Category Archives: Xyoo 2012

Tenir l’axe central

 Le fait de le tenir à la main évoque la maîtrise de l’énergie du milieu qu’on souhaite développer .

Dans le triple monde, du corps, du langage et de l’esprit, il y a place à la félicité qui surgit. Ligne de feu. Partage et contenance .

Le canal central est immersion dans la tourbe du mental. Détachement complet, il est pénétration de la conscience. La distinction entre le sujet et l’objet s’éclipse .

Trace rouge, soleil et lune confondus, le Souffle vital et le Mental cessent d’errer .

Trace rouge, voie du vide, voie du milieu, engagement à la réalisation de la Vacuité .

Chemin initiatique du noir goudron à l’émergence du blanc céruse, son contraire, par adjonction de lumière avant la montée vers la trace rouge, ultime effort à s’extraire du marigot des polarités pour accéder à la non-dualité .

069

élévation

De la terre s’élève l’énergie vitale, provenant d’un sol stable et horizontal. Il y a étirement des membrures de l’être végétal. Celui-ci se dote d’une présence corporelle qui devient forme d’incarnation. Et cet être-arbre là représente l’esquif permettant de traverser l’océan des mondes subtils sans y sombrer .

Quant au soleil se frayant un passage entre brume et ramure, il adombre cet être-arbre là. C’est la descente de l’Esprit. Aussi haut que soit monté l’astre, le jour précédent, il finit par redescendre. La tête tombe dans le coeur .

Au centre de la butte la colonne verticale plantée en commémoration d’une fête patriotique, marque la fausse verticalisation de notre état d’être-animal social prompt à légitimer toute édification de notre faiblesse à l’encontre de la finitude qui nous accable, pour en faire un monument, un assemblage de mots qui mentent, et ce, afin de cacher notre nudité, afin de voiler le bel agencement de nos possibilités à nous développer .

La rencontre de l’arbre et de la lumière est le moment de la connaissance de l’ultime parole pour, adressant un petit signe de la main à nos enfants, nous inscrire par degrés, à pas lents et réguliers, vers ce qui nous contient et nous oriente .

Monte sur la montagne et meurs .

068

S’éduquer


     S’éduquer à l’occasion d’une parentèle, d’un lieu, d’un temps, d’une couleur locale, d’un milieu socio-culturel.

S’éduquer parce que cela se fait, et que déroger à cette obligation peut vous couper d’une insertion sociale, de l’ordinaire, de l’insertion, de la chance d’avoir une vie réussie, de la normalité.

Alors je me suis laisser éduquer. J’ai usé mes fonds de culotte sur les bancs de l’école. Obéissant, j’ai appris ce qu’il fallait faire pour faire comme les autres, pour survivre. Vaille que vaille j’ai calmé mes pulsions dans le moule sociétal. J’ai eu femmes et enfants. J’ai petits-enfants. J’ai maison et nourriture. Et puis je me suis octroyé un soupçon d’originalité qui fait ma personnalité, me narcissise juste ce qu’il faut pour ne pas devenir un mouton de Panurge.

Je me suis construit à l’ombre de mon pays, un pays civilisé où la sécurité sociale et la pension de retraite me donne de quoi profiter de ce qu’il est convenu d’appeler un repos, une tranquillité méritée !

 l’ombre de mon arbre, j’attends la mort.

Or il se trouve que je suis déjà mort.

J’ai failli à la vie. Je n’ai pas surpris la vie. Je ne l’ai pas promulguée au rang des prises de risques. Je n’ai pas voyagé. Je n’ai pas connu les autres peuples du monde. Les lourdes épreuves m’ont épargné. J’ai su maintenir la souffrance dans des limites supportables. J’ai beaucoup lu et regardé la télévision et suisau courantde pas mal de choses ! J’ai été gentil avec les gens ! Je me suis économisé pour vivre le plus longtemps possible et en assez bonne santé !

C’est à ce point d’opacité de ma conduite que l’Ailleurs m’est apparu, tel un orage par une belle journée d’été, en m’obligeant à regarder ce quelque chose de l’ordre de l’intime et de bien plus que ma simple vie. Et cette chose qui se trouve hors du temps et de l’espace me rattrape en me tirant par les basques : ” , Coco, tu ne vas pas t’en sortir comme ça, tu dois payer de ta personne ! “

Mais de quelle personne s’agit-il ? Moi qui me prenai pour un simple et anonyme individu lambda, serait-ce vraiment de moi dont il est question ?

