Category Archives: Octobre 2021

L’ange

Un jour   
j'rencontra mon p'tit ange   
l'était nu l'était neuf   
comme un ange à la coque    
avec du sang dans les p'tits trous   
j'lui dis : " Viens "   
l'est pas v'nu   
m'a montré ses ailes   
et m'a dit : " de quoi j'me mêle."      
 
C'est que v'la   
j'rencontre une fourchette   
l'était belle l'était verte   
avec ses dents bien faites   
j'lui dis : " Viens "   
l'est pas v'nue   
m'a piqué la salope   
avec un rire sournois   
alors j'ai pleuré jusqu'à casser des noix.      
 
C'est que v'la   
j'rencontre un soldat   
l'était grand l'était froid   
tout en jarret et en moustache   
j'lui dis : " Viens "   
l'est pas v'nu   
m'a dit : " gare à vous   
j'ai tout dans la musette "   
et ça m'a bien amusé.      
 
C'est que v'la   
j'rencontre le père fouettard   
qu'était immobile   
sans se faire de bile   
à s'faire du lard   
j'lui dis : " Viens "   
l'est pas v'nu   
est monté sur son balai   
pour aller faire un tour au Grand Palais.      
 
C'est que v'la    
j'rencontre un cycliste   
la bobine pleine de boue et de sueur   
à m'en faire peur   
j'lui dis : " Viens "   
l'est pas v'nu   
est r'monté sur sa bécane   
en m'disant : " je cherche après Titine   
Titine ô ma Titine ".       
 
Un jour   
j'rencontra mon p'tit ange   
l'était nu l'était neuf   
comme un ange à la coque   
avec du sang dans les p'tits trous   
j'lui dis : " Viens "   
l'est pas v'nu   
m'a montré ses ailes   
et m'a dit : " De quoi j'me mêle ".      
 
Alors   
j'suis rentré chez moi   
pour écrire ça.      
 
 
905
 

L’agneau, l’aigle et le dragon

Tout juste éclos   
l'agneau s'est mis en marche   
vers la porte de l'enclos.   
 
De son pas mal assuré   
bêlant d'une brebis l'autre   
il a signé l'espace de la demande.      
 
Se mêlant au troupeau   
le museau dans le frais cresson   
il a cueilli les fruits de la dévotion.      
 
Sa mère brebis approchée   
il a bu le lait de la sapience   
par petits goulées saccadées.      
 
Évaluant les limites   
faites de pierres et de branchages   
il a parcouru les lieux.     
 
Prémices d'une ouverture vers le monde   
par un passage dans la barrière   
il a pris la clé des champs.      
 
C'est là qu'un coup de vent salutaire   
l'a soulevé par dessus la frondaison   
pour devenir aigle et glapir d'effroi.      
 
Serai-je capable dans le ciel   
de circonvenir à mes connaissances   
et d'être le regard d'en haut ?      
 
Se posant sur le jardin   
il a affirmé sa grandeur   
pour former le couple mystique.      
 
Par la plume,   
le bec et l'œil
il a signé le ciel d'un accolade.      
 
Plus de souffrance   
que des danses pour l'air, la mer et la terre   
réaffirmant le règne de l'Amour.      
 
S'engager hors idéal et rêves   
pérennise la ruine des stratagèmes,   
de la division, du partage et de la mort.      
 
S'engager n'est pas croire   
aux dogmes des objets de torture   
préludant au fanatisme et à la guerre.      
 
S'engager c'est identifier notre double   
par un processus d'élévation   
appréhendant la mosaïque du mystère.      
 
S'engager c'est accepter à ses côtés   
la présence de nos compagnons de différence   
pour que se forment blessures et brèches.      
 
S'engager c'est s'en remettre   
au déversement des eaux de fonte   
pour qu'une véritable paix advienne.      
 
