Omnes stipes by Gerardi Montium Cael

Capstan

Capstan
Les élingues frappaient le mât
La brise était fraîche
Julie prenait un bain de soleil
Poitrine nue
Cheveux épars sur la natte de plage.

Je feuilletais les pages du « Discours amoureux »
De Roland Barthes
Je m’éloignais du texte de plus en plus
Je regardais Julie et ne la regardais pas
Esse, le ciel, la mer
Les objets vibraient à mesure de ce qui se passait en moi
Tout semblait refléter un présent accentué
J’étais calme
Je ne bougeais pas
Dans ma poitrine un feu sautillait
Sur des buches noires et rouges
Je tournais la tête vers elle.

Étendue à la pointe du bateau
Je m’offrais au soleil
J’étais rafraîchie par un vent doux et bienveillant
La coque montait et descendait
Claquant de la langue quant la vague la giflait
Je devinais Charles adossé à la porte de l’habitacle
J’avais accepté son offre d’aller faire un tour en mer
Pour l’eau, pour le bateau, pour le soleil, pour la brise
… Et il y avait bien autre chose.

Elle leva la tête
S’accouda sur le pont
Rejeta ses cheveux en arrière d’un mouvement de nuque
Il semblait qu’elle me regardait
Et même me souriait
Puis elle se tourna sur le côté
Et à contre-jour je pouvais voir l'estampe
De ses jambes, son bassin, sa taille, son buste,
Son cou, sa tête
Un paysage
Une portée musicale
Je ne bougeais pas
Mon cœur battait très fort.

M’étant retourné vers lui
J’évitais son regard
Pour ne pas être éprise
Trop tôt
Je sentais mon ventre gargouiller
Le soleil me chauffait le dos
Sans attente je vivais le présent
Et si cela n’allait pas s’arrêter là
C’était à lui de faire quelque chose
Défilaient alors les moments où nous nous étions déjà croisés
Je me remémorais le décalage que j'avais ressenti
Entre son regard et son corps dégingandé
Il me paraissait pas très à l’aise et pourtant présent
Sans hâte j’attendais la suite.

C’est alors que je décidais de lui proposer à boire
J’allais remplir un verre d’eau à la réserve
Et bravement le lui tendais
« Veux-tu un verre d’eau ? »
Elle me regarda et me dis très doucement :
« Je t’aime »
J’étais estomaqué
Et renversai le verre d’eau sur le pont.

Une mouette couina à la pointe du mât
Un petit nuage passa
Neptune les reins ceints de varechs
Sortit de l’eau brandissant un trident.


1617

Intra quinque minuta

Intra quinque minuta
À maintes reprises
J’ai menti
Les yeux ouverts
L’intellect opérationnel
À percevoir le phénomène
Par un trou de serrure
Petit stratagème
Posé là
Pour couper court aux certitudes.

Toi
La nuit dernière
À te dire qu’il reviendra
Et que je l’aiderai
Sans qu’il y paraisse
À accorder ses recherches
Au silence des bois
Comme à présent
Au terme de l’escapade.

Atterrir
Pour ne plus revenir
Libre de ses mouvements
À choisir son chemin
Son bref contre le tronc des arbres
Fusain taillé
À retoucher l’esquisse
Frotter, nettoyer, bien faire
Pour relocaliser la personne
Entre les murs branlants.

J’écris
Un cas typique de névrose
À s’identifier avec la lumière
À force d’élans spasmés
Se soulever hors sol
Jusqu’à toucher terre
Sans espace
Aux temps révolus
En résonance
Avec le parfum de l’expérience.

Où est-elle ?
À se dire
Qu’il faut se boucher les oreilles
Devant cette image
Roides et tous pareils
Pour élever le texte énigmatique
Au commun des mortels
Léger et poétique
Tel l’étang sous la neige
Craquant en sourdine pour de bon.

