Au Rond-point des Bergères Palinodie de la Défense Se départir du déjà-là écrit Pour se défaire de l’écriture Allonger le pas sous les lilas de l’allée Passer devant les toilettes sèches Cueillir une cerise Et croiser le chien Noir Qui rendu à la porte du jardin S’appuyait contre la barrière Pour faire la fête à quelque passant.
Black m’avait juste frôlé Sans s’arrêter J’étais invisible ! Je revenais dans le jardin de Tante Marie De la chambre à la cuisine Puis de la cuisine à la table dressée sous les noisetiers Il y avait fort à faire Gabriel parlait de la Tirtaine Kabou de la Kabylie Samir du FLN et du MNA Quant Luce accourant joyeusement Vint nous montrer les fraises qu’elle avait cueillies.
Il était question du meilleur des couscous Que Samir recevait du bled Avec ses graines roulées à la main.
Black venait se blottir entre leurs jambes Superbement il m’ignorait.
J’étais là Seul Décalé Tous ces gens autour de moi Pour qui je n’existais pas.
Une auto passa dans la rue Le crissement des pneus brouilla la scène Je me retournai Le jardin était dévasté Un tractopelle était passé Amoncelant arbres et buissons Planches et Parpaings Dans un méli-mélo surmonté d’un chat trois couleurs.
De mes poches Tombaient mes carnets à spirales Attachés l’un à l’autre par la guidoline d’un vélo.
L’on entendait « la vie est belle » Chantée par Brigitte Fontaine et Zaho de Sagazan Ultime prêt-à-porter D’un silence qui broutait le ciel Rémanence lente des Shadocks Remontant la piste de luge En pompant la neige de leurs bâtons de ski.
Un loup passa Il faisait nuit Ses yeux blancs immobiles Un œil pour mon père Qui venait de quitter son EPAHD L’autre œil pour mon fils Qui enfonçait le couteau dans son ventre.
Rideau tiré Les spectateurs restèrent coits Une petite lumière en fond de salle jaillit « Bonbons, caramels, glaces ! »
L’entracte fit s’ébrouer les têtes Avec un grand panneau publicitaire Descendant des cintres Devant le rideau de velours.
C’était un 30 novembre À 16 heures 30 Il y a 70 ans.
Je pouvais me le permettre Avec cette cognée de charpentier D’équarrir les poutres de la Forêt Pour ce soir Une dernière fois Ranger le Pokémon Sous le sapin des attentes Une pluie de paillettes d’argent Sitôt au sol devenir glace vive Au Vel’ d’Hiv des reflets Być, dans le nuage Que nul ne vit Si troublante était la cohorte Des hurlants de faim et de soif Inondant de miasmes le devant des portes Bloquées à jamais par le barou des turpitudes.
Je sortais Il y avait printemps en paradis Un 30 novembre Quelle surprise !
Bien m’en avait pris D’aller au ciné Voir « Bambi » et « Johny Guitare » Avant les fêtes de fin d’année D’autant qu’à l’entresol Je croisais ma compagne éternelle Lune trois fois lune À la chevelure rousse Hennissant un sourire Si bon Devant la série de portraits d’Harcourt En Noir et Blanc Puisque telle est la loi.