La vie aime les candides

     Elle s’insinue dans nos lacunes telle une plante vivace qui prend racine dans la moindre fente .

Elle comble celui qui va la chercher car l’on y devient riche que de ce que l’on perd et l’on y trouve que ce que le Coeur sait dejà .

Et puis les choses ne se perçoivent qu’à la faveur d’un contre-jour, d’une fracture, ici et maintenant. Les mots n’émergent que sur une page blanche. La musique n’éclate que par le silence entre les notes .

La faille .

Ce qui se creuse et dont on a pas touché le fond .

Une lune en plein jour .

Cet espace vide, ce champ matriciel, n’est-il pas celui de ma patience ? Celui où mon amour conjoint au détachement ?

056

Marcher

 En aspiration lente
le développé des dalles arrondies
hausse le ton vers l'effort
S'écartent les pierres moussues
les piquets de pâture en perdition
S'offre le gai rivage des terres à venir
La feuille sèche
converse avec le soleil de brume
filtrant son éveil
en pente douce
le pas ample
il monte
l'homme au sac rouge
Par une régulière méditation
il franchit l'obstacle à venir
d'une marche présente
vers sa propre rencontre
sous la lumière basilique
d'une mandorle
à honorer les siens .


055

Le buisson ardent

    A l'entrée colorée des bras ouverts de la vie
au dévers de mon chemin
je rencontrai le soleil
un soleil automnal
énamouré de brumes passagères
aussi se retrouver vêtu de lumière
me permis de cligner de l’œil
et d’apercevoir le pourpre de l'automne
Je butais contre l'au-delà de moi
contre le filtre ceignant mes reins
moi et mon environnement
et j'étais forme
Je butais contre le filtre qui m'empêchait de signer le futur
et le filtre se fit miroir
où se refléter
l'humeur maussade
à l'endroit exact
que justement je tentais d'éviter
dont je croyais m'échapper
et c'est en m'élevant
que je pus me permettre
d'enjamber la haie d'épines et de ronces mêlés
me séparant de l'objet de mon désir
juste jeter un coup d’œil
circonflexe écueil comme une histoire à raconter
mal m'en pris
je rebroussais chemin
pour revenant à la charge
mon visage contre son visage
me coller à s'y méprendre
d'être moi
d'être l'autre
et cela brûlait
si fort que la déraison éclaboussa de fruits amers
le palais de ma semence entretenue
les aristos étaient à la lanterne
les cadavres exquis s'offraient au regard
de monstrueuses protubérances apostrophaient le tronc des hêtres
un passage néanmoins se fît
entre l'écorce et l'aubier
pour m'entendre se dire :
" Fige-toi en l'or du temps
sois vertes pâtures
et tendre soumission
sous la dent du troupeau
et surtout n'oublie jamais le cœur de la tradition
sois d'airain
sois le coutre du paysan
l'épée du chevalier
et le saint chrême du prêtre
pour d'huile et de baume
te nourrir et aller
mon fils, mon amour. "


054

La pensée et les pensées

Les pensées sont des images mentales qui embarrassent l’esprit et qui nous font réagir hors de toute référence à la réalité. Elles tournent en rond et nous occupent lorsqu’on ne sait quoi penser. Elles se réfèrent à ce qui a déjà été dit et tissent un foisonnant faisceau de rapiècements, de ravaudages, de stéréotypes, en encensant, plus ou moins élégamment, celui qui se propose d’être le faiseur de bons mots, le détourneur de l’originalité, le fossoyeur de tout effort à s’extraire des habitudes .

Les pensées sont comme un vol d’étourneaux plus aptes à parader en d’étranges circonvolutions dans un ciel de traîne, qu’à exprimer la lumineuse solitude d’un individu en proie à la tristesse causée par le départ inopiné de la meute .

La Pensée, elle, est essence de l’Univers. Elle est la source ineffable de possibilités surgissant de nulle part. Elle est, au débotté, la surprise du chef, pas nécessairement bonne mais qui interroge, qui occasionne le trouble dans les choses acquises et sollicite la déviance, le pas de côté, comme moyen essentiel à se dépasser .

La Pensée réfléchit la source lumineuse et n’a qu’un désir ; c’est de se diffuser .

De commencement en commencement, la Pensée acquiert une appétence à faire vivre ce que l’on est, en passant de l’Inconscient au Conscient pour aboutir au Transconscient .

C’est à ce point, qu’alors étant agi, nous rentrons dans la Conscience réflexe pour développer ce qui vit autour de nous .

Ainsi nous faisons alors irruption dans l’espace lumineux de l’Action. Nous parachevons une expérience de la Pensée qui nous extrait du brouillard du survivre afin de nous amener à vivre libre .

053

Sagesse et tradition

Dans la sagesse et les traditions de tous les peuples, il y a l’envie pressante de reconnaître en la Vie, en la Mort , et aussi en nos petites morts et résurrections de tous les joursles Initiatrices d’un monde derrière le monde .

Convocation essentielle pour engager leConnaîs-toi toi-mêmeou l’Alpha et l’Omega de notre cheminement .

Il n’est pas nécessaire d’attendre notre dernière heure, pour savoir ce que l’avenir nous réserve . Nous sommes déjà par notre engagement existentiel, nos expériences et nos relations comme au théâtre d’ombres .

