Par ricochets
Sur l'onde amère
La pierre plate règle ses comptes
Avec le sec de la berge.
Elle saute, âme bleue
Entre les roseaux et lentilles d'eau
Du passage étroit
Vers l'hémisphère sud.
Il y a là
La joie et la peine
Mais surtout le désir de partir
De l'autre côté des mers.
Entendez-vous le sifflement
Des vipères mes sœurs
Au nœud approprié dans la murette
Sitôt coup de bêche donné.
Mégalithe enceint des brumes
De la Bretagne d'origine
Quand la cérémonie convoqua
La tristesse après les bombardements.
A cela ne tienne
En suivant la corniche
Il y eut cette grappe de chauve-souris
Grinçant dans la pénombre.
A ne plus revenir dans la maison des origines
Tant le linge sur le fil des souvenirsSoutenus par la pince de bois
Clignait de son œil unique.
En échos au passage des bêtes
Les sabots ferrés sonnaient sur les pierres de la cour
Pendant que le chien aboyait en évitant les coups
Devant l'entrée de l'écurie.
Yvette est là
Se mêlant à la feuillée
Habits déposés sur la patère de l'entrée
Quand le vent chante sous la porte.
Une unique lumière
Une ampoule nue
Se balance dans la pénombre
De la chambre chaude et odorante.
Puis le monopode à la ceintureAller de bête en bête
Attacher leurs queues à une jambe
D'une lanière de cuir souple et poisseuse.
Le lait giclera dru dans le seau
La tête posée contre la cuisse de la vache
A se laisser bercer au doux bruit du lait
Par les doigts agiles trayant le pis.
A demi endormi
Dans le souffle des animaux
Se laisser aller à la question du pourquoi et du commentJ'en suis là de ma vie.
Je m'appelle Pierrot
N'ai pas peur du taureau
Et bientôt prendrai le bateau
Pour aller au zoo.
934
Cette imagination Ourdie de perceptions Et d'appréhensions des choses Qui n'ont de corollaire qu'avec le monde vivant.
Cette faculté de voyance En forme d'intuition Un plongeon dans le royaume des causes Cette faculté d'intra-observation.
Se cristallise l'in-commencé De la projection d'un film sans lanterne Mais que l'horloge du temps fait tourner Par la magie neuronale.
Une butte piquetée d'essences arbustives Fait sienne sa propension D'être là entre nuages et prairie Sans imaginer la sortie.
Un bubon jadis de roches rouges puis noires Recouvert de verdure Étendue virevoltante sous une saute de vent Terre féconde des fumerolles du grand soir
Arrimés aux larmes remontantes D'une bascule dans le matin des magiciens La surprise fût grande d'être propriétaire de ses gênes Enchevêtrés à nous tels de gros bébés.
Il y en a sous la semelle Disaient les courtiers du voyage Et plus on baisse l'abat-jour Plus le décor devient de corps et d'esprit imprégné.
Le gros tuyau des amenés Parvint alors à essaimer Pierres, plantes, eaux et mystère Dans l'air sulfureux d'un théâtre d'ombres.
En coulisse les peignoirs sont ôtés Apparaît le deux de couple Tête contre clavicule Du dentifrice dégoulinant à portée des mouches.
" Oui monsieur, être capable d'aimer C'est lui offrir un chien Ou une verdure à garnir le jardin ! " ( Avec un calme nouveau et inconnu dans la poitrine )
" Nye, allons nous promener dans les bois Au gré des chemins de traverse Et si le loup se montre Dansons la carmagnole ".
Regardons-nous Dans l'intensité des vibrations L'expression de nos visages Aux bosses et fossés inscrits.
Ainsi posé en arche sur les grands fleuves de la vie L'homme s'échappe de l'Actuel Pense dans l'Immanent Et cherche à dégager la vérité hors éphémère.
Nos couches d'aïeux sont à écrémer Pour se nourrir du passé Comme fouiller dans le tréfonds de soi Le plein air de la casse abrupte.
Ça commence comme ça
Et ça finit comme ci
Au porté frais des nuages pompon
Que le bon ton
Fait éclipse
Au profond de l'univers.
L'oiseau vole
Je m'envole
Sans m'en vouloir
De retirer à hue et à dia
Quelques galets
De la plage aux mots de trop.
Plus bas que terre
Il y a ce regard
En investiture de soi
Telle une tarière creusant gazon
Sous le gazouillis fricassé
Des moineaux du violon.
