Архив категориясы: Жыл 2013

aimer, oui mais pour de bon

Il y atrois modes initiatiques de la rencontre permettant l’amour .

Le meilleur estun vide soudain de l’âme dans lequel les images disparaissent, les idées et les paroles se taisent, la liberté et la clarté s’ouvrent subitement en nous de telle sorte que tout notre être est saisi. Tout devient prodigieux, profond, évident dans ce qu’il y a de distant et d’infiniment incompréhensible. Ce contact est pur souffle d’intelligence .

Une voie plus ordinaire traverse le désert dans lequel, bien que nous ne puissions rien voir, rien comprendre, rien sentir, sinon une sorte de souffrance et d’angoisse, nous sommes attirés et demeurons dans cette obscurité et cette aridité parce que c’est là seulement que nous trouvons un peu de stabilité et de paix. A mesure que nous progressons, nous apprenons à nous reposer dans cette aride quiétude, et l’assurance apaisante d’une présence réconfortante et puissante au coeur de cette expérience s’accroit de plus en plus. Se révèle dans une lumière qui est pénible pour notre nature et toutes ses facultés en marche d’être, l’attrait difficilement soutenable à devenir bien plus que ce que nous semblons être. Nous sommes alors dépassé infiniment et la pureté de cet attrait entre en conflit avec notre égoïsme, notre aveuglement et notre imperfection .

Et puis il y a la voie de la tranquillité remplie de saveur, de repos et de douceur dans laquelle, sans qu’il n’y est rien qui satisfasse particulièrement les sens, l’imagination et l’intelligence, la volonté se repose dans une profonde, lumineuse et absorbante expérience d’amour .

C’est alors que se dresse devant soi la Personne, ce support, cette âme-sœur, ce miroir, cette altérité, cette extraction hors de sa propre image, cette exigence à la ressemblance, ce par quoi j’existe dans la rencontre, ce par quoi je peux me noyer et ce par quoi je peux aussi être révélé. Faites vos jeux, faites votreje”, nécessairement dans la relation à l’autre, en essayant toutefois de ne pas trop vous attacher à l’autre .

158

la solitude ça s’apprend

   La solitude physique, le silence extérieur et le recueillement véritable sont indispensables à ceux qui veulent mener une vie en conscience. mais comme beaucoup de choses en ce monde ce ne sont que des moyens en vue d’atteindre une fin, et si nous ne visualisons pas la fin nous ferons un mauvais usage des moyens .

Ce n’est pas pour fuir les hommes, que nous nous retirons dans le désert mais pour mieux voir le monde dans lequel nous sommes et chercher le moyen d’être plus utile. Certains qui n’ont jamais connu la véritable solitude pourront affirmer sans hésiter que la solitude du coeur est la seule qui compte et que l’autre, la solitude extérieure, importe peu. Or ces deux solitudes ne sont pas incompatibles. L’une peut conduire à l’autre .

La solitude la plus réelle n’est pas extérieure à nous, ce n’est pas l’absence de bruit ou l’absence d’être autour de nous ; c’est un abîme qui s’ouvre au fond de notre âme, un besoin de nourriture qui jamais ne peut être rassasié. Une seule voie conduit à la solitude, celle de la faim, de la soif, de la douleur, de la vulnérabilité et du désir, et l’homme qui a trouvé la solitude se retrouve vide, comme s’il était vidé par la mort. Il a dépassé les horizons, il ne lui reste plus de chemin à prendre. Il se trouve dans un pays où le centre est partout et la circonférence nulle part. Il ne voyage plus car c’est en demeurant immobile qu’on découvre ce pays .

Et c’est là, dans cette solitude, que commencent les activités les plus fécondes. C’est là qu’on apprend à travailler dans le relâchement, à accroître sa vision, à voir dans les ténèbres et à trouver, au-delà du désir, une porte qui s’ouvre sur l’infini .