S’encourager
À se laisser distraire
Par le chant du pinson
Perle arborée
Au déboulé d’un face à face
Avec son destin vibratoire
Étonnamment étalé
Suint de printemps
En toutes petites lettres
Dans la paume de la main.


1616

Post culpam boves

Piétinements
Des idées hors vasque
Poussant du doigt
Le bovin des circonstances
En écho
Du jet d’urine approprié
Au territoire des origines.

Réponse d’avant la chute
Vers la rivière des gargouillis
Enjambée par les traverses de chemin de fer
Ajourées et moussues
Dans l’ombre de la frondaison
Sans que pointe le moindre museau
À la corne de cerf attenante.

L’enfant traversera la passerelle
La bouche rouge de myrtilles
Du miroir scintillant de l’onde sautillante
Au surplomb de granite
Vierge de toutes les couleurs
Échancrant reins et cœur
Parmi les genêts d’yeux constellés.

À reculons
Post culpam boves
Avons manigancé
Maintes adaptations
Clairon des astreintes
Nos assignant à résidence
Pour ne pas entendre l’appel.

Lancé de lune en lune
Le boomerang est revenu
Sourire entendu
Au gré des souvenirs
Collecte des fragrances et regrets
Prompte à recouvrir d’une pluie d’été
La coquille souple des enfantillages.

Diaprés
De fleurs à déraison
Les bas-côtés recèlent
Le jailli de l’esprit
Touche et retouche
Des psalmodies
Cédant à nos silences.


1615

Sui -pirouette

Pirouette de l’alouette
Pirouette de lumière
Pierre fraîche
Au vide bidoche
Du couteau froid
Dans le ventre
Du crocodile mon fils
Au saut du lit
À enfiler les perles de l’espoir
Sur l’opinion des quatre saisons.

Parodie millimétrique
Au lac de la Crégut
Parmi les arbres diaboliques
Sans que la sente ne soit tracée
Par quelque animal
Foulant la feuille sèche
Au pas de l’oie
D’un profond silence
Juste blacksonné par les frisures de l’eau
Tenues à distance par la mouche.

Pêcheur pêchant
Dans l’assentiment des instants fragiles
Centre du cercle de sorcières
Issues légères et poudrées
Du contenu de la pensée
Pelouse plane
En sortie de boîte
Lune déferlante
Sur dalle de basalte
D’éclats de quartz constellée.

Porté parfois
Illuminé d’un désir sans remède
Il eut été céans de claudiquer
Devant l’obstacle
Avant d’effacer de la main
Les accès au lendemain
Chose vraie
Passage obligé pour qui ne sait rien
Pincée de sel
Pour avoir soif.

Jetèrent par la fenêtre
Table et chaises
Sans oublier la cuisinière
Enfouie dans les sables du mystère
Rideau de plastique jauni
Au fil de la radio
Étoile des neiges mots torsadés
Courage élevé
Comme doigt sur les lèvres
Appliqué au mieux-disant.

Criez
Vautrez-vous dans la fange
Mais ne paraissez pas bien mis
D’une personnalité affublée
Du tablier de cuir paré
Proférant quelques élucubrations
De cendres blanches
Tressant couronne
Aux obstacles
Mes frères de secondes noces.

Parousie cyclique
Des enfantements
Avant de nettoyer les portes de la perception
Il fût admis
De flatter l’être de soie
Soumis aux sourires de la loi
Pour que débarque du cargo
Le miroir clair et réceptif
D’une réalité
D'argile et de papier mâchée.

Mime-moi
L’accord mélodieux
Des us et coutumes
Là où je suis
Pour que s’esclaffe
Le Dieu des bonhommies
Agitant le drapeau blanc
Quête du bien
De douceur et de délicatesse
Mis à disposition de soi.


1614

In piscinam

La Mareuille
Cloches et genêts associés
Chants d’oiseaux
Rais de soleil
Bleu du ciel en réception
Les pissenlits finissent d’essaimer
Au travers de la rosée.