Y'a de l'eau
De l'eau en bas de la photo
Car c'est une photo maritime
Qu'aurait payé sa dîme
Avant de montrer son passe-sanitaire
Aux reclus de la terre.
Et les mouettes passementières
De s'en donner à cœur joie
Filant sur le trait de côte
En permission du qu'en dira-t-on
A l'instinct
Sans que le bas blesse.
Des mouettes
Comme des yeux dans le langage
Bruyante ménagerie
D'un brassage atmosphérique
En féerie continue
Sur notre terre énigmatique.
L'énergie circule
Construite et déconstruite.
L'énergie circule
Duelle et réalisée
Dans sa complétude affrontée.
L'énergie empoigne le devenir de l'homme
D'une présence aux extrêmes rejoints.
L'énergie nous fait naître et grandir
Elle décide l'engagement
Et exige l'accomplissement
En vide et en dessein.
932
Les plaies
A demeure
Ouvertes au fracas
Du passage de la micheline
Que les pèlerins accueillent
Une fleur de bleuet à la main.
A quai
Les valises posées
Un regard vers les poutrelles
Révèle l'oisillon pépiant
A qui mieux mieux
Dans le frais du matin.
Figure
Au Guinness des outrances
Cette étrange rencontre
De l'homme en bure blanche
Que l'attente
Devait transformer en ange.
Les petits lapins
Écrasés par le destin
Ont crié leur fin de vie
Dans l'herbe grasse
De la méconnaissance
Des suites à donner aux instincts.
Tout cela était vain
For l'avidité de posséder
Ce plaisir de pacotille
Tendu comme l'arc
Jusque dans les soupentes
D'un grenier aux poutres vermoulues.
Borduré jusqu'à l'excès
Le chemin du printemps
Aux pissenlits jaillissants
Déposait en son milieu
La viscosité des souvenirs épars
D'un épanchement de circonstance.
Ivre de soleil
En ascension d'explosion de soi
A la mesure sans mesure
Le toit pouvait s'effondrer
Avec tant de parures à l'intérieur
Que la vie semblait belle.
Et si appropriée
Que l'oubli en un coup de chiffon
Effaça jusqu'à la frêle denture
Des attendus de l'exploit
D'avoir été l'enfant à la main tendue
Que l'Aube seule pouvait saisir.
931
Arrangement floral
De bourses chaudes
Et duvet printanier
En lisière du sous-bois
L’Énergumène sortit de sa musette musardière
Une tirade au raz menu d'un cœur immense
A la légèreté qui nous sauve :
" Oblongue est le désir
de ma guitare
et m'en remets au temps qui passe
charmante forme
auprès prendre refuge
en vérité de sensation
à la sagesse immémorielle
point de libération de la vie pure. "
S'en furent les farfadets
Le long des mousses doucesQuérir l'amertume d'une boisson
Aux plumes grises d'un oisillon.
Miam miam
Gloup gloup
En vélo ou en moto
Avec des câlins pour le matin
Fourrer la voie lactée
Dans son bol de lait
Est chose facilePour migraine sans faux-cils.
930
Une seule pensée d'amour
En guise de bonheur
Et puis l'espace s'étendre
Aussi loin qu'être libre
Porte ouverte
Sur la vallée des arbres en fête
Décrire par le récit de notre vie
La suite des bontés
Cette assignationÀvoir vrai.
La soif et la faim
Plissaient nos ventres
Plus étranges encore
Que ces chouettes effarées
Clouées sur la porte des granges
Alors que scintillait dans la flamme des lampes
Cette offrande admise
Au mépris d'une patience convenue
Qu'aucune armure ne pouvait recouvrir
Sans offenser les promesses d'antan.
D'un claquement des doigts
De blanches voiles recouvrirent d'incrustations
La partie brûlée du champ de mars
Pendant que passaient les cygnes à la voix métallique
A contrario de la vision soutenue
D'une forêt à perte de vue
Échancrée de clairières
Aux puissants feux élevésEn respect de ceux qui nous gouvernent
Les grands hommes de l'Eveil.
929
Un regard Pour décrire l'âme de ce regard enchantement simple promu par un vide essentiel aléa de l'existence Tout en prières.
Toucher du doigt La voûte céleste Adombre le récit En décoction de cette nuit soyeuse De l'absence à la présence D'une lune parfaite.