Matériellement, des conditions sont nécessaires. Il faut avoir un endroit, dans la nature ou dans un local avec une pièce où personne ne pourra nous trouver, nous déranger ou simplement nous remarquer. Il faut pouvoir nous détacher du monde pour être vraiment de ce monde. Nous devons nous libérer en dénouant les liens tendus et ténus qui nous attachent par la vue, l’ouïe, l’odorat, les ressentis, la pensée à la présence des hommes. Et quand un tel endroit est trouvé, soyons satisfait mais ne nous troublons pas si nous sommes obligés de le quitter pour une bonne raison. Aimons cet endroit, retournons-y dès que possible et n’en changeons pas pour la moindre peccadille. Et dans cet endroit, respirons tranquillement, naturellement, sans précipitation, afin que notre esprit puisse se reposer, oublier ses soucis, plonger dans le silence et le secret de toutes choses .

Certains hommes évoquant la solitude intérieure pensent qu’il est possible de vivre au milieu du monde et de sa confusion. Ils admettent que la solitude extérieure est bonne en théorie, mais affirment qu’il vaut mieux sauvegarder la solitude intérieure tout en vivant avec les autres. De fait leur vie est dévorée par des activités et étranglée par des attachements de toutes sortes. Ils craignent la solitude intérieure et font tout ce qu’ils peuvent pour y échapper. Et ce qui est le plus grave, est qu’ils essayent d’entraîner les autres dans des activités aussi vaines et dévorantes que les leurs. Ce sont de grands serviteurs dela cause”, de grands créateurs de travaux plus ou moins utiles. Ils impriment des programmes, écrivent des lettres, et téléphonent pendant des heures. Ils sont ravis d’organiser des réunions, des banquets, des conférences, des cours et des manifestations. Ils animent et se dépensent sans compter. Ils pourront même réunir un grand nombre de personnes autour du thème de la solitude avec tant de sollicitude que le tumulte, les interpellations et les applaudissements ne pourront qu’écarter l’esprit de solitude de sa justesse indicible .

156

Tradition et révolution

   Il est des traditions humaines qui ont tendance à stagner et à s’altérer. Ce sont celles qui s’attachent à des objets et à des valeurs que le temps détruit impitoyablement. Elles sont liées à des choses contingentes et matériellescoutumes, modes, styles, attitudesqui changent fatalement avec le temps et sont remplacées par d’autres .

Il est aussi des traditions qui sont comme la respiration d’un corps, qui renouvellent la vie en empêchant la stagnation. Elles sont des révoltes calmes et paisibles contre la mort .

Ces traditions pour rester vivantes doivent être révolutionnaires. Elles seront toujours là parce qu’elles refusent les normes et les valeurs auxquelles la pensée humaine s’attache avec ardeur .

A ceux qui aiment l’argent, le plaisir, les honneurs, le pouvoir, cette tradition vivante nous dit de voir l’envers des choses, de chercher le véritable sens de notre vie, la paix de l’âme .

Les révolutions lorsqu’elles ne sont que politiques transforment les choses en apparence. Elles s’effectuent dans la violence. Le pouvoir change de mains, mais quand la fumée se dissipe et qu’on a enterré les morts, la situation est la même qu’auparavant. Une minorité d’hommes forts arrivent au pouvoir et font disparaître les opposants, à des fins personnelles. La cupidité, la cruauté, la débauche, l’ambition, l’avarice et l’hypocrisie sont les mêmes qu’auparavant .

L’alliance d’une tradition vivante et d’une révolution humaniste peut fixer le cap pour un dépliement existentiel respectueux des équilibres fragiles et mouvants dont tout groupe humain a besoin. Cette alliance ne peut être fermée sur des principes archaïques convenus, ni ouverte sur le tout-venant moderniste. Elle doit donner envie de croître, elle doit donner faim à l’esprit du groupe qui traversant la surface des mots devra aller au-delà de ce qu’expriment les mystères, pour dans l’humilité du silence, la solitude intellectuelle et une certaine pauvreté intérieure conjoindre au désirmoteur de notre humaine condition humaine-animale -, l’élan d’une intuition unique, vers une Vérité unique que nous possédons au fond de nous-mêmes et que nous connaissons parfois, par intermittence .

