Les poèmes de ma vie

Ils s'en vont   
Après avoir été tissés   
Les poèmes de ma vie   
À petits cris de souris   
Dans le silence de la nuit.      
 
Laissent quelques traces   
De vers luisants   
Près des buissons   
Les mots qui piquent   
Pris au piège d'une flèche meurtrière.      
 
Et pour en profiter   
En boucle   
Tiroirs ouverts   
Fleurs séchées   
Jeter la clé aux orties.      
 
Et si paroles troublent l'écrit   
C'est pour battre tambour   
Dans l'effondrement des ex-votos    
Loin des listes faites   
Sur les plaques d'argile de l'épiphanie.      
 
Grésillent se dandinent   
Les contrepoints de la forme épistolaire   
Dans l'antre béante   
Des mâchoires d'encre   
D'entre les vivants et les morts.      
 
Un moineau pense   
Enfin je le suppose   
Avant de prendre   
À tire d'aile   
La poudre d'escampette.      
 
D'avoir lancé la parole   
Vive et scintillante   
Dans la cour d'école contre le mur de la récré   
Révèle l'enfant qui s'ennuie   
Pas loin du tout du Paradis.      
 
Avant d'écrire   
Avoir faim   
Puis se poser   
Le céans vibrant   
Les yeux levés vers un sursaut d'azur.      
 
Puiser à pleine main   
Dans la sacoche du facteur   
Les écrits timbrés et barbouillés   
Du compositeur avide   
D'avoir été.      
 
Et de renaître   
Dans la caravane   
En sortie de vallée   
Quand le feu volant de crête en crête   
Anime les particules.      
 
Et de mile en mile   
Les milans de s'envoler   
Sans plus attendre la sonnerie   
Qui déchirera le voile   
Des raisons partagées.      
 
Creuser   
Pour se trouver   
En file indienne   
La limpidité de l'instinct   
Chevauchant notre âme d'enfant.      
 
1364

Écorce de la bienveillance

Ça tombe bien   
De se revoir   
Après les errements d'une journée   
D'avoir eu à organiser   
La rencontre des athlètes   
Aux jeux olympiques de la consommation.      
 
Avec patience   
Le livre ouvert à la bonne page   
Celle du silence   
À ne pas clôturer d'un point d'interrogation   
Les vives couleurs   
Dirigées on ne sait où.      
 
Je ne dirai pas que j'ai failli   
Que des terres lointaines   
J'ai exhumé    
La tirade des tenanciers de l'écriture    
Moi, le beurre clarifié   
Des tartinades du matin.      
 
J'ai tremblé à Treblinka   
Jusqu'à ce que la légèreté des mots   
Envase les plaies de l'horreur   
Pour dégager d'un court sourire   
Le braconnage du temps   
En sa folle allure.      
 
Soulevant poids et haltères   
J'ai chargé d'une présence altière   
Les us et coutumes de l'appel   
Virant au sirop d'orgeat   
Quand la nuit   
Une pluie fine court autour de la maison.      
 
D'un écrit de trois fois rien   
J'ai entouré le champ de neige   
De Moaï des Galápagos   
Énigme au dernier degré de la transfiguration   
Par l'effet provoqué des deux mots de garde   
" Écorce de la bienveillance ".      
 
1363

Le chemin de détachement

Allégorèse du chemin de détachement
À suivre
À dessein
Par de petits soubresauts
D'effacement de ce qui est.
 
Ombre première
Donnée éternelle
Donnée de la vie psychique
À couronner avec modération
D'un peu de laque sur la tonsure.
 
L'éclosion spontanée d'un symbole
Aux contenus mystérieux
Rend les forces et apparitions lumineuses
Pareilles aux anges
Couvant de leurs ailes la levée d'une paupière.
 
S'asseoir sur la montagne
Exhorter à crier et parler
De manière à ouvrir l'expérience mystique
Cette vigilance appliquée à soi-même
la face recouverte de blanc céruse.
 
