All posts by Gael GERARD

Le Vieux

Parcheminé par l'ombre
Le Vieux du bord du chemin
Stagne sous le suint et le crêpi
Que les amants du moment
Ont déposé en quête de l'âme.

Tiède pluie ruisselante
Emolliente comme tisane
Le sombre vermiculé de sa peau
S’enhardit à montrer ses blessures
Au courant d’air d’un vent turelure.

Le djinn des origines est de sortie
D’un déhanchement féminin
Il s’est extrait à petits mots de poésie
Du vert foncé compatissant
À grand renfort d’un ciel d’ardoises.

Le lichen l’adoube
Aux marches d’une profonde faille
Exhalant l’impeccable cartographie
De lourds nuages baltiques
Ensemencés de cernes jaunies.

Le rugueux soulève ses croutes
Au passage de la main
Écervelée assignation
Sortie des douves noires du castel
Fixant à cru l’ultime dévotion.

Reste à hauteur d’yeux
Quelque fatigue poussiéreuse
Contemplant à la fraîche
D’un matin de convergence avec le temps perdu
La prégnance des aubes à venir.

Les cellules en excursion roborative
S’accouplent à portée des ravines
D’où monte le chant pusillanime
D’un magma globuleux
Bien au-delà de la terre noire des labours.

Brume légère filant quenouille
Aux arbres de la haie
Caresse passementière
Portant dentelles et guipures
Pour la Belle des bois.

Viscères battant mesure
Au sortir de la Grand Roue
La tête penchée sur le tronc
J’ai ouï le son mélodieux
D’être amoureux.

1453

Le lierre à la fenêtre

Même en plein jour
J’ouvre et me ferme
Dans la zone interdite
Sur le mur que le lierre étouffe
Pour qu’à grandes lampées
Être l’artiste
Du craquement des feuilles chauffées à blanc.

Une odeur de cave
Monte du sol caillouteux
Au vertige des verdures
Broutées par la guillotine
De bleu parée
Apte à tresser couronne de laurier
Prompte à fleurer bon la fleur de farine.

Un trait de Mélusine
Calfeutre le bas de la paroi
Comme vole la poussière dans l’arène
Au sortir des frisures d’une clameur
Abat-sons permettant
La juste flexion
D’une fureur tarie en proie à la déraison.

Les claquettes métronomiques
Caressent d’un hochement de menton
La marche primevère
Des ombres et lumières
Au pion et trait
Du devoir accompli
Dans la couche d'une marquise acidulée.

Peut-être s’est-il usé
Le fermoir de la boite
Cliquetant avec élégance
D’une position l’autre
Lorsqu’à grands bruits
Claque le volet contre le mur
Devant l’œil surréel de l’enfant ébahi.

Puissions-nous en fin d’été
Clore cette partie de chat perché
En remettant à demain
La poussée de vitalité
Heurtant la limite des convenances
Pour enivrer de picots de pluie
Le huileux d'un feuillage sous l'orage.

1452

Se joignent se disjoignent

Se joignent se disjoignent
Les accolades du soir
Dans le noir profond
Porte cochère ouverte
Sur l’avenir sentinelle.

Âme éternelle
Si jolie si menue
D’un arc-en-ciel l’autre
Callée entre les ridelles du char
Parmi les odeurs de foin coupé.

Naissance rêche
De l’enfant qui suivit
Calembredaine des bleuets
Au rythme des ornières
Dans la gaité nue du matin.

Hic cecidit
En caresse d’être
Ce fût le temps des étreintes lentes
Contre les paillous de blé
À l’odeur craquante du pain sortant du four.

Poursuite haletante
S’achevant au carré princier
Sans hâte sans lendemain
Dans un présent tranquille
Plaisant et coi.

Écarquillant les yeux
D’une fine dentelle
Au poudroiement d’argile
Elle vint armée d’une gaie ferblanterie
Jusqu’aux portes du paradis.

1451

Mille coups de griffe

Mille coups de griffe
Ont élargi le ciel
Jusqu’à couvrir de mucus
Les spasmes de la naissance.

Ouvrons les bras
Cueillons les fruits
Amassons dans les greniers la paille et le grain
Perpétuons le clinquant des offrandes.

À fleur d’eau
Au rythme des orages
À la cognée des arbres que l’on abat
Émergeons de la Misère.

Soyons l’impact
Des nuits que l’aube interpelle
Soyons de mise
Pour le jour d’après.

L’amertume 
A reflué sur le devant de nos maisons
Comblement à mains nues
De l’apport de nos ancêtres

À point nommé
Les fleurs couvrent de leurs pétales d’argent
La commissure des nuages
Filtrant le vide comme fanons de baleine.

De mener à bien l’âme saisie
Amène à éviter les chausse-trapes de l’Avent
Réponse permise au contact de la Roue
Fragile éclosion des crosses de lumière.

