Je n'échapperai pas
À cette croix
Moi le corps
L'aléatoire de mon apparence.
Nourris d'enveloppes légères
Invisibles, immortelles
Les rêves excitent le désir d'utopie
Dans le couvige ensoleillé.
Mes paupières baissées sont vues
Dans l'embrasement de l'aube
Où le repliement sur soi
Saccage les échanges.
Visage à même de rétablir le fil ténu
De la vie minuscule
À l'épuisement parodié
Par l'écho des battements du cœur.
Ma place est là
Et il est demandé à ma peau de répondre
Moi l'emmaillotée
En quête de la certitude d'être.
Un peu de folie fera le reste
Pour repriser les trous de l'enfance
À l'œuf des origines
Le fil et l'aiguille de l'opportunité.
Le regard, la voix et le silence
Feront du berceau
Le retour à l'intensité
De quelque chose qui se produit.
( Peinture de Frédérique Lemarchand )
1356
Le matin
À la pointe du stylo
Il y a l'eau et le refrain
D'une contine
Remontant par bulles
Du frigo qui se décongèle
En glougloutant.
Les feuilles tombent
Et je ne me vois pas
Car la nuit tous les chats sont gris
À recouvrir pudiquement
Jusqu'à l'incantation
Des générations de mots
Au porte-à-porte de l'acceptation.
Écouter avec les yeux
Pour ne pas avoir à entendre
Le murmure des à-valoir
À fond la caisse
Dans le jour recommençant
De mille pensées
Nous cachant le salut des âmes.
Tout est fait tout est dit
La souffrance surjoue
Dans la répétition du mal
Swastika sur le revers du manteau
La souffrance se rejoue
Sur le visage en pleurs
Un deux trois soleil !
Quelqu'un m'a suggéré
Qu'il fallait accrocher la clé de la réussite
Au cou de mon ange
Pour qu'alors la corde cède
Et recevoir une dose de peur
En remontée de l'instant
Apte aux multiples renaissances.
Hacher menus quelques morceaux d'amour
Augure du dernier repas
À l'abri des regards
Sans croyances
Pour voler à tire d'aile
Telle parole fraîche
Brume et ciel bleu liés par le secret.
1355
À même cette chose
En soi
Qu'un rien dérobe
Cet hors de vue
À rebondir par dessus la nacelle.
Je l'ignore
Ce vocabulaire de vieux crins
Fait d'emphase et de mort
je l'attends je l'entends
Depuis si longtemps.
Même les anges
Porteront mon dernier souffle
De la rue monte la colère
À me prêter une pensée
Ils seront les officiants.
Fatigue bouillonnante
Jambes lourdes aux guêtres fières
J'ai rendu ce qui me convient
Pour ne pas m'informer
Du lendemain.
À l'usage
Ils me manquent
Les buissons bruissants
Des battements d'ailes
D'une croissance hors d'âge.
Mesure d'usage
Effet de commérage
J'écris
le son la balle et le grain
Des batteuses d'antan.
Il y eut grand tapage
Quand l'ouvrier passa
Lampes de mineur, gants de cuir épais
Lourdes bottes de sept lieues
Au temps des cerises.
Je m'enfermai
Jusqu'à point d'heure
Dans la clairière de l'au-delà
À compter les jours
D'un clignement de paupières.
Ces gens dehors
Perdus dans l'indolence
Les éclats de voix caillassant le silence
Des notes de musique jaillissant des berceaux
En vrac.
Quand à elle
Pleine d'encre et de jeux d'enfant
Je la soustrais à la page blanche
Libellule parvenue
Dans la transparence d'un tulle au vent.
Et les pages passent
Métamorphoses de l'instant
À se ranger contre le trottoir
Miettes de pain offertes
Aux pigeons de l'Arche.
Même pas mort
J'aurai la clé
Pour parler clair
T'entendre et te voir
Dans la borie des Claparèdes.
1354
288 pages, 98 textes, 98 photos - imprimé en mai 2023
Si rien, si peu, d’attendre Sylvain aux yeux de myrtille, et que les arbres meuvent à corps et à cris le korrigan de l’esprit. Se voir belle romance le soir au carrefour des sentes d’avoir été, d’être encore la pulpe et le jus d’un sourire, d’un soupir.
Il n’est d’avenir que la marche du pèlerin sur la voie lactée. Les mots n’ont pas de sens s’ils ne sont pas vécus intimement, s’ils ne sont pas pesés à l’aune de leurs provenances, des maux, des joies et des peines, à l’aune de l’enfance éternelle.