Muaj. Je suis mis à la question ; on me torture et j’avoue : ” Je suis une Personne “.

Une Personne avec un nompas simplement le nom de ma carte d’identité nationale – , un nom gravé quelque part dans l’Univers ; j’ai un corps, un coeur, de l’énergie, une psyché, une âme même qui me confronte à quelque chose que je ne comprends pas bien, m’anime et me convoque à rencontrer ce plus grand que moiet qui pourtant est en moi –  , à rencontrer la Surprise, l’Evidence venue d’ailleurs, certains disent l’Esprit. Je suis véritablement une personne présente ; je suisPrésence ” .

Ciel, je vis ! Je Vois et je Vis ! Je fais des choses comme des promenades, je me rase, je fais de la gym, j’écris des poèmes, je fais la cuisine, le jardin, la causette, des photos avec mes proches, je téléphone, je chante même, … et me voilà happé par cette sensation d’Immensité inconnue qui m’entoure, par le Mystère et une force irrépressible qui me pousse à être réellement cet Être que je suis ; les sens, le cœur, l’âme et la psyché grands ouverts rassemblés en ma Personne et faisant face à l’Aventure ultime.

J’ai à rendre des comptes, à m’inscrire au registre des vivants. Je ne peux plus filer à l’anglaise. Une obligation de résultats me rattrape. Faire face. Faire le pas de plus qui me fera Être. Accepter. Dire Oui.

De violentes lueurs zèbrent la gueule éblouissante des nuages, une cataracte de pluie m’estourbit, l’orbe d’or d’un soleil tombé des cieux sans bornes me confond. Je m’avance tout près de l’ultime falaise. Au bout du bout.

je suisRegard “, et …  Je fonds …  Je me dissous …  Je suisAbsence ” …  et,  …  je ne suis plus là.

Ce sera là.

067


	

Offrande

 Offrande douce
 colimaçon de tendresse
 en creux de paume
 apte à recevoir la libellule
 instant fragile
 à la commissure des lèvres
 sourire dédicat
 sans affectation
 une main de reine
 prête à la relation
 pour vol à voile
 du souffle de l'esprit
 ceindre d'un bracelet de lumière
 la prière attendue
 en écho au grondement des évidences
 échancrure crue et filiforme
 d'une voix échappée à l'orée du bois
 source sacrée à demi enfouie sous la mousse
 que même l'oreille collée au sol
 ne saurait percevoir
 sans l'aide des anges.


 065 

Espérer

  " Celui qui n'espère pas n'atteindra pas l'inespérable ."  (Héraclite)

Surtout ne laisse pas ta vie se taire .

On a tous notre petite étoile qui scintille pour notre vie .

Aime et pardonne .

Colore ta vie, l'essentiel est minuscule .

Fume le calumet de la paix et ne tue pas .

Imaginer, ça rend heureux .

Des reflets de tendresse sur le fil de mon cœur, lucioles d'émerveillement .

Les hirondelles reviennent au printemps, peut-être croient-elles que l'hiver nous a changés.

Laisse éclore ton cœur .


062
( à partir de messages écrits sur les murs de Paris en mai 68 )

Repliement et ouverture

Les différentes techniques concernant la méditation et la respiration peuvent aboutir à un repliement sur soi ou au contraire provoquer une ouverture à l’égard de l’universel .

Privé d’un élan vers l’authenticité et le désir de se perfectionner, l’homme entre en médiocrité. Il est le somnambule de sa vie. Il échappe à sa propre conscience. La satisfaction qu’il a de lui-même dresse des séparations et construit une tour d’ivoire dans laquelle le sujet devient contemplateur de son nombril .

L’important ne consiste pas à être aimé mais à aimer .

Souhaiter retenir l’attention est une forme de naïve puérilité. C’est une satisfaction qui ne peut être que provisoire, basée sur le manque de respect des différences .

     Et l’ouverture, donc ?

C’est abandonner le superflu et le parasitaire. Et cet allégement peut provoquer un désarroi passager. L’instinct de propriété disparaît. Il y a vide .

Ce vide provoque un vertige. En effet, comment cheminer sans s’accrocher à quelque chose afin de ne pas tomber Toute possession rassure. Une sorte de béance, auparavant inconnue, surgit .

