbaud
Aimanter les métamorphoses de l’âme
En fouillant les ombres de la psyché.

Enfin vint le temps de la libre entreprise
Des surréalistes et de la poésie contemporaine
En brisant les lunettes de la bienséance
Pour ouvrir le vaste champ des styles culturels variés
Afin que le monde rencontre le monde.

Le contraire de la poésie est de la poésie
La parure endocausale et individuelle
Recouvre les règles d’avant
Tout converge vers le champ de la complexité
La chanson crée l’agitation émotionnelle des pensées.

Dès lors en poésie au pays de la poésie
Il n’y aura plus de nantis en poésie
Chacun pourra écosser sa gousse
Pour ajouter au ragout social un sel nouveau
Et d'entrer sur les autoroutes de l'I.A.

Dès lors la poésie est morte
Elle est déboulonnée de son piédestal
Par les assauts du savoir-faire technique
La séduction devient l’outil sécuritaire
Permettant la zénitude.

Mais à bas bruit une poésie est toujours là
Dans les arrières cours de l’information
Chaque personne sensible peut être poète
Au milieu de l’ivraie poussent les blés de l’avenir
Être légitime dépend de croire en soi.

Mais la poésie c’est bien plus que les poètes
La poésie est là sous nos pieds
Dans les petits bouts d’allumettes
De la quotidienneté consciente
Tout autant que dans l’arrachage des habitudes.

La poésie est à table
Dans l’abondance des mets proposés
Dans le hasard de l’attention portée à ce qui est
Dans le sourire de l’enfant
Tout autant que dans les rides du vieillard.

Et les mots jaillissent
Au travers de l’attrape-mouches des sens
Des mots simples
Des concepts arrogants
Il y a de la place pour tout.

Le poète est agi par ce qui est là
Dans cette myriade d’éléments
Qu’il peut décrire et agencer
En une entité mono psychique englobante
Jusqu’à ce qu’épuisement s’en suive.

La prolixité des sources
Propose au poète l’humilité
Dans sa pratique d’artisan du verbe
Lui l’intercesseur des flux sensoriels
Qui partout l’assaillent.

Il est alors mûr
Pour accueillir le fruit unique
De l’arbre de la connaissance
Marbré par la lumière de l’arbre de la sagesse
Pour le déposer à même la terre des origines.

La bogne éclate
Nous accueillons le nectar de l’autre, att vara
En émerveillement de ce qui advient
Par l’entremise d’une synchronicité
Frisant l’archétype de la situation.

Le poète se retournant vers lui
Prend alors soin de lui
Sa sensibilité et se vulnérabilité vivifiées
Pour porter la charge impartie
D’être au seuil de son accomplissement.

Être en poésie
C’est prendre soin de soi
Lui le transfuge de la matière devenant énergie
En vibration avec le flux de la vie
De la naissance jusqu’à la mort.

Le souffle est là
Et je le respire
Car c’est la vie qui respire en nous
Cette conscience de la respiration
Œuvrant au va-et-vient de la fidélité à soi.

1644


Le pas de rien

Le pas de rien
Émargé du ciel
Sur les ondes natives.

Entre les nuages
Droit au cœur
Les rives de l’au-delà.

Un pont où faire halte
Au versant du rêve
Toujours recommençant.

L’imprévu
Vu
Impensé.

Au centre le murmure
D’où qu’il vienne
Au profond du cratère.

Ce qui ravit
D’une caresse souple
Le fruit consenti.

Trop plein du vent qui passe
Au crève-cœur d’un jour meilleur
Le germe de l’instant.

L’odeur des sapins
Rompt l’espace
De bubons galactiques.

Au plus fort de l’incarné
De chair et de pierres constituées
Le gouffre à sonder.

À prendre sens
Notre regard
Suscite l’écho.

L’in-accès au délire
Clame le désir
Auquel consentir.

Très loin
Tâtonnant
Le mystère serait-il là.


1643



Un mot pour fixer le jour

Un mot
Pour fixer le jour
Un mot
Si haut
Dans la vasque de verdure.

Tu reprendras le fil de ton chant
Au cadran solaire
Des heures et des heures
Pur silence
À chaque fois inédit.

Au seuil espéré
Le syrinx reste de mise
Dans l’âpre ivresse de l’immensité
Du nid défait
De la vacance.

Et d
'assumer ton chemin
Cette vie vécue et à vivre
D’une rive l’autre
Au bout du bout
Fier arpenteur des landes.

Qu’il soit l’intervalle
D’un autre cri
Au val d’Enfer
De notre ardente déchirure
Laissant cependant circuler l’air.

Et de s’engouffrer
Au détriment des papillons de nuit
Quand s'égraine
À petits coups métalliques
Le tictac de l’horloge.

Accepter ce qui est
À seule fin de durer
Rend les degrés de l’ombre
Aveugles à dévisager
Notre propre face calcinée.