Peu de vent
Cheveux frisant l’œil
D’une caresse ténue
La chaîne du Sancy
Estampe de fond d’horizon
Dans un gris absolu
Danse au balcon.

La Mareuille descend
Vers l’Eau Verte
Cloche-clochant
D’un pas régulier
Pour disparaître derrière la brassée de feuillage
Du bord de rivière
Ensoiffée de fraîcheur.

Yeux fermés
Le vert passe au rouge
Bêtes descendant par la draille
Vers les stratus de la défesure
Réseau en résonnance
Assemblage de débris morainiques
Que les siècles froids ont parsemé.

Elle m’appelle
L’oiselle des prairies
Et se rit des réponses
À son chant
Que mon cœur accompagne
D’un liseré de dentelles
Coupant court à la Beauté.

Il fût, erit
La couperose du matin
À prêter main
Une collerette d’orchis
En bord de chemin
Pour plus d’une année dévolue
Ceindre la parure de juin.

Grelots des ovins
Cloches des bovins
Le soleil darde
Ses flèches de lumière

Fichées roides
Contre les gouttelettes d’argent
Au plus offrant destinées.

Un roc dans la prairie
Capte l’énergie cosmo-tellurique
Sous le frémissement des frênes
Basses branches ondulantes
Synapses verticaux ouverts
En proie au déploiement
De l’éther mon frère.


1613

Haec trinus

Haec trinus
En courbure de prairie
Font que le corps en deux secondes
Exulte.

Prendre patience
Élargir le temps
Pour que le tourbillon-flash
Se lie.

Étrange voix
Énorme frustration
De ne pouvoir happer
Ce qui vient.

Faut-il se désunir pour entendre
Alors qu’il reste à faire
Le pas de deux vers les étoiles
NON, et vous ?

Nous la connaissons
Cette histoire d’arceaux rigides
Soutenant le ciel
À se hisser toutes voiles tirées.

Hier soir
Je suis atterri
Incorporé et atterré
Désordonné.

Librement
Nous étions en vision automatique
À parsemer la pelouse de fleurs
Connectés.

Les mots me tètent
Et ne puis réagir
De pensées et de souvenirs
Oint.

À quelques pas de nous
Une sympathie débordante d’affection
Une chose étrange
Elle était et l’autre n’était pas.

Profonde sérénité
Avec une trace lumineuse en mon cœur
Pour que tout s’accorde
À grignoter l’ombre.

Une douceur soulève ma poitrine
Mille lumières éblouissent mon esprit
Je me répands
En lisière de forêt.

Que ça saute
L’expérience de la Valeur
Comme Principe du Monde
Élargissement de la conscience.


1612

Scribere Dru

Scribere Dru
Écrire vrai
Avec la main qui tremble
Avec la main du matin
Celle qui sort de la couette
Celle qui contrainte
Au dépeçage du vécu
Fait sienne les souvenirs froissés.

À vivre en miroir
Vous pousse hors de soi
Sans douceur
Comme mélodie des heures
Accaparant le devant de scène
Fenêtre sur cour
Éclats de verre
Se figeant dans leur chute.

La route longue
Déjà parcourue
Par les corps retournés
Par les âmes mâchurées
Trait laser auscultant en passant
Le florilège des années
Que la main posée sur le front
Appelle au silence.

Du sommet de la cascade
La vie fulgure
Pincée de sang séché
Sur la mousse perlée
L’ange passera outre
Les virgules arc-en-ciel
Pour aller se poser
Sur une soif étanchée.

Entre frayeur et regard
J’ai pu rejoindre
Les pans de mémoire
Collés décollés ensemencés
Larmes rosies de plaisir
Posées sur les ressauts de la paroi
Faisant siennes
De fringantes pensées.

En bout d’allée
Au gré d’une bourrade
Faisant chuter le chantre
Est apparue l’ombre d’un rire sans écho
Étoile du printemps
Suintante d’or et de sang
Sur le plastron singulier
Du Maître des artificiers.