Les mots nous réalisent, ils précisent nos actes, comme s’ils nous connaissaient déjà, qu’ils écoutaient plus qu’ils ne dictaient la direction pour qu’un certain temps après découvrir l’enchantement ou le maléfice de leur pouvoir.
Alors le silence peut s’établir, un silence fait de l’effacement de l’œuvre, un silence au profond de notre univers qui continue sa course.
Ici la photo et le texte se rencontrent et de leur contact surgit un troisième élément, le tiers inclus, d’une nature autre qui nous convoque à un rebond.
C’est dans cet entre-deux, dans cet espace vierge de piétinements où surseoir à l’arrivée d’un sens hâtif qui dans sa précipitation peut scléroser l’entendement, que nous ouvrons notre cœur pour permettre le contact avec le cœur de l’autre.
La vision est ici millimétrique et apocalyptique. Le temps et l’espace bien présents dans l’existence quotidienne sont intégrés par un tempérament globalisant et oblique où les visées scientifique, philosophique et mytho-poétique se conjuguent. Tout est alors affaire d’acceptation, de discrimination, d’effacement et de rangement bien plus que de hasard.
Un hasard qui d’ailleurs n’existe pas vraiment car ce qu’on appelle rencontre fortuite, coïncidence, paradoxe, synchronicita, sont des traces mnésiques affleurantes du passé et promesses d’un avenir imaginé que la présence de l’ici et maintenant actualise du sceau de la réalité.
Lis, là
Contre mon épaule
Pour solder
Exercice mental aux mélèzes associés
Que la gourde vaille bien la montre
Quand elle est pleine
Et que la montre à l'abri des impulsions
Fasse temps d'arrêt.
Cette scène
De planches disjointes
En forêt à taper du pied
Le temps d'une représentation
À ne plus se souvenir
De quoi il était question
Si ce n'est
Que le ciel était bleu.
La grande fille
Me passait un paquet ficelé
À hauteur des yeux
Pour m'en mettre plein la vue
Alors que mes compagnons
Fumaient la cigarette
Métamorphose du langage
À portée de voix.
Elle me répondait
" Oui "
Et cette histoire un peu compliquée
Me renvoyait sur les chemins
Dans la forêt pluvieuse
Des premiers jours d'été
À entendre que toute absence
Était de la nourriture pour l'âme.
Goûter le jour
Vertu consolatrice
Aux chants que nul n'entend
Si ce n'est d'exister
Pour planter les salades
Cueillir les mûres
Dormir au pied d'un arbre
Une pincée de sel aux coins des lèvres.
Regarde
À ne plus ressentir la grosse laine
Sur ses épaules nues
En doutant de loin en loin
Que l'arrivée du soleil
N'altère le rouge-gorge de sa respiration
Grenouille vermifuge
Ronde de joie à me donner le tournis.
Passèrent
Le présent
Accompli en ses formes et mesures
Le passé
Aux bons soins de la souvenance
Et l'avenir
Dentelles taillées à la hache
Sans que cil ne bronche.
La marmotte crie
Au parti pris de ce que tu dis
À franchir le gué
Une pile de livres à bout de bras
Altière et fenouillarde
La transparence accablée
Par le soucis de plaire
Jusqu'au plus petit moucheron de la création.
Siffler est jouer
De la corne de brume
Pour ouvrir l'espace
Et laisser venir
d'un cœur léger
La main légère
D'une vie légère
Comme rai de lumière traverse un feuillage.
1353
Elles ont glissé
Leurs patins d'air
Sur la fontaine des souvenirs
Les araignées fines funambules
Marquant d'auréoles concentriques
La douce arrivée d'eau
Pour que rase rassasiée
S'échapper par la motte de terre soulevée
En contrebas du pré.
Le travail des herbes folles
Déposées à la surface du sourire
Faisait lumière au sortir de la goule
Renouveau accompli
À mesure de l'esprit
Échappé des traverses lourdes
Le long de la voie ferrée
Du grain de la phrase
Entre deux éclats de rire.
Une pluie mercenaire
Faisait se courber les scabieuses
En réjouissant les vaches
Aux mufles lustrés
À la robe dégoulinante
Les dix doigts diligentés
Sur le combat Villemain Dauthuille
À piqueter le papier
Sous les pins de l'orage.
En attente d'un bleu prophétique
Glorieux d'avoir exhumé la pierre ténébreuse
Où déposer la mousse humide
Du face-à-face mélodieux
Avec le merle aux pattes fil-de-fer
Il eût été branche molle du cerisier
Plus apte à soutenir les ténèbres
Que d'évacuer l'écureuil du square des pompiers.
