La route blanche

La route blanche   
Entre les parois   
À l'intérieur de soi   
Dans un corps atomisé   
Parfois le désir d'une étreinte.      
 
Ce goût épicé   
De la tisane   
Comme celui du mot   
Cette saveur souterraine   
Dont on ne sait pas faire grand'chose.      
 
Et de recommencer   
D'errer   
D'avoir le droit de se tromper   
Devant la tentation de vivre   
Assis sur un banc de pierre.      
 
La route blanche   
Jusqu'à la vallée blanche   
Recouverte de moraines arrachées à ses flancs   
Sans que se grippent les articulations   
Dans l'émergence à la solitude.      
 
L'enfant le bel enfant   
Lové en son sein   
Par la lumière tamisée   
De l'arbre tremblant   
Devant l'avalanche.      
 
S'approcher   
Coûte que coûte   
Sachant que la parole   
Mènera l'ombre de l'autre voie   
Jusqu'à l'apparition de son destin.    
 
1318

The madwoman of the house

La folle du logis   
Je l'attends   
Je l'entends   
Je l'accueille   
Aux marches du palais.      
 
Et que nenni   
Cette surveillance policière   
Abondée par la raison   
Aux hortensias   
De la contemplation.      
 
Laissez passer   
Les oiseaux les enfants et le vent   
Effluves empanachées de liberté   
Par soucis de desserrer les freins   
De l'exploitation.      
 
Suffit de témoigner   
Que nous sommes en mission   
Les ayant-droits de la gentillesse   
Faisant feuilles sèches   
De nos pas glissés.      
 
Partir serait de mise   
Mais pas avant d'avoir ouvert quelques rigoles   
Où épancher les plaies de l'esprit   
Ce je ne sais quoi   
De l'enfant délicieux.      
 
Le voyage sera gai   
Par la rêverie et l'impromptu   
Que nous rencontrerons dans les arcanes de la grâce   
À ouvrir les bras et le cœur aux sourires 
Devant nos sacs de larmes.      
 
Et de palper le mystère   
D'une humaine gestuelle   
Par le contact avec l'expédition même   
La départie de tous buts   
La liminaire de ce qui est.      
 
Entre ciel et terre   
Une effusion me transporte   
De forêts en vallons   
De palais en simples maisons   
Jusqu'à l'écoute du doux et de l'inspiré.      
 
De chair, d'os, de voix, de sang   
Nous avons pris corps   
De par les collines ensauvagées   
De la contre preuve   
Cette énergie rayonnante.      
 
Il est là   
Sans témoignage   
En échos du cosmos   
À mille lieues d'un prosélytisme historique   
Aux marches de la fraternité humaine.      
 
Regarder l'autre comme un frère   
Faire taire les armes de destruction   
Saisir le pas des chamois en tombée de nuit   
Éteindre la lanterne   
Être l'aube nouvelle.      
 
Il a été   
Il sera   
Le fruit gouleyant   
Au parfum musqué capiteux   
La dernière exhalaison d'épices et d'ambre mêlés.      
 
1317

Twirls of opportunities

Virevolte des occasions   
À la pointe du Raz   
Ai remonté le casier des homards
Pour devenir humain.      
 
Et de s'entretenir   
Sur la table d'opération   
De l'entrelacs des contusions   
Que le suroît recouvrait de varechs.      
 
Éveil métonymique des flammes   
Là-bas où demeuraient   
Les jours par la fenêtre des embruns   
Au grand dam des étoiles filantes.      
 
Recherche du langage   
Sous les brumes d'avenir   
Au centimètre près   
D'un crâne bien à soi.      
 
Avons quitté la maison   
De bonne foi   
Avec valises et fracas   
Sans avoir broder ses initiales.      
 
De couper avec ça   
Ne fût pas chose facile   
Comme de recevoir une inspiration   
Et l'exprimer sans ordre.      
   