Frotter et découvrir de nouvelles images
Arroge à la phrase poétique
Absurdité et plasticité
Dans cette progression à faire émerger
Ce qui ne l'a plus été.
 
À mi-vert de l'Univers
Au déploiement d'un plancher aux mille rainures
La tâche sur le mur
Étincelle surgie au contact
Du rien-à-voir et de la distraction.
 
1362

Un monde de rêves

Le monde des rêves   
Montait vers ses origines   
Ourdi d'un fripé lumineux   
Là où les esprits enseignent.      
 
Acquérir le pouvoir, élargir sa conscience   
La fleur au revers de la veste   
Cela fleurait bon la vente au camion   
D'une sortie d'autoroute.      
 
Figure emblématique des forêts profondes   
Dardée de répliques tectoniques   
Elle gambillait quelques techniques de transe   
En vu de répandre le subtil sur la terre acide.      
 
Et le verbe de cesser d'être audible   
Parce que le message était faux   
Et qu'éclairait le givre   
En lisière sous la brume.       
 
De grâce élevés   
Les mots vides se mirent à danser   
Gorge blanche et chevelure déliée   
Dans l'inopiné de la douceur d'un rai de lumière.      
 
À frotter leurs sabots   
Ferrures contre le rocher sonore   
Elles entonnèrent chant de sorcière   
À quand reviennent les vertes années.      
 
Pour plus de nuages encore   
Échevelés en bord de ravine   
Nous eûmes le cerveau vidé de sa vigilance   
Tension d'amour tension de sang.      
 
L'âme relevée d'un noir chagrin   
Le barde aux boucles rousses    
Se remit à mugir   
Et les pierres de se fendre.      
 
Elle était belle   
Cette montée en alpage   
Où le front obscurci par les orages traversés   
Le guerrier tomba à genoux.      
 
Pour plus d'un cœur   
Donné à l'oracle   
Nous fîmes trace dans la neige   
Vers l'horizon aux blafardes couleurs.      
 
Un vent violent arracha la tête des sapins   
D'une franche cognée   
Sans que les chants ne s'effacent   
Dans la clairière disposée au sabbat.      
 
Aboutir à l'échange   
Des souvenirs la digne compagnie   
À vous aimer toute la vie   
Toi le vieillard aux yeux lavés de tendresse.      
 
1361

Ce matin un colibri

Ce matin un colibri   
S'est perché sur un coin de la Bible   
À moins que ce soit du Coran.    
 
Chercheur de je ne sais quoi   
Il a écarté les mousses et les algues   
Pour voir le fond du bassin.      
 
Puis il est parti   
Sans un bruit   
Et je me suis couché sur la paille.      
 
Cette paille   
Du moins ce dont il restait   
Du ridicule de mes démonstrations.      
 
Ni marche ni vol   
Pour l'idéologue   
Que les chemins condamnent.      
 
Les écorces    
Corsent l'addition   
De l'écarté en suspicions.      
 
Puis il fit nuit   
Silence et glace   
Enveloppèrent le grand commencement.      
 
En bord de fenêtre   
Le colibri pas effarouché du tout   
M'effleura de sa plénitude légère.      
 
Le connaître
M'encaver en lui   
Mais à quel prix ?          
 
Le mériter   
L'empenailler de mon soutien   
Jusqu'à me blesser le cœur avec son bec.      
 
Revenir sur ses pas    
Laisser la courtilière des forêts   
Remonter le temps.      
 
Retrouver la petite fille aux yeux tristes   
Assise sous l'arbre   
À compter les châtaignes dans son tablier.      
 
1360
 

Grand Chat est revenu

Grand Chat est passé au jardin  
En visite   
Avec sa puissance d'être   
Queue verticale   
Yeux dans les yeux   
Se frottant le flanc allègrement   
Contre nous.      
 
Point de bonheur, point de nostalgie   
L'automne arrivait   
Et il était là   
Sur le fauteuil en bois   
Étendu   
Prenant pose royale   
Dans le soleil déclinant.      
 