La main suggère le souffle
De concert avec le parfait récital
Quand miettes retenues par la serviette
Éteindre la lumière
Pour ne plus entendre le bruit de l'ampoule
Marche forcée de la créature incommodée
Aux yeux de pêche
Reproduisant la Cène
Des amitiés carillonnantes.
Effluves légères
Soupir évoqué
Pensée permise
Les nœuds se délient
Tapis de prière déposé
Encore une minute ou deux
Pour faire de l'enfant au regard doux
La source du réel pur
Les mains sur les cocottes d'une bicyclette.
( Encre de Pascale Gérard )
1352
L'homme de la pierre
Assis devant la rose
Comptait lentement
Ses années passées
À la lumière sèche de son visage
Reflétant la brume montante de la vallée
Aux messages imaginés.
Afin de complaire à cette maraude
Il écrivait calme et appliqué
De sa plume sergente major rêche
Quelques faits de ses origines
D'un tremblement des mains
À faire coupe rase
Du regard des vivants.
Au mitan de la nuit
Ses ailes avaient fleuri
À battre campagne
Dans les halliers de l'oubli
Quand paupières sèches
Les algarades des regrets
Somnolaient naufragées.
En fin de journée
Alors que les chasseurs brûlaient leurs dernières cartouches
Il avait remis son tablier bleu
Par dessus son pull effiloché
Pour entonner une dernière fois
" Sur le pont du Nord
Un bal y est donné ".
Fissures à l'âme
Son cœur de crépon tremblait
Devant l'évidence
Sa proie ses repères
L'absolue déliquescence des jours
Passés en retour
À pourvoir aux brûlures du désir.
L'absence le tirait par la manche
Au pied de cette allée couverte
Carrefour des remontées
À écouter le chant déclinant des oiseaux
Dans l'attente de ce qui reste à faire
Avant que ne s'échappe de la forêt
Le hululement de la chouette.
1351
Poli comme un sou neuf
Devant la maison
Attendre que la famille soit prête
Surtout ne pas se salir
Et ce petit frère qui vous colle aux basques
Monter sur le chemin
Puis redescendre dans la cour.
La gifle est partie
Sourde et intense
Marquante jusqu'à l'infini
Pour une éducation d'aimer
D'aimer à palier au recroquevillé de l'âme
Aimer jusqu'à tendre l'autre joue
Au delà des yeux du silence.
Le trajet vite fait bien fait
En Vedette, en Deudeuche ou en Quatre chevaux
L'habitacle empli d'un bouquet de parfums
Pour devant l'église
Se retrouver en cercle
À chercher l'endroit adéquat
De la photo de groupe.
Le monument aux morts est là
Enferré par la grille fermée à clé
Surmonté par un poilu au regard bleu
Avec sur son socle
Le nom des héros de la Grande Guerre
Et un rajout de ceux de 39 - 45
Dans un jardinet paré de buis et de graviers.
Dans l'église froide
Femmes en noir aux premiers rangs
La voix du curé s’est élevée
Apaisante fleur vitrail hors la chaire
À évoquer la mémoire des disparus
Et le beau temps espéré
Pour les moissons de l'Assomption.
Les cloches ont sonné la fin de l'office
Sommes à nouveau rassemblés sur le parvis
À se saluer entre connaissances
Et s'enquérir de ce que deviennent
Ceux qui ne sont pas là
Pour ensuite passer à la boulangerie
Chercher la tourte et la brioche.
1350
Une seule phrase
Et tout se délie
Hors ces sacs de jute
Remplis à raz bord
Après ma mort
Où j'ai ouvert les yeux
La première fois
Pour entendre le chuchotement
À l'oreille de l'agonisant
Parole désuète
Ou manque de parole
À se faufiler
Goûteur de vie
Après la pluie
Devant le parterre
Couvert d'herbe bien verte.
Trois jours comme ça
À ne jamais se lasser
Sur le pas de porte
À ouvrir l'esprit
Coquille cathédrale
À l'impatience vraie
Alors que se tenait
À califourchon sur la clide
La folie du monde
En son extrême lenteur
Dépliée le temps d'écrire
Sur la pierre
Quelques mots d'amour
Avant le rendez-vous
Sans se presser comme un dimanche.
Joie et chaleur
D'une journée à tire-d'aile
Se sont joints les poussins de l'âme
Rendus visiblesPar les deux aiguilles de l'horloge
Dandinement de la poule rousse
Élevée hors abîme
Un brin d'herbe au travers du bec
Juste retour à la source
Le cœur léger
La main tendue
Pour le grain à la volée
En riant
Devant le paillou vidé
Poches trouées
Sous l'ombre descendue du frêne.
1349