Prothèses et démangeaisons

 
 Ces rides de ce que nous savons    
 nous entraînent plus que de raison    
 ces rides botoxées    
 n'augurent rien de bon    
 si ce n'est de transformation    
 tellement le doute est là    
 à se passer d'explications    
 de main en main    
 devant la nécessaire marche en avant    
 vers un monde qui n'existe pas encore    
 nous les adorateurs des choses conclues    
 avec plein de passe-droits dans les poches    
 pour éviter la surprise.        
  
 Je confesse de m'être assuré    
 pour que rien ne puisse m'arriver de désagréable.        
 Je confesse d'avoir vécu petit    
 en adorateur du petit rien.        
  
 Je confesse d'avoir jouer avec le temps qui passe    
 pour que celui-ci dure plus longtemps    
 sans savoir qu'en faire.        
  
 Je confesse d'avoir vécu hors-sol    
 sans se soucier de la terre    
 hormis des images d’Épinal    
 aux multiples entrées    
 en quête du loup de la fable 
 qui mange les chèvres     
 et se croit plus libre que le chien.        
  
 Je confesse d'avoir ouvert la boîte de l'imaginaire 
 de tant de poussières accumulées    
 prises pour le terreau nourricier    
 d'une gambade dissolue    
 à dire merci au tournoiement des instincts.        
  
 Je confesse d'avoir réinventer le monde    
 juste en changeant de vision    
 sur place sans que rien ne bouge.        
  
 Je confesse d'avoir parcouru la zone critique    
 des louanges invétérées    
 pour me pourvoir en creux    
 sur les sables mouvants de l'incertitude    
 sans voir le cœur de l'anéantissement.        
  
 Le vent ride la  plage    
 et les âmes frissonnent.               
  
 Le confinement ride le plagiat de nos habitudes.       
  
 La vraie terre ride la petite terre    
 où je crois vivre.        
  
 Les lambourdes du toit craquent    
 le cyclope s'endort    
 le loir grignote une prise de guerre    
 en dernière intention    
 le silence se fait.        
  
 Que faut-il garder de ce chambardement ?        
  
 Va falloir muter    
 et laisser aux orties de l'oubli    
 prothèses et démangeaisons.        
  
  
 717
   

Les chemins du royaume

 
 
 Mille voix ont dispersé nos pensées sur l'horizon    
 en passant de vie à trépas      
 nous nous sommes enfouis sous terre    
 à remonter des sombres galeries    
 la matière grise de nos haines.        
  
 M'esclaffant sur le devant    
 là où la pierre rejoint la terre    
 la salamandre occupée à parfaire son trou    
 rejoignit le vair des escarboucles    
 de ton passé de reine.        
  
 Point d'usure    
 au paraître de la situation    
 pour peu que nos regards se joignent    
 ancrage vertical    
 sur l'horizontale de nos besognes.        
  
 Ne garde plus près de toi    
 les sourires sans escorte    
 de ces soldats de passage    
 gardant en récépissé    
 notre élan sacré.        
  
 Il est de première  main    
 que nous absolvions    
 cette écoute du coin des rues    
 pour que l'étrange étranger    
 nous saisisse avec perte et fracas.        
  
 Il y eut de la magie    
 en retour de cette escapade    
 où le talon pris dans les grilles    
 effaça l'ombre adjuvante    
 de nos topiques secrètes.        
  
 Figurez-vous qu'ils l'emplirent    
 cette cuve de zinc à l'entrée du pré    
 et que le pivert au marteau    
 heurta nos vespérales espérances   
 du qu'en dira-t-on ma chère.        
  
 Et puis pour tout se dire    
 parmi les couronnes et brassards des communiants    
 il y eut l'échange des alliances    
 cette passation du cantique    
 au plaisir d'être ensemble.        
  
 Se mettre en caravane    
 sous le harnais des maîtres de forge    
 force l'outrecuidant    
 à se mirer dans l'eau du bief    
 le temps que l'acier durcisse.        
  
 Associant la rive et le fleuve    
 à grandes brassées de fleurs    
 le pauvre petit garçon    
 dans son veston du dimanche    
 se tint coit contre la pile de bois.        
  
 Rassembler les pièces du puzzle    
 en faire les tours de nos villes    
 être le fer et l'huile    
 de cette errance cardinale    
 sur les chemins du Royaume.        
  
