Rue de la Corrèze

Blanche malice   
des cucurbitacées de l'instinct
elle allait chevauchant l'alezan
la lanterne à la main.

El Matador
avait garé sa bicyclette
au pied de la glycine
sans que hurle le chien.

D'un geste théâtral
il dégaina le poignard
à sa taille porté
pour rencontre à venir.

N'en déplaise
à certaines considérations
le caniveau était rempli
de moineaux pépiant et sautillant.

Courage fuyons
dissertait en catimini
une douce nuit
sur le point de prendre fin.

Jadis un nez protubérant
aurait été raboté
sans que le froid n'atteigne
la mansarde des amants.

Quelle étoile
frileusement pelotonnée
aurait pu soupçonner
pareil manquement aux principes.

Nuire ou ne pas nuire
alors que passe par la coursive
సమయానుకూలమైనది
le hallebardier de garde.

Figée en sa grotte
à une lieue de là
elle décolla benoîtement
le pansement de son doigt blessé.

N'y pouvant mais
il approuva le geste
et ce fût dit
dans l'étrangeté de la situation.

Toujours ravissante
un sourire léger par matin clair
elle vint se ranger
pour le grand vernissage.

Un deux trois soleil
Maman était venue
Papa était là
rue de la Corrèze au réveil.


886

Le pantin magnifique

Sur la pierre moussue   
quelques cynorhodons   
des feuilles de houx   
une pomme de pin   
une coquille d'escargot   
quelques brins d'herbe   
du lichen.      
 
Dans le frais du matin
quand les mouches s'agitent   
le jour rosit   
instant de grâce   
le poème se réveille   
fleur bon la force du Souffle   
dans le grenier providentiel   
des males familiales.      
 
Il est unique   
ce dogme aux croyances irradiées   
ce goutte à goutte des urgences   
le pantin magnifique   
éloigné de la scène   
par soucis de vacance   
sans être saisi par le manque   
dans le silence de l'absence.      
 
 
885


Sonnailles des drailles

Me suis épris de la clochette   
sonnailles sur les drailles de l'esprit
à contempler la fertilité
des rencontres
de ma vie d'écolier.

Revêtu du grand tablier noir
aux liserés rouges
j'ai foulé l'asphalte
aux marrons ronds
de la cour d'école.


Du Souffle incarné dans l'instant
d'une rive l'autre
j'ai frôlé l'aile charmante
des œuvres du printemps
à cueillir incidemment.

En retard d'une saison
à la fermeture vacancière
me suis trouvé contre la pierre
à écouter le turlutu des alouettes
comme parole principielle.


Ai tendu le nez
vers un ciel qui se tait
au milieu du sanglot des narcisses
où se fondent à l'horizon

les violons de l'esprit.


884



Il est un temps où se retirer

Du pain un peu rassis   
du beurre agrémenté   
de sillons côtelés   
trempés dans la tasse   
comme descente en ramasse.      
 
 Mantille ajourée   
au dévers d'un mémo   
j'ajoute par le travers   
l'oblongue portrait d'Auguste   
grand-père aux moustaches occitanes.      
 
Du ventre de Madou   
extraire la coloration de ses joues   
au grand tamis d'Ernestine   
la mère énamourée   
de notre enfant Carmine.   
 
Richesse tendresse   
du chant mystérieux   
de ces yeux trompant la séjournée   
en ce lieu posthume   
éclos aux limbes de l'absence.      
 
Il est un temps   
où se retirer   
en tirant le cordon   
de la chambre des attentes   
mes sœurs en fenaison.      
 
 
883


Des manettes plein les yeux

Des manettes plein les yeux   
l'homme de poids est entré dans la boutique   
à farfouiller ce qui pouvait   
être collé sur un frigo   
aimant d'occasion sur le blanc chirurgical.      
 
Il s'est assis derrière la table   
sur la petite banquette   
pour de sa voix éraillée   
commander le menu des obligés   
en génuflexion devant sa faim.      
 
Ombilic des rêves   
ou adresse d'une brochure d'esprit   
la source s'est tarie   
faisant grincer la crémone d'argent   
des fenêtres mes sœurs.      
 