A ce stade de compréhension de cette humaine condition en marche, entre tradition et révolution, l’émergence des profondeurs de la psyché et de l’âme, de traits de lucidité et d’intuition, rencontre l’expérience existentielle dans la nécessaire relation communicante de ce processus de recherche impliquée aux hommes de bonne volonté, à tous les hommes en devenir d’être .

155

жек көрөт

Ал бириктирет бири-бири менен эч кандай жалпылыгы жок жандыктар, ичинде болгон жандыктар өзүнөн же башкалардан качуунун мүмкүн эместиги.

Калууга аргасыз бирге, жек көргөн эркектер менен аялдар аракет кылып жаткан жеринде күйүп бири-бирин кайтаруу. Алардын эң жек көргөнү алардан азыраак башкаларга жек көрүү сезими бар экенин башкалардан көрүңүз аларда эмнени көрүшөт. Бул башкаларга өздөрү жөнөткөн нерсе сүрөттөлүш жана алардын иш-аракеттери жана жаңсоолору аларды жек көрүүгө түртөт. Алар бир туугандарында эмнени жек көрүшөрүн билгиле. Өзүмчүлдүк, көрө албастык, алсыздык, террор, үмүтсүздүк, жек көрүү, бул жаман .

Бул эмес терс нерсе болгон жамандык, тескерисинче, кемчиликсиздиктин жоктугу болушу керек. Жамандык кызыксыз, анткени ал бир нерсенин жоктугу денебизди жана жаныбызды кызыктыра алат, жана ал түшүндү .

Эмне кыла алабыз жаман иштерге азгыруу, бул жаман эмес, бирок ал жактагы жакшылык табуу, бир жакшылык жалган жагынан көрүнүп турат, бурмаланган көз карашта. Жакшы биз ларктарга күзгүдөй көрөбүз, бизди ким жетелейт, бирок ким тузакка жем гана. Анан капкан жабылганда, эч нерсе калган жок жийиркеничтүү караганда, зеригүү же жек көрүү .

Жек көрүүчүлөр чыккынчылыкка толгон дүйнөдө жашашат, d'illusions, манипуляция, жалган жана зеригүү. Жана алар бул зериктирүүнү ызы-чуу менен басууга аракет кылганда, толкундоолор жана зордук-зомбулук, алар ого бетер кызыксыз болуп калышат. Алар дүйнө жана коом үчүн балээ .

154

ак ниеттүүлүк жана момундук

 L’intégrité c’est être soi-même. C’est ne pas se croire obligé de devenir quelqu’un d’autre .

C’est ne pas user son esprit et son corps dans la folle entreprise consistant à vivre les expériences d’un autre, à écrire les poèmes ou à vivre la spiritualité de l’autre. Trop souvent les hommes se hâtent de se donner de l’importance en imitant ce qui a du succès, parce qu’ils sont trop paresseux pour imaginer mieux. Ils veulent un succès rapide et sont si pressés qu’ils ne prennent pas le temps d’être eux-mêmes .

L’intégrité coexiste avec l’humilité. Pour l’homme véritablement humble, les manières d’être, les coutumes et les habitudes des hommes ne sont pas des matières à conflit. L’humilité ne consiste pas à essayer d’être autre, comme si nous savions mieux que quiconque ce que nous sommes et ce que nous devrions être .

Comment pourrons-nous être nous-mêmes si nous menons la vie d’un autre ? Et il en faut du courage pour être simplement soi-même, en cohérence avec notre destin. Aussi l’angoisse que nous pouvons éprouver à maintenir notre équilibre, à être intègre, dans des situations difficiles, à continuer d’être soi-même sans dureté, sans imposer notre fausse personnalité aux fausses personnalités des autres, peut nous apprendre à devenir profondément humbles .