À fréquenter la nuit
Conduit au Retournement de l’Être
Point d’accès au travail intérieur
Cadrant le débordement de l’ombre.

Plissement au suroît
De la conscience admise
Chaude et humide
Permettant la tenue des offices.

Parodie de la réalité
Profonde en ses attentes
Brise-lames sur le pourtour
Pour les mâchoires du Vieil Océan.

À la guignolade d’une fête aboutie
Bras et jambes à demi ployés
Les mains avec confiance
Saisissent la Geste de l’Histoire à rejoindre.

En attraction et sans subterfuges
Ne quittons pas le sol
Genoux en terre
Gouttons le champignon roux de l'interstellaire.

1450

Mon ami mon frère

Mon ami mon frère
Flèche rougie au creux de l’épaule
Venant déposer sur la margelle du puits
Le souvenir des nuits bleuies
Vous vous êtes arrêté 
D’un dérapage contrôlé sur la route en terre battue
Aux portes de l’oubli
Près du saule fourchu
Devant la maison du sans-soucis.

Me parviennent les frissons
D’une lignée dépouillée
De ceux qui compagnons de toujours
Disparaissaient vieillesse venue
Comme le dernier son
De la cognée de l’aïeul
Abattant le peuplier de l’Aspavoune
Sous les cris et bravos
Des enfants de toujours.

Au pied de l’arbre
Un trou fermé par le caillou advenu
Par lequel accéder au royaume des djinns
Éclat de mystère faisant jaillir
Entre les carrés potagers
Travaillés par Jean et Grand-père
La fraise et la menthe
Des festins pris en bonne compagnie
Que les cloches de Saint-Lambert 
Bénissaient au vent de la planèze.    

Sur la pierre carrée devant la fenêtre
Où discourir après repas
Nous prîmes le séjour pour une éternité
Alors qu’ondoyaient les blés
Sous le souffle chaud de l’été
Prélude d’un déplacement pour plus de confort encore
Assis ou allongés
Contre le mur de pierres sèches
À l’ombre de la toile de tente.

1449

L’Avenir est un mystère

Accidentellement
Une entité terrifiante s’était prononcée
À rendre témoignage de servitude
Au-delà de l’autre versant
Du talus des certitudes.

Le piège était tendu
En guise d’ingratitude
Entre les mots « maître » et « esclave »
Tout ça pour aborder
La grande glissade en spirale.

Firent contagion entre ciel et terre
Les herbes accolées à la Roue
Pour s’élançant hors horizon
Tapoter de leurs dix doigts
La coquille du mental ergoteur.

Détruire
Ce soir est la remise des prix
Où pieds nus secourir madame La Philosophe
En martelant d’un regard furibond
La pente et le dévers qui suivra .

Je prends ta main
Pour du bon pain
Et me remets dans le droit chemin
Blotti que je suis contre ta poitrine
Douce et tendre déflagration de l’étreinte éternelle.

Ça siffle sur les ondes
Le vent crache ses bouffées d’oxygène
L’Avenir est un mystère
Où fabriquer de la gloire
Tel Esprit porteur d’épidémie.

1448

Changer de corps à sa guise

Changer de corps à sa guise
Faire remue-ménage de ses origines
Pour fragile brindille de lune
Perchée au pinacle de l’enfance
Franchir le miroir des affidés.

Il n’est plus
Il sera
Sans se soucier du passage du temps
Tout en gardant ses oiseaux en vie
Lui le prince-poète.

À grands pas le futur se rapproche
De l’inconnu terrifiant
En la spirale de nuées ardentes
Prompte à engager flèches d’argent
Au tourniquet des libertés.

Viens et me dis
Récit incompatible
Tout là-haut
Sans heurter les étoiles
Au milieu de la foule.

À l’aveuglette
Sur ses flancs arrondis
Montaient les hommes en besoin d’affection
Alors qu’émergeait à des millénaires de là
Le Vivant endormi de la Poésie.

Sans se plaindre
À mi-pente de l’ascension
Il fût bienséant d’attendre la foudre
Et son claquement sec de la langue
Pour saupoudrer de blanc les rêves de la nuit.

1447

Six heures quinze

Six heures quinze
De la clarté dans le sombre du ciel
Les prémices, la proche présence du feu de Dieu
Puissance
Calme
Le cœur bat
Chamade douce
Aspiré par la lumière
Élevée.

Guetter
Prêt à la lecture du grand Tout
Et de ses signes au-dessus de l’horizon
La barrière des nuages
Surmontée d’un trait de clarté
L’espace bien dégagé qui élargit le cœur
Vastitude du ciel et du cœur
Le cœur c’est le ciel
Je suis de là-haut
Je suis de là-bas.