1611

Slate elevatio

Slate elevatio
À la pointe d’Espinasse
Fait trembler le regard.

Au seuil éclairé
Par le rai de soleil
Le sac à miel se crève.

Les larmes rases de la rosée
Larves de nuit
Transmutent l’obscur.

Au fond du rien
La vie partisane
Appréhende les bas-fonds.

Les tuiles à gogo
Font fi du jardin délaissé
Par la béance d’une souffrance.

D’un reste de tendresse
Garderons ce qui apaise
Mémoire commune.

Pour ce qui est de l’attente
La muette dignité
Sera notre conscience.

Hors-temps
Le crève-cœur d’une forme
Investira la saveur immémoriale.

Pour peu de se revoir
En quelque temps obscur
Une suite à donner sera contée.

Haute fête
Déclenchée par le bref appel
Au fond des bois l’éveil.

Alouette d’un bond tu accèdes
À l’azur
Des ondes éternelles.

Pleure et me retiens
La tête dans le licol
Aux portes du paradis.

De douleur point
Juste un brin d’orage
Pour oblitérer le chemin.

Tentacules végétales
En ce rire sans écho
Épousailles sans miroir.

Dès l’origine
Mort et vie de concert
Une flèche pour l’esprit.

Ne survivra toi le féminin
Dans l’allée des iris
Le cœur de la biche endormie.

Par tes lèvres
Gouttes de pluie à portée de main
Métamorphose en jachère.

La mouche barbouille
De gris-souris s’entend
L’orifice de ton ombre.

Ôm au désir grandi
Le chant se carapate
Hors de l’exil son origine.

Ultime fente
De chair rose offerte
L’épée guide nos pas.


1610


Deesset universum in aurea caveam

Deesset universum in aurea caveam
Attendait le doigt de Dieu
Pour dernier hommage
Sans soupir ni nœud
Simplement être à deux.

Une parole
Et soudain tout est ouïe
À l’arrache-corps des convenances mariales
Un disque rayé et décontenancé
Froissait la feuille d’air.

Effleurer de douceur
Un monde sans saveur
En bas de page étourdiment
Creuse de mille rides
La joue libellule.

Demain ce sera fête
Sur la nappe vichy
Pour les mésanges
À tête noire et pattes blanches
Fruits et vin à profusion.

L’infini n’est autre
Que l’élan énigmatique
De nos mémoires d’oiseaux
Parcheminant derrière la vitre
Un carré de silence.

Rêve de beauté
Au couchant déchirant déchiré
Un trait de plume souligne
Le flash des nuisances
Bourgeonnant jusqu’à la fêlure.


1060

Ex uno aperire ad alterum

Se parant de lumière
Ex uno aperire ad alterum
Les femmes vieilles et rudes
Aux chapelets trainant sur le sol
Cherchaient le chat noir
En quête de la souris blanche.

Accord de grâce craintive
L’échange aura bien lieu
Loin des yeux loin du cœur
Quand la religieuse prise d’habit récente
Aura scellé sa prière
Sur un échafaudage de notes célestes
Distillée en secondes noces.

Ne vous détournez pas
De l’ombre des arches
Gardant déesse morte
À portée de nourriture spirituelle
Croutée de picots d’argent
Éveillant l’Esprit Saint
Au sortir du narthex.

Fugace fût le massage
De la cervelle sage
Dans l’embrasure d’une ouverture
Alors que l’assiette de faïence
Tombée du vaisselier
Dispersaient ses menues éclats
Devant le nez du lecteur de métaphores.

Femme enceinte
Mettant le pied à l’écriture
Le nombril en Samothrace
Gémissait sous la bourrasque
Pendant que le clochard traversant le boulevard
Traînait son sac en plastique
Sur le sol mouillé des vérités.

Il neigeait
Pour moi rien de changer
Là-bas les anges lissaient leurs ailes
Sur le toit des usines
À petits jets la fumée blanche
Mollement se laissait caresser par la brise
Tout était en place.


1609