Des mots à fleur de peau
des mots de tous les jours
des mots pour toujours
des mots de rien
des mots lourds
des mots à la volée
des petits mots
des gros mots
des mots ralistes
des mots cœurs.
J'opère à mains nues
je manie truelle et compas
je tournicote
je fais des ronds de jambe avec des mots écrits ou parlés
des effets de style
des effets d'équilibriste au bastingage des illusions.
Des mots avec leur humeur rimbaldienne
je signe le rien du tout
d'une parure de ruine romantique
j'écorne l'arbre des significations
de brisures académiques
ou pas
je presse le fruit du sens
à la recherche d'un langage mien
qui soit néanmoins accessible.
Je cherche l'Autre avec mes mots
je cherche l'alter ego
je me cherche
je Nous cherche
je joue à cache cache
et coche mes rencontres
en vue d'une Œuvre participative
en réconciliation de la Conscience avec le Vide.
Je suis Nu
et dénué de soupçons
je rends mon bavoir de gros bébé
pour le tablier de cuir du forgeron
me mêlant aux travailleurs de l'esprit
faisant jaillir quelques étincelles de l'enclume
et ça brûle
mais que c'est beau d'avoir le nez en l'air
d'être sorti des sourates du couvige.
Et les mots de venir
des mots ricochets issus de bien plus loin que moi
des mots d'émergence de ce qui est là
des mots de première instance
dans cette salle des pas perdus
ce lieu d'accueil de qui de nous deux rira le premier
ce présent sans avant qui présume du lendemain.
J'hérite
parce que je le mérite
parce que je me nourris des petits cailloux-mots
des capsules de bouteille trouvées dans le caniveau
et ça quincaille dans la tête
dans l'usine des recyclages événementiels
pour éjecter sur la paroi du crâne
le reliquat proposé par les travailleurs de l'à-propos
en vue d'importuner le qu'en dira-t-on
et libérer de sa gangue
l'important qui mérite d'être dit
comme étant le portant des mots d'oiseaux
à refaire chanter le fil de vie
d'un matin de jouvence.
Ces mots petits cailloux
sur le chemin de la perdition
hors du foyer d'origine
proviennent des poches trouées
de culottes élimées
sur les bancs de la reconduction scolaire.
Il y a dans le florilège des mots
des perplexités isolées
des souvenirs
des rêves
des images
des sons
des odeurs
des sensations
des ressentis
le rejet des choses inutiles
des émotions
des pulsions de créativité
et ces élans à l'introspection.
Tout ça fait du bruit
ça se mêle
tout se concocte
ça s'invective
jusqu'à créer des amorces de clarté
quand rencontre fortuite
proposant le silence
hors de l'orage des grêlons
tambourinant sur les protections sécuritaires
jusqu'à briser les lignes de pensée.
Alors sur le champ des morts
passent les drones
pour au grand œil déceler quelques éléments
tels cairns
murailles et murettes de berger
dégageant un carré de verdure
où planter table et chaise
au poète susurrant à petits jets d'imagination
du bout de son crayon sur la papier blanc
le collier des cardabelles associées.
Un regard nouveau ébranle l'horizon
les avens se creusent
les lavognes accueillent les moutons
l'orage éclate
la musique élague à grands coups de serpe
une tranchée dans les nuages
pour grenaille des perceptions nouvelles
par les cinq sens
par l'esprit de la naissance
par l'épée de la discrimination
ouvrir la porte de l'élargissement imaginaire
colmater les brèches causées par la vitupération
et proposer le tableau tachiste des réalités.
Cela ne dure qu'un temps
car toute limite même infime
circonscrit l'œuvre
en l'accrochant aux cintres de la curiosité.
Passe alors la baguette du sourcier
sur l'étrange conglomérat des choses inavouées
pour avec davantage d'humanité
faire sien des éclats passés
la matière des usages d'aujourd'hui
Pavillon levé haut des errants
en marche vers eux-mêmes
par l'ascension de la montagne engagée
découvrir notre fragilité
cette soif inextinguible de l'Altérité
du Non-Être notre quête
aux fins de Transcendance.
Marcher
Ecrire
Lire
Rire
pour en parler
le soir à la veillée
avant d'aller faire un tour dehors.
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