En plein vent Il se peut Qu'aller plus loin Dénote la réouverture de la plaie Dans ce cercle d'air et de songes Qui ne nous quitte pas.
Au hasard Mais bien là Le regard manie l'éternité Pour faire régner silence Au pied des souvenirs Sans aller plus loin.
Un regard Qui me prend tout De l'automne à l'été Un geste qu'il a fallu extraire De la gangue des faussetés Mes sœurs pestiférées.
En éternité C'est toujours comme ça On se console comme on peut Dans la perspective Que la petite main de l'amour Veuille déposer le nacre d'un sourire.
Mille événements seront passés De luttes au dégoût, à l'insolence même Pour qu'en bas de page Il soit le signe de l'extase D'une aurore boréale Toute voile dehors.
Entre le monde et l'âme Deux foudres inconciliables J'ai fait le choix De ce regard Fixant claire et chantante vie Le ravissement de l'écrit.
Il n'est de pierre qui dise l'avenir
Que visage avenant sur fond d'orage
Puis gorgone levée tôt
Pour rejoindre le chef de bord
De cette embarcation
Où reconnus aptes
Au cafouillage des entrées et sorties
D'un camp de transit l'autre
Aller quérir vêtements chauds et nourritureSur l'autel de la croix rouge
Puis couverts de crasse et vociférants
Rendre hommage à ceux qui nous ont fait naître
Pères et Mères aux abois
Plus prompts à courir les bois
Dans l'affolement et le dénuement
Que taupes à tracer leur route
En mutuelle assistance d'entre les deux mondes.
" Reconduisons à la frontière
Ces manants et ces sans-terres "
Qu'ils disaient
Les manieurs de la lame de couteau
Aux cris de : " A moi, à moi, c'est mon ventre qu'il me faut "
Alors que dans les contrées chaudes
Se rassemblaient les détrousseurs
Sur les brûlis de la forêt immémoriale
Chassant par la force les hommes de ces lieux
A coups de fusil et afflux de gaz carbonique
Sans que la conscience émergeSous une pluie de débris venant de l'espace.
Top, top, top !
Faisaient les taupes
Droites dans leurs bottes
Traitant par le mépris
La courbe ascendante des covidés de l'esprit
Pour se prémunir contre l'hiver venant
Et achalander leurs terriers
De quelques gâteries des environs
En circuit court comme de bien entendu.
927
Le petit garçon a disparu
Sans attendre les résultats de l'étape
Qu'Hugo Koblet devait gagner
Cinquante neuf secondes avant Louison Bobet.
Il n'est plus qu'un cadavre
Prospère
Mais un cadavre tout de même
A l'ombre des ifs de Mère-Grand.
Franchir la barrière n'a jamais été son fort
Mais on ne retient pas le poète
Quand l'odeur du fumet levée
Il s'agit de passer le pont.
Il est le filigrane
Emparouillé dans la trame du papier
Car tout est bon au chercheur de l'explicite
Telles paupières closes devant les portes d'airain.
Éternel fugitif
Il prend la cendre pour la neige de Noël
Et si le buisson ardent se consume trop vite
Il renchérit sur la plaie essentielle.
Peut-être que peut-être
Sa vie fût une boule de papier froissé
Consignée en mairie dans le registre des naissances
d'une fine écriture du dix septième siècle.
Peut-être que peut-être
Il finira en beefsteak
A la merci du premier palais de gourmet
aux dents blanchies par l'accoutumance. 926
Ce mutant
A la frontière entre les vivants et les morts
En grande pitié d'être au monde
Cet infirme qui ne vit qu'en images
Ne saisit rien.
La réalité semble lui importer moins que la vérité
Pour devant le souverain rivage
Rejoindre sans trace d'arrogance
La petite fenêtre du fond de la chambre
Marquée d'un ange de Noël.
Là, des douzaines de livres
Couvrent la toile de Jouy de ses murs
En dépossession de soi
Sur la fuite culturelle de sa durée d'homme
Fierté incarnée hors la Présence.
Puis vint la Parole
En simplicité inouïe
D'une ouverture vers la tasse de café
Posée sur la nappe rouge
Tel un rai de lumière au lever du jour.
Couvre-toi de la couverture de survie
Retrouve les formes premières
Les rythmes inhérents aux autres êtres
Réinstalle l'ordre des signes qui fascinent
Sois disposé à l'accueil de l'abîme du mot.
925