Quelques tâches rougeâtres
À l’emplacement de la future venue
Se mettre à l’unisson
Élargir les bras
Creuser le ventre
Prêt à recevoir la clarté.

De petits homoncules traversent la rue
Quelques uns courent
D’autres laissent passer les véhicules.

La plage du ciel propice à l’accueil est large
Une grosse larve de nuages progresse de gauche à droite
Un larve annelée qui grossit grossit
À droite, calme et serein, le ciel attend
Au dessus de la larve, l’immense vide
Un halot orangé clair monte à l’horizon
Ça vient
Rien ne m’appartient
Et pourtant je suis bien là
Au plus prêt de ce qui est.

Un pigeon se pose sur le lampadaire
Il repart.

Le triangle pubien clair de clair
Fente fine et profonde au centre de la matière
Juste entrevue
Les larges cuisses refermant l’ouverture.

Le mirliton des teintes douces
S’essaye à quelques touches pastelles.

Les membres se déplient
Un coude
L’attache avec le cou
Un muscle rond
Le sein à l’aréole affirmée
La déesse dans un lent élan se farde devant l’enclume
La liberté guidant le peuple
Les musiciens rejoignent leurs places
Un premier son s’élève
Puis d’autres en désordre
Les musiciens se cherchent
Sur l’os de seiche de la philharmonie
De la gauche vers la droite en avant toute
Les cuirs et les anneaux se tendent
Le convoi se met en marche
Là, un linge blanc
L’ourlet avec le rien
Le crémeux de tes yeux
L’oiseau de la rambarde s’est envolé
Le frein retient la turgescence
Coquille des espaces.
Sept heures quinze.

Faut-il qu’il m’en souvienne
L’amour venait après la peine.

Les premiers rayons jaillissent
À l’horizontale
La bedaine des nuages s’éclaircit
Déchirure
Vagissement muet de l’aube
Les rayons balaient le dessous des nuages.

Un peu d’eau fraîche
À la tienne Soleil !
Pour ne pas retenir l’élan qui luit vers celui qui est.

Plusieurs pigeons se rassemblent sur la rambarde
La tête tournée vers le soleil.

Là
Un pilier 
Une aspiration
Un masque vénitien
Les yeux séparés par un nez acéré.

Il clique
Puis jaillit
Hors les limites bordières
Le disque se démarque de sa gangue.

Il luit
Le regard vers le bas
Ses pinceaux lumineux 
Rencontrent la brume qui monte des vallées.

Le sourcil épais
De l’eau dans la gorge
De l’eau et de la lumière
Bonne journée toi le jour d’aujourd’hui !

Don de lumière
Sur les pylônes de la voie ferrée
Un train entre en lumière.

Il est un temps pour tout
Et les doigts fins de l’infirme d’hier pianotent
Sur le suc de la Vie.

1446



Barcarole à Jouy

Barcarole à Jouy
Devant cette pièce d’eau noire
Le bruit de l’eau sortant du bief
Douche permanente
Provenant de la roue moussue.

La passerelle de bois humide et glissante
À la rambarde inégale et branlante
Jouait avec les reflets de l’eau du gué
Pierres jointives et dorées
Permettant d
e suggérer l’autre rive.

Le feuillage abondant s’inclinait au–dessus de l’eau
Les lumières du soleil constellaient la frondaison
Tout était mouvant et frissonnant
D’éclats scintillants
Féeriques et menaçants.

Match équilibré
Mais entre qui et qui ?
La peur et la beauté
La fascination et la profondeur
J’avais onze ans et entrerai en sixième en septembre.

Grand’mère Danube était allée rejoindre sa sœur
En autocar du parc de La Villette jusqu’à Jouy
Elle nous avait sorti de Paris
Moi et Muriel la fille de tante Guitte
Saint Chrême enchâssé dans son écrin émotionnel.

Muriel avait neuf ou dix ans
Une brunette aux cheveux bouclés
Et aux yeux de jais
Qu’une autre fois j’emmenai promener entre les blés
Le cœur battant en nous tenant la main.

1445

La barque de l’avenir

Grandes et belles bougies
Dans le cadre sombre de la chapelle
Saint Bénigne avait raison
Pas de rapatriement
Avant le couvre-feu d’un bris de vitre.

Puis s’en retourner chez soi
Dans le blizzard
À grandes enjambées
En évitant les plaques de glace
Sans attirer l’attention du plus offrant.

Les chiens pouvaient se disputer
L’os à moelle des convenances
L’un d’eux s’échappera
Du corps à corps insipide des efforts
Pour soigner le mal par l’incartade du soi.

Pierre à feu
Feu du fer contre le mur
J’entends le creux des flammes
Se rebeller contre le tisonnier de mon enfance
À fleurir la barque des jours.

1444