De plain-pied   
par l'ouverture châtelaine   
ai pris l'inexorable destin   
ces croyances aux mains moites   
pour cisaille à faire sauter les chaînes.      
 
Cette vie   
cette morsure   
je la dédie en forte lumière   
aux ombres sacrées   
de l'âtre généreusement offertes.      
 
 
882

Arrimé au présentoir

Arrimé au présentoir   
tête de pont au dessus des livres   
j'ai proposé mes lèvres   
au suçon du désir.      

Mains feuilletant les dentelles d'écrits   
je me suis approché   
masqué et yeux fermés
vers le quai des hommages.      

Dans la rue en déclivité   
slalomant parmi les passants   
avec une raideur d'enfant   
elle a disparu dans le matin-soleil   
alors que de raison je baisai sa main.      

Je l'aimai  
cruciverbiste des engelures   
sur le pas de porte   
à la portée d'un vent coquin   
faisant sauter les liens.      

Présence fraternelle et végétale   
enceint dans ce bâti de pierres grises   
je ressuscitai la palme d'entrée dans Jérusalem   
au vif-éclair   
d'une écriture de miel.      

 

881

Le crêpe arachnide

Le crêpe arachnide     
du crépuscule   
au cul de la journée   
est baume   
avec effets immédiats.    
 
Reflets des arts et des brûlures   
détournées à la volée   
du grand astre vers les mondes   
où j'existe et je meurs   
en l'infini fraternel.      
 
Combat contre l'absolu   
maniement des armes de l'esprit   
contre la matière   
que l'amour fait exploser   
hors ressentiments   
d'une vie contrainte au silence   
alors que la vie vit de sa vitalité propre   
à point nommé   
au carrefour des considérations   
à la pointe nommée   
à la pointe innommable   
d'un claquement sec   
de la foudre profonde   
sur le fer de la forge   
sorti rouge feu   
des braises incandescentes   
blanc de blanc   
sur l'infini d'une sensualité des peurs.      
 
 
880


Dire oui à ce qui est

Ce qui a été a été   
Ce que l'on a fait a été fait   
Ce que l'on a vu et entendu, ce que l'on a vécu, c'est du passé  
Le passé est le passé.      
 
Aussi faut-il oublier tout ça   
Et s'accorder vers quoi on tend        
Être en harmonie, en résonance, en présence   
Avec ce qui a du sens   
Avec ce que dit la vie au moment où l'on vit.      
 
Dire oui à ce qui est.      
 
Il s'agit de se transformer   
De passer au-delà de la forme   
Et non de changer de forme.      
 
La vérité   
C'est qu'il ne faut jamais vouloir détruire   
Mais accepter avant de laisser disparaître.      
 
 
879

Menu menuet

Menu menuet   
de la musique du vent   
dans la feuillée des frênes.      
 
Je ne puis retenir    
l'ordre des phrases   
sur la peau du chevreau.      
 
Note stridente   
en carême d'être   
sous la plume incarnée.      
 
Brame d'âmes   
à la corne du cerf   
augure d'une immense tendresse.      
 
De mille flèches et mille épines   
elle encanailla   
la geste de la rébellion.      
 
L'examen dura tant et tant   
que la foi en ce monde   
fût signe distinctif.      
 
Hors carapace   
à la sortie du labyrinthe   
perle la rosée du jour.      
 
A devenir l'ours des catéchumènes   
plagit le blason   
des beaux parleurs mes frères.      
 
 
878

Les chauve-souris

Les chauve-souris   
à la queue leu leu   
devant la maison   
ont déplié leurs ailes   
pour une saison encore.      
 
Au rayon des invendus   
en dialogue avec le rouge aux ongles   
cette existence insaisissable   
s'est embrasée   
dans des contrées de basse brume.      
 
Ecrire en poésie   
est croissance drue   
par ronces et talus   
sous le regard extrême   
des fins de parties venues.      
 
Tenter d'apprivoiser   
la présence-absence   
en vue d'une obligation à ne pas manquer   
organise de cupule en cupule   
les crues et décrues de notre destin.      
 
Je voulus chanter   
et bien je chantai   
en éveilleur de conscience   
sur le terrain des terres venteuses   
en pleins et déliés d'un silence de circonstance.      
 
 
877