Le vide nous projette dans un état neuf. Sorte de simplicité s’exerçant au dehors et au dedans. Ouverture. Dépassement des systèmes, des choix, des atavismes. Le maître intérieur qui nous habite prend en charge la direction de notre être, de notre navire ; et il est à la fois le gouvernail, le moteur et même le vent soufflant dans les voiles .

L’existence n’a de signification que celle du passage du clos à l’ouvert .

061

Paix pour les hommes de bonne volonté

   Masse d'armes
à la retombée
d'un à-plomb vertigineux
l'observation dura
tant et tant
qu'au décolletage des menues pièces de métal
l'embellie ne dura point .

Ces oiseaux
passèrent et repassèrent
un vol de vautours
dans le silence de l'attente
caressant d'une tendresse discrète la houppe des pins
éraflures sagaces du reptile
exhalant un musc immonde
que même les chevaux tournèrent brides
emportant par de bruyants hennissements leurs cavaliers désemparés .

Il y avait
Muaj
liab qab
contre la paroi
cet enfant
ce fils
de vieillards hors de leur hutte
dressant vers le ciel
le bâton serpentaire
ahanant l'hymne si souvent entendu
lorsque joyeux nous rêvions d'un jour meilleur
pour entonner :
" Paix et sérénité sur terre aux hommes de bonne volonté. "


064

Transfiguration





   Cercle

par monts et par vaux

en forêt

cercle dévotionnel

turgescente carapace

le granite gratte et craque

bubon des paradoxes

qu’assagit le risque

de s’émouvoir

sur le destin au long cours .

Présence

par hasard advenue

un jour de grand vent où réunis

nous l’entourâmes

et jetâmes l’eau lustrale

l’onguent

et les herbes sacrées

dans l’encorbellement des missions

que nous avions à signifier

d’amour et d’essentialité mêlés

pour recoudre les plaies

et monter les échafaudages .

Habile tour de main

plus apte à considérer l’arrivée de la pluie

comme advenue

des moissons de demain

que d’attendre

immobile

la transfiguration .

063

La plénitude

Plaisir est un mot trop petit que nous partageons avec l’animal .

Bonheur, un mot vague qui peut être décliné de diverses manièresau petit bonheur, l’argent ne fait pas le bonheur, le bonheur des uns fait le malheur des autres .

Joie, désigne un état passager dont on sait par avance qu’il ne pourra pas durer éternellement .

Sérénité veut dire calme et tranquillité mais aussi renoncement, oubli de soi .

Ces mots ne suffisent pas à définir une posture qui approcherait l’indicible, le sans nom, le très haut .

Il faut alors se situer dans un état qui ne soit pas seulement la joie, la sérénité, le plaisir, ou le bonheur mais qui tout en les associant pourrait dynamiser l’ensemble .

Cet état, c’estla Plénitude .

La Plénitude suppose un tissage intégratif de tous ces états, fait d’analyse, de compréhension fine, de contemplation, d’expérimentation et même d’une dose de souffrance à vivre en conscience qui ne peut se départir de chacun d’eux .

C’est alors que dans le ciel paraît l’immense oiseau, le Voilier ultime, qui, associant puissance et liberté, dévoile le plein accomplissement de soi-même en partance vers le plus grand .

060

Le bonheur 2

    Le bonheur ne se trouve pas dans l'effort et la volonté .

Il réside, Muaj, tout proche .

Ne sois pas inquiet, il n'y a rien à faire .

Tout ce qui s'élève en esprit n'a pas d'importance parce que dépourvu de réalité .

Ne t'attache pas aux pensées, ne les juge pas .

Laisse ton esprit aller et venir .

N'interviens pas .

Tout part pour recommencer à nouveau, sans arrêt .

Cette recherche même du bonheur est ce qui t'empêche de le trouver comme un arc-en-ciel que l'on poursuit sans jamais l'atteindre .

Ne crois pas à la réalité bonne ou mauvaise des choses, elles sont semblables aux arcs-en-ciel .

A vouloir saisir l’insaisissable on s'épuise en vain, et dès lors qu'on relâche cette saisie, l'espace est là, ouvert, immense, accueillant .

Alors, jouis de cette opportunité, ne cherche plus, tout est déjà tien .

A quoi bon aller chercher des expériences improbables.
Cesse de t'agiter, cesse de vouloir .

Sois, naturellement là, naturellement toi .


059
( texte librement interprété de Gundune Rinpoché )