Les monstres rient
Au parti-pris de ce qu’on dit
Quand roussit l’or du couchant
Et qu’un dernier vol d’hirondelles
Éloigne le passé.

Lancer
Cœur battant
Le bâton de vie
Sur la pierre vénérée
Permet l’éveil.

Entre la cime et l’horizon
Passent les nuages
De tout âge
Va-et-vient inaltéré
Traçant le cercle circassien.

Plaire ou déplaire
Le souffle se contracte, se rétracte
Rage née du désaccord
D’avec le gouffre sans fond
Des promesses inaccomplies.

Le mot n’est plus à célébrer
Son infinie résonance paraphe
L’enfant attendu
Au bagad
De nos regards croisés.


1642


Emmenez-moi

Emmenez-moi
J’arrive
Avec des hortensias
Et un CD pour la soirée
Après ce long moment
Passé à vous attendre.

Une frange noire
Sur le front
Et mon corps se délabre
Pour que déjà là
Cette femme hors du commun
Puisse renouer en amitié.

J’ai écrit
Un long moment s’est passé
Nous avions perdu nos sacs
Les charognards avaient dû se servir
Comme d’habitude en tout cas
J’avais trop parlé.

Il faut que je vous dise
Que la solitude me convient
Comme vient en passant
Le temps d’accoutumance pour rien
Comme resserrer le licol du cheval
Foire terminée.

Ce soir
J’arriverai à l’heure
Monterai dans le bus le premier
Aurai ma place assise
Car en aveugle
On ne plaisante pas.

Il chantera
Accompagné par le vuvusela
Je déchanterai
Ma colombe mon aimée
Sans avoir goûté à ta pulpe
Avant d’entrer dans les ordres.

J’aurai préféré
Ne plus te revoir
Chose dites chose faites
Il est impossible pour moi
De rayer de la mémoire
Toute trace de rupture.

J’invente je crée
Les mots saute-mouton s’embrasent
Pendant la libre nuit
Du haut de mon âge certain
Sans écraser une mouche
Sur la table de présence.

Je vous tiens en estime
Vous que j’ai rencontré
Ne serait-ce qu’un moment
En réelle attention
J’ai tendu au milieu du chemin
Le ruban des commémorations.

Je rédigerai la lettre
Celle à donner au facteur
Quand il posera son vélo contre le mur
Puis après le verre de l’amitié comme il se doit
Par ces temps de chaleur
Il ouvrira sans hâte sa sacoche.

À mes lèvres
Ces tartines de groseilles
Acidité recouverte de sucre en poudre
J’ai conclu qu’il fallait partir
Cueillir la framboise
Pour un peu de douceur.

Je baisserai la visière de la casquette
Tiendrai fermement l’œillet de poète
Entre les dents
Sourirai
Une dernière fois
Avant de tourner casaque.

1640

Les fleurs embrassent

Les fleurs embrassent
Du cœur
La flamme
Élargie
Par une odeur de miel.

Âme tambourinaire
Sur le roc de granit
À la lyre grattée
Le pas claquemure
Comme sabots de Noël.

La rivière coule
Et déploie de ses cailloux ronds
La robe de mariée
Vêture de mousse
Des folles nymphes.

Sourire
De tâches de rousseur
Cerises fraîches
Craquantes sous la dent
Pour hirondelles déployées.

Doux regard
De pâquerettes piquetées
La frange blonde
S’est parée de lumière
Dans l’ombre de la fontaine.

À même le feuillage écarté
D’une main diaphane
Fruit saisi
Les lèvres purpurines
Ont murmuré le chant.

Gargouillis d’une source
Aux pieds des bouleaux doux
Une feuille posée sur le ventre nu
S’est offerte
Au caillou blanc de la présence.

Dans la maison d’argile
Point d’ustensiles
Juste la terre battue
Avec près de l’âtre
Un coq de passage.

Traces légères
Des sabots
Ployant la soie des herbes
D'une foulée
De biche assoiffée.

Rose enamourée
Contant sous la feuillée
La venue
De l’amie des clairières
Parée de l’étole de Tréguier.

La nuit parfois
Jouer de la flûte
Provoque larmes et rires
Comme pour dresser sur l’autel
Le préparat du mystère.

Fusse du doigt
Ou de la langue
Une silhouette entrevue
Offre vigueur et joie
Au fusain des astreintes.


1638

Fine danse à l’orée du ciel

Fine danse à l’orée du ciel
Et Finette l’aimait
Ce cadet tout droit venu de Palestine
À conter larmes et morts
Par les ruines accumulées
Poussière à soulever du doigt
Le béton hérissé de ferrailles.

Une couche grisâtre
Couvrait les ruelles étroites
Reflet d’une beauté passée
Hors des moucharabiés
Hornant façades fissurées
Dentelles creuses d’une bouche édentée
Bombifiée par Lucifer.