  
 716 

Les roses montées de l’espérance

 
 
 Se suivent en se taquinant    
 les roses montées de l'espérance    
 à la pointe de l'index    
 là où le désir légifère.        
  
 Il n'est de romance    
 que la lente coulée des laves    
 le long des bougainvilliers de l'esprit    
 ô pochade de l'enfance !        
  
 Assagi au contact de la plaie    
 l'obligé mariage    
 geignait d'avoir à être    
 alors qu'il avait déjà été.        
  
 Serment vrai de la nuit    
 en sa lune ascendante    
 l'errance invite la peur    
 sans que le hasard se mêle.        
  
 A la décoction des songes    
 au décaméron des rondeurs    
 à la hune du voilier    
 le vermillon prolonge ses coulures de sang.        
  
 Affligée d'être le rival    
 d'un courageux bravache    
 la tâche des imprécations    
 fût de solliciter l'inaccompli.        
  
 Émargez de votre âme    
 le passage des oies    
 augure du regard las    
 de la montée des foules au printemps.        
  
 Ne vous méprenez pas    
 il y aura de l'avoine à foison    
 pour que l'araire salvatrice des pèlerins    
 se prête à la malice.        
  
 Égarez-vous    
 mais sans vous méprendre    
 au bois joli des mirlitons    
 le corps en pâmoison.        
  
 Les haruspices dédiées au pourvoyeur    
 les lucanes crissèrent    
 d'un élan chamarré    
 de coques de noix dispersées.        
  
 Étrange passante    
 au gré des soûleries de printemps    
 nous pûmes rejoindre le campement    
 sérieusement atteints par la rebuffade.        
  
 Elle avait le goût des fraises sauvages    
 la roseraie de mes amours    
 et le vent qui soulevait ses tresses    
 laissait filtrer l'onde de son miroir.        
  
  
 712
   

Foyer auvergnat , pavillon numéro quatre

 

 Les femmes sont amoureuses    
 et les hommes solitaires.        
  
 Ils se volent mutuellement    
 la solitude et l'amour.        
  
 Ô la nouveauté du souffle    
 de celui qui voit    
 une étincelle solitaire    
 pénétrer dans la rainure du jour !        
  
 Il faut réapprendre    
 à frapper le silex    
 à l'aube    
 et s'opposer au flot des mots.        
  
 Seuls les mots    
 les mots aimants    
 matériels    
 vengeurs    
 redevenus silex    
 clouent leurs vibrations    
 aux volets des maisons.        
  
 Dans ma jeunesse    
 le monde était un blanc chaos    
 d'où s'élançaient des glaciers rebelles.        
  
 Aujourd'hui    
 c'est un chaos sanglant et boursouflé    
 où l'être le mieux doué    
 n'est maître que de la bouffissure.        
  
 Le train disparu    
 la gare part en riant    
 à la recherche du voyageur.        
  
 Aromates chasseurs.        
  
 Il est des cas limites    
 où retentir à l’événement    
 la délivrance de la vérité doit rester secrète    
 où nous devons souffrir pour la garder telle    
 où la nommer    
 c'est déloger la clé de voûte    
 qui précipitera au sol tout l'édifice.        
  
 Mais comment apprendre sur le tard ?    
  
 La parole écrite s'installe    
 dans l'avènement des jours comptés    
 sur une ardoise de hasard.        
  
 La parole ne témoigne pas    
 avant le fondement    
 mais répond    
 entre deux vapeurs humidifiantes.        
  
 Ma mémoire est une plaie à vif    
 où les faits passés    
 refusent d'apparaître au présent.        
  
  
 711
   

Les chevaux du désir

 
 
 Frapper du sabot contre la porte    
 mène à l'idée rebelle    
 des joutes médiévales    
 écumant d'heureuse manière  
 les stalles de suint gras    
 des chevaux au désir accoutumés.        
  
 L'odeur musquée    
 emplit les chemins de traverse    
 aux reflets irisés    
 d'une tendre attention    
 tels les yeux du crocodile    
 au dessus du bayou.        
  
 Guirlande virale    
 accrochée aux cintres de lumière    
 les moines marins    
 chantèrent à reculons    
 dans la vague replète    
 le si bémol de l'onde.        
  
