Lettre à Ping

Lettre écrite à Ping    
Entre les pieds de la table de ping pong    
Lettre écrite à l'encre de chine    
Telle truite vivante sortant de l'eau fraîche.        
 
Lettre étrange    
A souhaiter le Tibet    
Pour tous les babas de la terre     
Drapeaux de prière en tête.        
 
Lettres d'écailles rouges    
Gouttes de pluie     
Gouttes de sang    
Égrenant les dents du mallah.        
 
Il est difficile de racheter le passé    
Laissons au présent sa présence intacte    
Rassemblons ce qui est beau et bon    
En ces temps de liberté mal ficelée.        
 
Du coffre des pirates    
S'élève la caravelle de Christophe    
Le suif chauffé à blanc au soleil des tropiques    
Recelant les mille yeux du cosmos.        
 
Ici point de nœuds de marine compliqués    
Juste de quoi sentir l'haleine des hommes   
Pour terre abordée    
Fouler le sable d'un jour nouveau.        
 
( Drawing by Jean-Claude Guerrero )

994

A mettre sa vie en mots

A mettre sa vie en mots    
Mots venus tout-à-trac    
Mots de plaisir    
Mots de souffrance    
Mots de rébellion    
Mots surgis des profondeurs    
Mots de labeur    
Mots de bonheur    
Mots tendres    
Mots moteur d'un avenir meilleur    
Mots de braise    
Mots de sanguine outrance    
Mots météores    
Mots de chandeleur    
Le soir    
Sur la table des amours    
A contempler ce qu'il y a dehors    
La vie des autres    
Le soleil qui se lève    
En passant la barrière des nuages.        

 
Je mot-mur-murmure    
L'appel à l'aide    
Et le repli sur soi    
En navigation douce    
Sur la rivière des souvenirs    
Que n'eussions été de l'autre rive    
Nous les rapetouts de la mouvance    
A vendre père et mère     
Pour un quignon de pain    
Puis retourner sa veste    
Par manquement gracieux    
En vitupération des cieux    
Alors que passaient les vautours    
Sur le pommeau d'un environnement douteux    
Sans promesse    
Les mains à se chercher      
A la tombée du jour    
Le long des fortifications    
Où pousser le ballon    
Du bout du pied    
En dévalade vers les douves    
Aux loutres  messagères    
Mes sœurs en convenance    
Aptes à plonger tête première     
Dans la bassine des instances    
D'une vie qui ne nous apprend que si l'on prend      
A mi-chemin    
De l'agit-prop et du lendemain.         

 

 993

Between quantum and computing

La tête de joyeusetés affublée 
Pleine de rhizomes et d'écritures    
Inventoriait les us et coutumes    
D'un chemin de bienveillance    
Qu'elle avait en perspective.                
 
Des échelles partout    
Des bien droites, des branlantes, des tordues    
Se tenaient à portée de main    
En viscérale posture    
Contre les murs de la cité.        
 
Des tresses de cheveux luisaient    
En ces temps d'indifférence    
Où la pesanteur n'était pas la seule force    
A posséder les clés de la maison    
Douce chaumière en fond de prairie.        
 
L'alambic doux et comique    
Augurait d'une distillation de bon aloi    
Alors que de proche en proche    
Circulait la saucisse cuite    
Dans son papier gras et froissé.        
 
Il fallait laisser le terrain    
Aux plus nobles instances    
En recherche fondamentale    
Ces ponts entre quantique et informatique    
Les loups hurlants du lendemain.        
 
 ( Drawing by Jean-Claude Guerrero )

992

My soul slung

I'm drowning   
And drown myself in the salient of memories    
Infusion of what comes    
About this provision  
Waiting at the edge of the hole    
Deep sea fish    
Who meets the lucidity of the insomniac    
Participates in the unraveling of the inner gesture.        
 
Marche      
And put me The heart on the way    
To recruit the young shoots of the spirit    
For men's game hoop    
Roll down the slope    
Towards the stream of expectations    
Primroses fracturing in the clear    
The facts of providence    
With small jets of steam    
In the torpor of a preaching morning.        
 
There is no sidelining    
That what we ourselves operate    
On stage    
And hop ! Thrown away from the coast    
Screaming seagulls returning to shore    
The august gesticulation    
Of the allegorical promise    
With a soul slung over one shoulder.        
 
 
991

The hole

Let yesterday come back
Turning the pages today
Let time go uphill.        
 
Go to the bottom of the hole
Stir up the smell of memories
Brings out the tip of the mind.        
 
Let the drafts return
Occultations and nonsense
Let the abandoned emerge
The decomposed organic
To the bones of precious stones
Without the absence moving.        
 
Neglect the crumbs on the table
Push the past into the future.        
 
Cette propension à mettre le doigt    
Où ça fait mal    
Construit la chose encore un peu plus loin     
Tel repère pour le pèlerin    
Au camino de son ouvrage    
Lui permettant d'arrimer le présent     
Hors des ténèbres de l'absence   
Afin d'engloutir ce qui vient    
Dans le sillon furtif    
De la mission à venir.        
 
 
990

Sounds of boots at OK Coralie

" I tell you that I took it ".
 
" Non tu ne l'as pas pris ta chapka du saint-Esprit 
et puis ce sera tant pis pour toi ".
 
De sinistre mémoire Smith tira de sa veste une carte de crédit
pour faire valoir la normalité
à cette femme qui le regardait de travers. 
 
" sorry to have kept you waiting.
I phoned my dying mother
and did not see the time pass; "
 
Through the open door
Victor had followed the conversation
and laughed at what Coralie was saying.
 
A few minutes later
They met in the kitchen of the station
in front of a herbal tea
to coo " I love you too "
while outside a new customer honked.
 
" All this is not normal "
Smith repeated to himself
at the wheel of his Bugatti of the years 20.
 
Far away in Arizona
his wife Bella was waiting for him
arms laden with flowers
at the garage door.
 
The blue moon lit up the backyard.
Une enfant sortit par la porte de derrière
pour aller caresser un cheval.
 
She had no face
and the moon reflected an unfinished profile.
 
The horse grumbled.
The Bugatti came to a noisy stop.
Bella threw herself into Smith's arms.
 
Everything was said.
 
no longer remained
than to pick up the flowers
that were strewn on the ground.
 
 ( Collage by Pierre-Sylvain Gérard )

989