1315

J’ai clos mes mots

J'ai clos mes mots   
Dans la pâture d'en bas   
Près de l'arbre roi   
En menant par le sentier de l'amante   
Mes pas vers l'aube   
Sans réponse   
Sans lever le moindre haïku   
Sans que le coup de vent ébouriffe la particule   
À la mesure des traces   
Laissées à contre-champ de la voie   
Pour que le jour advienne   
Telles sauterelles de l'esprit   
Par delà la pente des andins   
Et que monte le regard   
Vers la cime des grands pins   
Figés dans un ciel laiteux   
Échos des moutons   
Cliquetant de la clochette   
Parure floconneuse offerte à l'herbe rase   
L'infini faisant halte   
En toute rigueur   
Sans emprisonner ce qu'il dit   
Sans même transmettre par la pensée   
Le moindre objet de cette pensée.      
 
1314

Here later

Ici   
Plus tard   
En fin de journée   
Au sein du silence   
Ces mots justes   
Sortis de l'ombre   
Pour remonter la voie   
À bout de bras   
Vers la mezzanine   
Où poser sur la table basse   
Les heures lasses   
De la journée   
À guetter le Mont Blanc   
Entre les nuages   
Afin qu'un temps   
Je me souvienne   
Qu'à Crest-Volland   
Il y avait l'enfant.      
 
1313

This surprised look

Suddenly
This surprised look
In the bends of Villard
A thoughtful moment of inattention
Between the bread oven and the small bridge
Like sudden rain
Neither too strong nor persistent
In the summer when everything clears up
With from branch to branch
Guinguette garlands
Suitable for the great feast
Colorful eyes
Globulating the dance of the moths
When the jay crosses the meadow
From its diving flight
Without a cry
Just a comma on the blank page
Immemorial approach
From a past full of flowers
To be placed in the urn
Previously emptied near the big oak
A Monday when everything was said
At the end of the table
The night is silent
Before marrying your flaw.

1312

A meal for two

A meal for two   
A real   
Not at a discount   
With fries and beef   
It's taken between friends   
To a saxophone tune   
In a good restaurant   
Between the ice cream man   
And the smile of the farmer   
Without the horses' hooves   
Don't bang too much on the pavement   
So that we can understand each other a little   
To tell us   
What life has been    
And that the paths taken   
For ages   
At the saloon door   
When the desert wind blew   
Rolling his balls of dry thorns   
What amused the children                         
From hypothetical encounters   
By the law of a better elsewhere   
Along the waves of the old ocean    
Magic wandering   
From our experiences as fathers   
Riding on the hazel of dreams   
Running big train   
Into the unknown   
Walking syndrome or puncture   
Fragile pitfall   
To hold on to   
Door open to rites of passage   
And all this for real   
A meal for two   
Not at a discount   
With fries and beef   
Who is taken among friends   
To a samba tune   
This time.      
 
1311

A train is coming

A train is coming   
Like rain in the night
Of remarkable intelligence
The curly of screaming metal
Making all literature his own.

The lights flicker
Mouth full of marshmallows
In weary waves
Deporting towards the coast
The remains of the stranding.

You will be
You will not be
The injunctions pile up
Driftwood drifts
Before engulfment.

At the end
At the edge of the platform
A large vine allows connection
From the known to the unknown
Source d
'carelessness.

And to meet
In the sacred cave
Light scents
From all sides granted
Masters of mystery.

Inaccessible evidence
Demonstration revealed
New areas of Reality
The procession of the cronies
Making the shadows of lethe his own.

1310


People of the victims

People of the victims   
With a raised fist   
Shadow Fighters   
I extend my hand to you   
At alarm time.      
 
I wrap a firm arm around   
Rags and velvets   
In protection   
High-sounding theories   
Domination by the Other.      
 
On the banks of an oriental river   
I collect the sediments from La Relève   
For a trifle of a moment   
Rebelling in the face of the flow of emotion   
And the bags of'heroin.      
 
Isthmus of the hand   
Irrigated by the blood of the righteous   
I know that behind the wall   
There is the mineral rose   
Mayakovsky's rose.      
 
In the darkest of the night   
The child will be conceived   
In the discomfort of a makeshift bed   
Shot wisely   
Outside of affiliations and beliefs.      
 
By the dissolution of body and mind   
Across borders   
The poet emits and transmits   
The mind at the service of the path   
Double as good.       
 
( Drawing by Jean-Claude Guerrero )
 
1309

La présence à ce qui s'advient