 Chansons de miel    
 sur le devant du fournil    
 à califourchon sur la bête    
 il suffisait d'accompagner les Don Quichotte    
 de moulin en moulin    
 le calame à la main.         
  
 Attendue par devers l'horizon    
 la pluie vint sur le tard    
 aux mains des champignons    
 crépus et bossus    
 que la décente Angèle    
 caressait des yeux.        
  
 Menant par la bride coutumière    
 la rosée des considérations    
 au Pré Madame    
 près des gentils garçons    
 les feuilles gourmandes de sève    
 frisèrent goulûment.        
  
 Évidons la coquille    
 pour de belle engeance    
 engager la conversation    
 au filtre du crépuscule    
 à modeler la romance      
 des femmes fleurs ajourées.        
  
 Tombée puis relevée    
 la huppe à tire d'aile    
 saisit le gant    
 par devant le château    
 sous la tonnelle épaisse    
 aux mille grappes permissives.        
  
  
 710
   

L’homme à la voix rauque

 

 Petit Jean    
 dans son sac de jute    
 courrait comme un lapin    
 sans que les clapiers pâtissent.        
  
 Un soleil franc    
 par dessus le clocher    
 arguait de la fuite du temps    
 sans que le vieil homme ne graille.        
  
 Sous l'appentis    
 le linge séchait    
 les mouches bousillaient    
 sans que le chat s'éveille.        
  
 A brides abattues    
 le cabriolet frisa l'incident    
 devant les écoliers figés    
 sans que le chien n'aboie.        
  
 Au vent venu    
 les lanternes chinoises brûlèrent    
 d'une allusion l'autre    
 sans que monsieur le Maire s'en mêle.        
  
 Les traces laissées    
 sur la terre rouge    
 parurent mains de Vieille    
 sans que la cloche sonne.         
  
 Sous le portique de l'entrée    
 les enfants s'étaient arrêtés de jouer    
 un ballon finissait de rouler    
 sans que le lézard ne bouge.        
  
 Elle traversa le passage    
 à petits pas légers    
 un panier d'osier au bras    
 sans que les poules caquettent.        
  
 De l'orgeat fût servi    
 dans les grands verres en carton    
 avec force déglutition    
 sans que le rêve n'émerge.        
  
 Si ce n'est près de la combe    
 là où le chemin tourne    
 que l'homme à la voix rauque    
 se mit à rire aux éclats.        
  
  
 709
   

En tombée de nuit

 

 Du bois en tombée de nuit    
 les lutins et les loups se rencontrèrent    
 près de l'arbre généreux    
 d'un dernier orage abouti    
 équarri sèchement    
 au soir de tous les dangers    
 que les cavalcades multiples    
 éclaboussaient de terre et de lumière    
 ma solitude mon épouse absolue    
 aux formes de danaïdes éperdues    
 en assoupissement des consciences    
 alors que se condensaient     
 virevoltantes les idées noires    
 de la criminalité magmatique    
 dernière jetée de roses    
 sur le trouble des offrandes au sylvestre seigneur.        
  
 Il y avait de la sollicitude    
 à pourvoir de branlante manière    
 la barque ouvrière    
 signe de sang    
 sur le dévers récent    
 des palabres ourdies    
 devant le chêne aux neiges éternelles    
 proie aux retombées apocalyptiques    
 de quelques mots    
 accompagnant les oies cendrées    
 vers le rivage    
 d'une chambre d'enfant ouverte        
 sans que l'œil du prince intervienne    
 en caresse de mère    
 infime attention de la plume discrète    
 contre la joue de duvet    
 que le souffle amuse d'une tendre attention    
 au petit jour d'un sourire.        
  
 J'ai beau changer de place    
 la perspective toujours identique    
 prolonge ses lances guerrières    
 sur le papier avion d'Indochine    
 qu'une écriture fine ensemence de pleurs    
 aux échelles du temps arrimées    
 en attraction de cette jungle    
 où se fit saisir par la manche    
 vers le bal des maudits    
 l'enfant-soldat se détruisant    
 à vouloir donner sens à sa vie    
 bien que rangé par tranches d'âge    
 le "rouge et or" de nos prix    
 enfonçât le fer incandescent    
 dans la plaie millésimée
 des allers et retours    
 de l'immoralité à tirer leçon de toute chose.        
  
  
  
 708