Une des caractéristiques de la personne humble est que les autres ne savent que penser d’elle . Ils se demandent si elle est folle ou simplement orgueilleuse .

L’humilité a pour sœur la solitude, celle des espaces infinis où tout advient, même le report des choses dites et par laquelle tout concourt, en l’aller-venu des conditions de l’esprit, au gré du vent des instincts , des passions et des émerveillements en ruine de sa propre image .

L’intégrité à pour soeur Athéna, l’orgueil d’être homme/femme debout, de tenir la barre, d’être verticale, prête à faire face aux adversités, à la commisération-réflexe, au doute et à l’enflure de soi .

153

художниктин баш кошкондугу жана көркөм чыгарма

   Даана Искусствонун булагы – бул бизди абсолюттук нерсени кабыл алууга мажбурлаган электрдик соккулар. Алар бизди бизди суроого мажбурлоо менен уктап жатканыбызды суроо .

Көрүлгөн сүрөтчүнүн көргөнүн жана басып жатканын таң калууга чакырат. Зат ачып берет анын сырлары жана контакты сабырдуу рухтун ортосунда пайда болот, байкоочу жана сүрөтчүнүн актёру жана өзүн калыптандырууга жол берүү менен колго алынган материал . Сүрөтчү көзгө көрүнгөн нерсеге кирет, сезимтал, чыныгы. Ал аларды өзүнө таандык кылат аларды буюмга айлантпай берген өмүр. Ал туткун бойдон калбайт көрүнүштөр, психикалык ой жүгүртүүнүн каршылыктары жана адаттары. Ал тынымсыз кабылдоо менен чындыкка таң калуу жөндөмүн сактайт табигый жана чыныгы дүйнөнү объективдүү материядан бөлүп турган жарака . Ал эми жаратылуу көрүнүшүнүн артында тартиптин сырын баамдайт жашырылган. Ал искусство илимин аруу рухтун сапаттарынын деңгээлине көтөрөт. the анын илхам салюттары поэтикалык учурду жаратат, күнөөсүз ой жүгүртүү Белгилүү ишенимдердин чегинен тышкары, ошондой эле жолдогу милдеттенме таң калуу .

Суйуучу, le шакирт, par contagion intuitive, адам менен өз ара аракеттенүүнү чагылдырат айлана-чөйрө, адамдар менен ааламдын ортосунда .

Сүрөтчү тарабынан А анын ички дүйнөсүнө жана айлана-чөйрөгө эки жолу байкоо жүргүзүү түбөлүккө жаңыланган поэтикалык форма. Күтүлбөгөн диалог бар, мүмкүн эмес, жаратуучунун ортосунда, жаныбар-адам эт жана аралаш сезим жана маселе. Сүрөтчү болуп калат, башкалыктын жарыгына сүңгүү убактысы дүйнөнүн, аны узарткан нерсенин кулу, аны эмнелер каптап турат аны даңктаган нерсеге караганда. Ал универсалдуу эс болуп чыгат, союз абсолюттук жана анын көрүнүшү жөнүндө ойлонууга мүмкүн эмес. бир кристаллдашуу окуя көмүлгөн чындыктын жарылышын алып келет, ушул учурда көрүнүп турат эмне болуп жаткандыгынын таңы анын сырынын жүрөгүндө турат, жолугушуу сыяктуу жаратылуу көрүнүшүнүн негизинде жашыруун. Издөөсүн улантууда, the сүрөтчүнүн кызыгуусу жана сезимталдыгы аны кабылдоо жана карай багыт алат нерселердин көзгө көрүнбөгөн түзүлүшүнүн интуициясы .