Et nous,   
Statuant d'une aussi noble visite   
Avons pris posture close   
Pour qu'il se retrouve   
Cet être dynamique, ce messager des opéras   
Après deux années de mise à disposition  
Pour assurer la cohésion sociale.      
 
Ayant crainte d'être ignorés   
Nous n'avons pas pris de suite la posture ouverte   
D'accession à l'expérience mystique   
Fondée sur l'amour et ses sommets humains   
Pour liberté intérieure émergée   
Engager l'élan créateur   
Par un échange à cœur brûlé.   
 
De cette rencontre entre corps   
Avons accueilli l'esprit   
Sans les mirages de la représentation   
Sans fleurir les abords   
Ni les opinions carénées par le temps                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      
En nous libérant un choix   
Pouvant nous entraîner dans l'impasse de la tristesse.      
 
Impact positif   
Où la joie passive se transforme en joie active   
Avec en amont le tissage de la pièce maîtresse   
De bonne saison   
Avec en aval la passion intense   
De rassembler brindilles et rondins de bois   
Pour le grand Feu où brûler les atermoiements.      
 
Noël, Noël, Grand Chat est revenu !   
Et repartit   
Le mistigri d'automne.      
 
1359
 

Vers le joui-sens

La vie se succède à la vie   
Et sa langue est la mort individuelle.      
 
De chaque secret l'ombre est la résultante   
Une ombre qui permet d'espérer.      
 
Et si je me trouve d'un côté   
Pour atteindre la vérité   
C'est de l'autre côté   
Que l'étincelle surgira.      
 
À la mort d'une personne   
L'âme claire gagne le ciel   
Et son âme sensible réintégre la terre.      
 
À terre les fruits consument les saisons   
Parturientes régulières d'un recours insensé.      
 
Loin du rivage   
À la mer à la voile   
Nous tenons fine tempête   
La puissance des eaux   
À la merci des tentations   
Qui fondent le caractère.      
 
Et le ciel de s'enhardir   
Au lever du jour   
D'une parure jaune et rouge   
Lever une dernière étoile   
Dans sa paume sphérique.      
 
Pour plus loin   
Quand l'orage éclaté   
Barque fracassée   
Sur la côte rugueuse   
En basse continue   
Éparpiller les conditions de la beauté   
Attachement et arrachement.      
 
C'est alors que des lanternes vacillantes   
En bord de mer dans la nuit noire   
Se conjuguant avec le ressac    
Révèleront la présence   
Des suppliciés du destin   
En marche vers le haut fait d'Être.       
 
Venant de l'Univers   
Sommes dans l'honnêteté d'admettre   
Que relevant de la sophistication stupéfiante   
De ce qui apparaît   
La voie du souffle divin   
Dialogue avec le mystère de toute chose   
Vers le joui-sens   
Corps et esprit convoqués au grand bal de l'histoire de l'humanité.     
 
( Peinture de GJCG )
 
1358

Tirer la chevillette

Tirer la chevillette   
Et danser jusqu'à plus soif   
Cré la brèche   
Par laquelle s'évader.      
 
La découverte de ce nouvel espace   
Permet de cartographier    
Ces lieux où notre imaginaire   
Rend chaotiques nos possibilités.    
 
Que faut-il briser pour exister ?   
N'y aurait-il pas approche prudente   
Pour glisser hors du champ aux outrages   
Et changer de perspective.      
 
Les racines poussent bien dans le béton   
Et plus d'un artiste aurait déployé   
Son projet même   
Vers un trajet spatial sans retour.      
 
Au bout du bout   
Il y a cette bibliothèque   
Vrai joyau des Aztèques   
Aux crânes translucides.      
 
La caresse effectuée   
N'est pas à broder sur le trousseau   
Aspirations sensuelles dérivantes   
Avant de trop s'ouvrir.      
 
Sortir du cadre des serrures   
Tirer la chevillette   
Se faire la  malle   
Hors du monde normal.      
 
Et d'être ramener à soi   
Aux ouvrages primordiaux   
Sans évocation de la provenance   
Aux instances familières et sensibles.      
 
1357