S’il téléphonait

Ce matin la fenêtre était ouverte    
Car il croyait pouvoir revenir    
Pour lui parler    
De sa voix faible et douce    
Comme à son habitude.        
 
Il préférait être seul    
Pour réfléchir    
Pour méditer    
Pour rejoindre la source    
Et questionner le passé.        
 
Grande ouverte sur ses projets    
Là derrière la chaise    
Un de ses fils manquait    
Ce qu'il acceptait     
Pour briser ses chaînes.            
 
En rentrant des courses    
Il rangerait ses affaires    
Le lit sera fait    
En ultime recours     
Pour accomplir son destin.        
 
Et si son frère téléphonait    
Ce serait comme avant    
Il partirait à sa rencontre   
Selon la tradition    
Pour être utile.        
 
 
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Frapper à la porte

Sagement assis sur la pierre  
Eugène pensait à Onéguine    
L'homme de la Terre Noble    
Au bourgeon décroché de son arbre.        
 
La Main passa de gauche à droite    
Pour effacer la buée sur la vitre    
Sans prendre garde aux coulures    
Rassemblant l'eau dans la gouliche.        
 
A la faveur de cette année nouvelle    
Forces missives envoyées    
Aux maisonnées connues    
Resserrèrent nos liens.        
 
D'avoir retirée la boîte    
Apporta un peu d'air    
Pour senteurs vermeilles    
Entonner "Vive le vent d'hiver".        
 
Le porteur de clavicule    
Ce génie de l'écriture    
Lorsqu'il traversât la rue    
Fût renversé et mourut sur le champ.         
 
Nous continuions de marcher    
Et les pieds nous faisaient mal    
Nous continuions de travailler     
Et les mains nous faisaient mal.        
 
Nous ne savions pas aimer    
Hormis à l'entrée des cimetières    
Retrouver nos frères et sœurs    
Tête baissée et fleurs jointes.        
 
Cela était un rêve    
Ou plutôt une opportunité    
Pour confirmer notre destinée    
Pleurer et sourire en sortie de scène.        
 
Préparons-nous    
Tous ensemble    
De vivre du puits et de la terre    
Pour répondre à l'Appel.        
 
Sans trop voir clair    
A force de toc-toquer à la porte    
Il se pourrait qu'elle s'ouvre    
Et d'entrer à l'Intérieur serait la Joie.        
 
Les beaux visages de belles personnes    
Nous accueilleraient    
Nous les récipiendaires    
De la communication avec l'Invisible.        
 
 
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Pensée opaline

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D'une tâche opaline    
Ronde molle    
A la tombée du jour   
Coule le temps    
Pareil à cette histoire    
Commencée la veille    
Et qui longtemps contée    
Révéla profonde mémoire.        
 
A ceux qui accomplissent    
Dans un fermoir chargé de sens    
Les moments privilégiés de l'oubli    
A ceux pour qui le contournement des formes brèves    
Fait cadre sur la glace de l'étang     
Les volutes d'un feu sacrificiel     
Marquent du sceau de la contemplation     
Ces phrases-mains de l'âme.        
 
Horizon perpétuel    
Terres noires d'Ukraine    
A l'arrivée des Scythes     
Vous fûtes ceints de la lumière des ancêtres    
Face aux cavales des steppes    
Riches de tourbe et de blé blond    
Alors que se dessinait    
Notre visage au profond des nuages.        
 
 ( D'après une œuvre plastique de Jean-Claude Guerrero )

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Un enfant t’embrasse

Un enfant t'embrasse    
Du temps revenu    
La pulpe est douce    
A qui se souvient.          
 
Un enfant t'embrasse    
Fleur d'année au ressaut assuré    
Me met à l'ouvrage    
De mon âge avancé.        
 
Un enfant t'embrasse    
Vienne et passe le vent    
Au dessus de la plaine    
Jonchée d'hommes à pleine main ouverte.        
 
Un enfant t'embrasse    
Au carrefour des troènes    
Où montres molles pendent     
Devant le phare d'une lune assoupie.        
 
Un enfant t'embrasse    
Partons d'un pas de presse    
Sur la route qui sans égard    
Corrige la trajectoire.    
 
Un enfant t'embrasse    
Foule la mousse légère    
Sous les pieds nus    
De l'âme recouvrée.        
 
Un enfant t'embrasse    
Feule la hyène sagace    
Sur sa couche de lierre    
Gonflée des ferveurs de l'hiver.         
 
Un enfant t'embrasse    
Le long de la jetée      
Filles et garçons raison gardée    
Rêvent de coquillages en cœur.        
 
Un enfant t'embrasse    
Avec le temps on va on vient    
On oublie ce qui fait mal    
Et ouvrons les persiennes.        
 
Un enfant t'embrasse    
Passe passe passera    
D'abord y'a l'aîné soufflant la brume    
De ses chants de Noël.        
 
Un enfant t'embrasse    
Les cheveux blancs surgissent    
Les mains tremblent    
Le chat sur les genoux.        
 
Un enfant t'embrasse    
Au verso de la musique    
De silence accompagnée    
Monte l'appel du dernier saut.                
 
Un enfant t'embrasse    
Et puis rien    
Juste la solitude     
Sous le gui de l'accueil.        
 
Un enfant t'embrasse    
Femme aux mains de tiges rêches    
Fasse la danse en bel équipage    
Donner pleine mesure à tendresse venue.        
 
Un enfant t'embrasse    
Barbe de lin drue    
Cheveux en broussaille libérés de la tonte    
Le visage buriné accueille le reflet de sa jeunesse.        
 
Un enfant t'embrasse    
Droit descendu de Montmartre    
Le poulbot des batailles    
Gratte les pavés lustrés de la Commune.        
 
Un enfant t'embrasse    
Filoche des brassées de nuages    
Jusqu'aux passerelles du ciel    
Le soleil accompagne nos rêves.        
 
 
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