Жана материал активдүү жандын алдында жайкы роза гүлүндөй ачылат, сабырдуу жана ойчул сүрөтчүнүн. Материя колго алынган, ал өзүн тосуп алат жана өзүнө уруксат берет форма. Айбан-адам адам, өзүнө жаңы жакындыкта жол ачуу үчүн жок болот”Адам”, универсалдуу өлчөмгө сулуулук чагылдырылган жана бар жерде. Анда артист А. Ал куралы болуп саналат жаңы энергия жана толугу менен өзү. Ал адамдын табиятын ачып берет . Сүрөтчү өзүнүн жаратуу жаңсоосу аркылуу жашайт. Ал кабыл алат жана жашайт. Ал бир нерсе же кимдир-бирөө болуу алдындагы кыймылдын кыймылы. Ал жактырат. Ал интенсивдуу ар түрдүүлүк, экилик жана көптүк. Ал дан ааламдык тартиптин тынымсыз өзгөрүшүнө көңүл бурган чаң. Ал залдын аягында аны күтүп жаткан көптөгөн тойлордун күйөө баласы анын милдеттүү багытынын көлөкө жана жарык .

152

Quelque chose d’avant le temps

 De tant et tant d'efforts
à la mesure des sollicitations
pour garder la tête hors de l'eau
et être en ressemblance avec le visible
sans être fermé à l'invisible .

De tant et tant d'efforts
à élever la viridité
sur le pavois de nos intentions
alors que sans puissance effective
l'amour sensible fait figure de désaffection .

De tant et tant d'efforts
à se mouvoir dans ce corridor
à distinguer le bien du mal
afin de réellement voir où l'on va .

De tant et tant d'efforts
à traverser
les gués du torrent de l'illusion
sans distinguer l'origine de cette poussière d'étoiles
où être hommes et femmes liges .

De tant et tant d'efforts
à se prévaloir d'un soleil éternel
alors que les confins de notre entendement
sont scarifiés sur les autels
du mutisme et de la surdité .

De tant et tant d'efforts
passés à attendre que la pluie s'arrête de tomber
alors qu'elle est partie prenante de la fructification .

De tant et tant d'efforts
à considérer le fin du fin de notre parcours de vie
comme étant le bonheur
alors que nous sommes éternellement en marche .

De tant et tant d'efforts
à accepter que le soleil se couche
avant que les blés ne mûrissent
implorant
en quête de moisson
le retour de la faux du père .


151

se rejoindre soi-même

Il faut jeter par dessus bord
beaucoup de paresse, mais surtout beaucoup d’inhibition et d’incertitude pour
se rejoindre soi-même .

Pour toucher les autres à travers moi, je dois y voir plus clair et je dois m’accepter moi-même.

Depuis des années j’emmagasine,
j’accumule dans un grand réservoir, mais tout cela devrait bien
ressortir un jour, sinon j’aurai le sentiment d’avoir vécu pour rien, d’avoir
dépouillé l’humanité sans rien lui donner en retour .

Tous les problèmes
que je traverse et que je tente d’expliquer, me tourmente et appelle en moi
solution et formulation. Car ces problèmes ne sont pas seulement les miens,
mais ceux de beaucoup d’autres. Si à la fin de ma vie je trouve une forme à ce
qui est encore chaotique en moi, j’aurai peut-être rempli ma petite mission.

Tout cela me semble bien prétentieux.
Je me sens parfois comme une poubelle tant il y a de trouble,
de vanité, d’inachèvement, d’insuffisance en moi.

Mais corrélativement
il y a aussi une authentique sincérité et une volonté passionnée, presque
nécessaire, d’apporter un peu de netteté, de trouver l’harmonie entre le dedans et le dehors pour se rejoindre soi-même .

A la longue il se pourrait que je trouve la paix et la clarté.
Mais oui ! C’est maintenant, en ce lieu, en ce monde,
que je dois trouver la clarté, la paix et l’équilibre.

Je dois me replonger sans cesse dans la réalité, m’expliquer avec tout ce que je
rencontre sur mon chemin, accueillir le monde extérieur dans mon monde
intérieur et l’y nourriret inversement je dois continuer d’écouter au-dedans
de moi – , mais cela est terriblement difficile et c’est pourquoi j’ai ce
sentiment d’oppression au-dedans de moi .