Alors la parole sera émise   
fraîche et forte   
par la mise à nu de nos enfantillages   
bercée par le souffle   
d'entre les feuillages bruissants   
au carrefour de nos destinées    
que l'obligé des travaux et des jours   
ne peut freiner   
dans cette ascension   
accompagnée par le clair regard   
porté sur les choses de l'Esprit   
outrepassant la solitude des grands fonds   
à même d'accueillir   
en recueillement, intimité et méditation   
le dragon à la perle   
au bord du cercle de Vie.      
 
 
905

Le balbuzard

Tu parlais d'expérience   
et ne la connaissais pas   
devant la murette   
tu essayais de t'envoler.      
 
Plus de désagréments n'arriveraient    
si ce n'est la persistance   
de cette faiblesse, la dyslexie   
blessure amoureuse aux livres oubliés.      
 
Elle lèverait les yeux   
de son regard lavé de tout préjugé   
et sa légèreté absolue   
serait marche nuptiale.      
 
Elle entrerait dans l'attente   
sans que la volonté soit faite   
jusqu'à ce que les plantes acquiescent   
dans leur bouquet de senteurs.       
 
Elle se donnerait quelque temps    
pour parvenir   
à cette butte de granite   
aux cupules consacrées.      
 
Ni provocatrice ni retranchée   
elle évoquerait sa petite enfance   
avec malice   
la tête sortie de l'eau des rêveries.      
 
Alors je volerai vraiment    
cavalier du souffle aux cheveux ébouriffés   
déterminé et sans reproche   
la voix chassant les nuages.      
 
Je rejoindrai le balbuzard   
aux performances du corps accomplies   
portant son regard sur son ombre   
afin de la connaître mieux et de l'inonder de lumière.      
 
 
903

Sarbacane des bois

Sarbacane des bois   
aux feuilles d'automne jointe   
tu t'es nourrie des rencontres   
pour manifester le courroux des possédés.      
 
Qu'à cela ne tienne   
au Caravage tu as pris   
les amples gestes tournés vers la terre   
et les coloris pastel des mots de miel.      
 
Sourire écru sous la ramure   
le vide de l'entre-deux   
a mûri pour donner   
les cynorhodons de l'amour.      
 
Puissance quatre   
au carrefour d'une fidélité sans tâche   
tu t'es levé un peu fébrile   
pour souffler la flèche de l'écrit.      
 
Belle comète   
d'émerveillement aboutie   
tu as pu entrer en déraison   
dans la peau de la chose osée.      
 
Puisse me tenir   
en odeur de sainteté   
sarbacane entre les dents   
sur le devant de la nuit.      
 
 
902


Parler aux bergères

Mille plumes de geai   
forment ramage sur cette terre   
où l'eau coule   
et le sang des humains itou.      
 
Pour plus d'aplomb   
dans le sens des choses   
téléphonez-moi   
au 0683031759.      
 
Il se pourrait   
qu'il y ait friture    
mais ce sera pour le bien du monde   
avant que la vague nous recouvre.      
 
Alors sur le mont Ararat   
il y aura soleil   
et nous serons choisi   
par plus grand que nous.   
 
En ramasse   
de la neige des hauteurs   
nous descendrons dans la vallée   
parler aux bergères.      
 
Et si la Vieille nous cause   
engageons le bras de fer   
avec ce que propose   
la rigueur de la Vie.      
 
Salsifis et poudre de riz   
engendrent la courtoisie   
sans que le noir   
éteigne l'écriture.      
 
Alors étreignons-nous   
nous les poseurs d'artifices   
en nommant à hue et à dia   
les monstres intérieurs qui font notre grandeur.      
 
Allons vers nous   
traversons les secousses   
et lâchons prise   
devant la porte des amours.      
 
 
901

Ce matin à cinq heures

Ce matin   
à cinq heures   
j'ai jeté des bouteilles de verre au vide-ordures   
pour que brisées   
elles remontent en morceaux   
et qu'à mon corps défendant   
elles reflètent la denture   
d'une mâchoire de tyrannosaure   
et que pris de panique je mette mon falsard   
pour descendre dans le jardin   
désinscrire les cris et les S.O.S   
du végétal environnant.      
 