Quelque morceau de plâtre
Avait permis le tracé d’une marelle
Où des petites filles aux robes déchirées
Virevoltaient princesses messagères
Sur un terre-plein inondé de lumière
Soumis au surgissement de l’alerte
Plongeant les lieux dans un silence odieux.

Soudain un craquement sec
Faisait s’élever des volutes de poussière
Puis des cris et des gémissements
Des crissements de pneu sur la terre battue
Suivis de sirènes hurlantes
Que les murs déchirés faisaient rebondir
Comme ballons de baudruche.

Face à face
Les vélos posés contre les palissades
Ils eurent le temps
De contempler l’avancement des travaux
Puis se dire comment ça allait chez eux
S’ils avaient suffisamment à manger
Et que les petits ne pleuraient pas trop la nuit.

Dans les rues désertes
Un vieillard tirait sa misère
D’un pas mal assuré
Avec un grand cabas noir
Pendant qu’un chat couleur sable
Suivait à bonne distance
L’homme au visage baissé.

Une pincée de matière friable
Coulait grise dans une fissure
À l’ombre de ce qui fût une échoppe
Je m’approchais pour voir surgir
La tête d’un reptile
Un tout petit reptile
Balançant sa langue d’un côté l’autre.

Nous avions déjà couvert d’autres lieux
De désolation et d’inimaginables destructions
Sans que notre respiration ne s’épuise
Sans que notre sang brûle
Mais jamais n’avions rencontré de telles souffrances
Que même la maigre végétation sinistrée
Comptait ses dernières traces de verdure.

Plus de muezzin n’appelle à la prière
Du haut d’un minaret
Encore debout mais chancelant
Pendant qu’une ombre traverse la rue dévastée
Enjambant les gravats
En soulevant sa gandoura
D’un geste mesuré.

Plus d’oiseau dans l’azur brûlant
Les rues dégagées au bulldozer
Semblaient des tranchées ouvertes après un cataclysme
Des carcasses de véhicules
Portes défoncées
Étaient de rares touches de couleurs
Dans un univers de fièvre suspendue.

Un chien passa
Semblant pressé de rentrer chez lui

Le museau au raz du sol
Langue pendante
Contournant les blocs de pierre
Queue rabattue sur son corps décharné
Il allait vers le soleil levant.

Quand nous reverrons-nous ?
Quand nos mères se rencontreront-elles ?
Quand notre père se retournera-t-il ?
Quand nos enfants joueront-ils ensemble ?
Quand parmi les cendres
Pourrons-nous construire un campement ?
Où déposer la feuille blanche du poète.


1638

En bord de route

En bord de route
Cette histoire de poule morte
À battre sa coulpe
Devant l’incivilité de l’avoir tuée
Cette poule morte
Gisante dans le fossé.

Quelques jours plus tard
Plumes éparpillées
Ce fût tendre mélopée
En la forêt de Laroussière
Les parents attendant
Le passage de l’épicier.

Se jouer des larmes
Aux Dames-des-églises-romanes
Vêtues de leurs habits noirs
Lapineaux dans l’herbe grasse
Provocant le plaisir
À petits cris de souris grises.

Cuisses ouvertes
Bourgeons turgescents
Entreront dans la danse
Par vie crépusculaire
Un chapelet d’impétrants
Faisant tinter l’angélus.

Ailé élan
Des gentes personnes
Écran superbe
Sous la soupente des amours
À mourir de rire
Quand tête flotte comme un lotus.

Les jeunes filles joignent bols et casquettes
Mains menues
Embrasant le mouchoir rouge
Des rentes menstruelles
Pour qu’un jour
Claque du doigt la flute des vertèbres.

En rond
Ces poupées incassables se redressent
Barbie de réalité feinte
Écartant du hasard
L'indocilité
Des frondaisons de l’à-plomb.

Éludées pommadées
Tenant quelques brindilles
Elles secouent en cadence
Au niveau de l’eau
L’impermanence d’une aurore en crépuscule
Belle Ophélie au demeurant.

La bulle était fine
Pour à la pelle
Recouvrir de terre
Le Miroir
Humiliant la Planèze venteuse
De marques de tendresse.

Au panier plein de victuailles
Au bien-aimé d’une paupière fermée
Rajoutons le vinaigre
À grands coups de marteau
Dans la flaque d’eau
De tant de vies à chérir.

La Dame devint grande
La soie de sa traîne
Frôlant les épineux
Des chaudes journées d’été
À recueillir le suint des bêtes
D’une seringue de bouillie blanche contenue.

Je fis chauffer les fers
Dans le brasero
Pour d’un geste fumant
Infliger la douleur
Sur le sable blanc
Des dunes d'avenir.

1637