C’est alors que je fermais les yeux. Ne plus penser.
Je traversais un moment de paix, d’accalmie.
Ma foi indéfectible en l’homme ne peut faire en sorte que je me dérobe. Une
perspective de cohérence m’appelle. J’ai si tendrement à faire que je ne puis
qu’assumer pleinement mon destin et employer mes talents à soulager les maux de mes frères et sœurs .

150

par delà la frontière et le mal

La frontière entre le bien et le mal passe entre les deux rives de la rivière. Tout choix d’une rive plutôt que de l’autre ricoche et porte en lui son châtiment et son germe. Le châtiment maintient en enfer ; et le germe, cette force capable de fendre le roc, fissure le cœur. Aussi passons-nous notre vie à tergiverser sur une passerelle .

C’est le passage de l’une à l’autre rive qui reste pur mystère. Nous pourrions penser qu’il existe de chaque côté un abîme par lequel s’opère le passage à une autre dimension. Et peut-être la tentative d’échapper par tous les moyens à cette aspiration, à cette chute vertigineuse est-elle l’origine de nos pires souffrances .

Le refus acharné qu’oppose le connu à l’inconnu, le familier à l’inexploré, oblige le destin à user de violence envers nous .

Pour le foetus dans le ventre de sa mère, la fin du monde se nomme naissance. Nous appelons papillon l’anéantissement de la chenille. Toute vie est un drame cosmique qui ne finit, somme toute, pas si mal .

Passer le pont, c’est changer de nature. Voir autrement, c’est changer sa vision, c’est fissurer sa vision convenue des choses. Qu’il est douloureux de changer d’état. Cela nous fait cligner des yeux, avant de voir plus tard ces états se stabiliser .

Changer de bord brouille le regard que les autres me portent. Aussi de peur de passer pour dément, je me garde d’en parler à quiconque. Mais la vérité est à l’inverse, aussi suis-je sorti du monde qu’hallucine mon époque pour rejoindre une réalité sans temps et sans lieu. Et cette réalité est coulée de lumière, magma fluorecent qu’irisent toutes les nuances du plus sombre au plus lumineux. Et cette palette est piano des couleurs .

Et je l’ai vu comme je vois maintenant par la fenêtre éclater un été au zénith de sa majesté. J’ai vu que la matière n’était que lumière et vibration et Amour, pur Amour, Amour incommensurable .

Et je vois tous ces êtres humains aller quelque part alors qu’ils ne sont jamais partis de nulle part et n’arriveront en nul lieu où ils ne sont déja. Cette immense mise en scène sacrée et absurde me laisse à penser que les hommes sont des dieux quand, entre deux rêves, ils laissent leur regard vaguer sur le monde .

La leçon de cette métaphore de la passerelle entre deux rives est que la vie nous a été donnée, que nous nous devons de mettre le plus d’énergie possible à faire fructifier ce potentiel, le moins d’énergie possible à en souffrir et ne pas s’étonner quand ce qui semble être éternel clignote et disparaît .

149

QUELLE NUIT CETTE NUIT

 Défaite sans parole
sous le vol d'un spectre
se vidant de ses attributs .

Exil d'une seule nuit
dévorée par la toile du songe
sans que le secret ne corrompe la mémoire .

Oubli d'entre la brume et la lune
tu ne mourras pas tu ne peux mourir
toutes gloires du jour éteintes
de par les entrailles de la vallée
d'où s'élève le double son du hautbois et du saxo .

Envoûtement prolongé
aux limites d'une traversée
avant de s'abîmer dans l'obscur
où lentement se consument
chairs et ongles de l'endimanchement de la tendresse
échue en rosée de sang
avant que ne s'égare l'aube .

Écueil disposé entre les lanternes
au milieu de ces épaves
qu'un ordre mystérieux
fait accoster dans ce royaume
où le froid silex sépare la chair de la peau .

La vie est là
la vie est le lieu
la vie mienne en compagnon de ta vie
taille XXL de la médiane tracée
entre le sourire de l'enfant bleu
et la perpétuité d'un désert blond .


146