J'ai recollé les morceaux de bouteille   
mis les bouchons à l'envers   
le culot vers le haut   
pour épeler l'alphabet du ciel   
et qu'à temps   
relire tes lettres si belles et si dodues   
pour nous ouvrir 
au fond des dames-jeannes         
 à la soif d'autrui.
 
 
900

Le reliquaIre

En voici un   
qui finira par le travers   
à compter ses pas    
dans le jardin de l'aurore.      
 
Quand les fleurs se montreront    
souvenir émergeant d'une poche usée   
il y aura pluie bienfaisante   
sur toute la contrée.      
 
Mise en grâce   
la vie quotidienne sera calme   
au fond du lit clos   
des rêves à venir.       
 
Rien de bien exaltant   
que le temps qu'il fera   
pour contempler la nuit   
la dernière en écharde du secret.      
 
Tu ouvriras ton cœur   
le pommeau saillant   
d'une solitude extrême   
sans que le merle chante.   
 
A Vincennes sur Seine   
se baignent les vingt ans   
pieuse image   
de l'âme-sœur en instance.         
 
 
899

Mobilisation du règne végétal

En quête   
requête   
de la lumière   
quand gonflent les tensions    
venues des ordres du sol.      
 
Élévation serpentiforme   
des boursouflures   
en capacité   
de promouvoir le brut   
sans que le tronc vacille.      
 
A naître   
à s'épanouir   
le règne végétal mobilise   
et diffère l'anéantissement   
des profondeurs de la terre au plus haut du ciel.      
 
Dans sa marche vers l'éternité   
il écoute   
et se fait l'organisateur   
d'un étrange circuit   
d'énergies branchées les unes aux autres.      
 
S'épanouir au milieu des airs   
et connaître de l'intérieur   
la hiérarchie des rapports faussés   
par le proliféré de nos attentes   
crève le papier de soie des convenances.      
 
Il est alors temps   
de tailler en pleine pulpe   
une épaisse tranche d'humaine condition   
aux fins d'enchanter la journée   
d'un inattendu surgi du cœur des choses.      
 
 
898

Si prête si gauche

Si prête   
si gauche   
sur le parterre des fleurs du printemps   
ses orteils s'enfonçaient   
dans l'herbe en rosée   
sous le joug énamouré   
des coquillages de la toile.      
 
Il y avait là   
un petit personnage aux jambes relevées   
qu'une barbe abondante   
ancrait au solstice des épousailles   
et que l'instinct avait abandonné   
quenouille au milieu d'un pré   
à la livrée de page.      
 
Dans l'embrasure d'une fenêtre   
une parole créait le temps   
comme on se fourvoie   
sous les cintres du théâtre   
à moduler quelques sons   
alors que passent les âmes blessées   
des sortilèges passés.     
 
Élégamment agreste   
la main-forte d'un au-revoir   
chargeait les bagages de l'aube   
pendant que s'affairaient à petits bruits   
les acteurs de la marche du monde   
dans le piétinement   
fait des pépites de la fine fleur de l'être.      
 
 
897

À Frédérique Lemarchand

Tendrement   
au creux de mon épaule   
je t'accueille femme de lumière   
et t'accompagne dans cette ascension   
de cœur à cœur   
dans l'accomplissement de ton œuvre   
toi   
à l'état d'enfance spirituelle du vieux sage   
tu te prépares à ta naissance   
en empruntant le chemin des estives   
délaissant l'enveloppe   
pour que le noyau enjoigne la terre d'en haut.      
 
La Parole se répand   
quand initiation achevée   
elle ne sait pas elle-même ce dont elle va éclore  
ni au service de qui elle émet.      
 
Tu es parvenue   
icône 
véritable véronique   
et ta face enfouie dans le lin   
peut monter jusqu'en surface   
pour reconnaître chez tout un chacun   
la possibilité de faire Un.       
 
896