Et la Conscience nous somme d’engager leDialogue intérieur. “

Du ballet dans lequel nous nous débattons, ballet d’énergies, secourables ou effrayantes à l’instar des divinités paisibles et irritées de la tradition bouddhiste, c’est à nous de discerner en elles et au-delà d’elles, la Claire Lumière, la nature réelle de l’Esprit .

Et celà implique un travail de tous les jours, un mouvement perpétuel fait d’identification et de désidentification, d’impatience et d’obligation à la patience, au désir et au détachement du désir .

De tout ça nous sommes l’Acteur et le Témoin .

De voir ces forces et leurs expressions, bienveillantes ou destructrices, redoutables ou démunies, nous conduit à entrer dans la souffrance et la joie afin d’être touché au profond de nous-même .

C’est en vivant ces épreuves, en les rencontrant par l’analyse, en traversant le voile des émotions et des contrefaçons, en pratiquant la compassion et la gratitude, que nous pouvons trouver la paix et le détachement .

052

Victor

 Il y a un demi-siècle. 
Un homme, son arrière petite fille et un jeu .
Cela se passait au début de l'été . 
Nous avions décidé de pique-niquer .

Avec son couteau usé qui ne le quittait pas, 
le vieil homme, surnommé "pépé tic-tac", tailla 
sur un chardon robuste à tige creuse
un morceau d'une vingtaine de centimètres
ayant d'un côté une terminaison simple 
et de l'autre trois bouts se rejoignant en un même nœud. 
Cela semblait une petite fourche à trois dents. 
Puis sur le même chardon il alla prélever une 
courte tige.
Avec le poinçon de son couteau il fit un trou 
au milieu de celle-ci pour ensuite l'enchasser sur la dent
médiane de la fourche de bois .
Tenant l'ensemble par son manche et le faisant 
rouler entre ses doigts, dans un sens puis dans l'autre, 
il donnait un mouvement de va et vient 
au chardon creux qui alors frappait 
alternativement les deux dents extérieures de
la fourche .

C'était ludique, dynamique, captivant, et le 
choc répété des bois créait un son sec et mat 
rappelant quelque insecte aux élytres 
bruissantes .

Un jeu. Une culture. Du temps où les enfants 
jouaient avec des objets naturels réaménagés, 
alors portés par l'imagination au-delà de 
l'utilitaire simple, au-delà de la parodie 
réductrice du strict geste des adultes.

Se dessinait ainsi une théâtralisation 
artisanale intégrant le corps, l'âme, le cœur 
et l'esprit pour interroger la source et le 
mystère des origines de toutes choses 
représentée par la nature.

Au delà du jeu, il s'agissait aussi, de la 
rencontre du vieil homme et du jeune enfant 
autour d'un objet-reflet, clé d'un rite 
initiatique où l'enfant accède par une
reconnaissance active à un monde qu'il cherche 
à mieux appréhender grâce au don aimant de 
l'adulte éducateur et par sa propre expérimentation .

Le Vieil Homme. 
Un Passeur 
rappelait la Tradition 
pour Ouvrir à la Vie. 

Puissions-nous continuer 
d'être sur un chemin 
de connaissance et de croissance
en relation avec la nature.


051

 

 

L’homme cet ego altruiste

 Au sein d'un groupe capable de solidarité, 
d'entraide et de fraternité, chaque individu
a davantage de chance de survivre,
que dans une horde qui ne connaîtrait
que le chacun pour soi, la violence et la rivalité .

L'homme est capable de souffrir
de la souffrance de l'autre par la compassion,
de se réjouir plus rarement de sa joie
par la sympathie
et de trouver son plaisir
dans ce qu'il donne, autant ou davantage
que dans ce qu'il prend ou reçoit.

L'amour réconcilie égoïsme et altruisme.
Quand nous faisons du bien à celui
qu'on aime, nous en faisons aussi à nous-même ;
puisque sa tristesse nous attriste,
puisque sa joie nous réjouit.


050

Guérir nos êtres

Dominés par la société de consommation 
fondée sur la croissance économique, nous 
devons impérativement nous orienter vers une 
évolution intérieure, mais aussi sociétale, 
se traduisant par le passage d'une 
logique quantitative et mercantile 
- qui va à notre perte - 
à une autre logique, qualitative, 
mettant l'homme et le respect de la nature 
au centre de nos préoccupations .

C'est par cette voie que nous pourrons 
redécouvrir des valeurs universelles, 
telles, la vérité, la liberté, la justice, 
le respect, l'amour et la beauté .


 049 

Un torrent dévale la gorge à grandes fricassées de labiales pierreuses

 En décélérations irrégulières
 d'un goulet l'autre,
 d'un élargissement inclinant 
 à une reprise de souffle 
 à une zone de rapides 
 suscitant une effervescence moussue.
 
 Il se fraye un passage 
 en force 
 brassant l'air 
 et faisant monter 
 l'odeur d'ozone de l'eau 
 en une bruime inhalée 
 avec euphorie, 
 il va vers les basses terres.

 L'Esprit est torrent.

 Les idées surgissent, disparaissent, 
 ou s'organisant 
 contactent alors la pensée 
 qui frappe à la porte du Réel 
 et demandent 
 à devenir Formes 
 à être prises en considération.

 Si ce n'est le cas dès lors qu'on se fige 
 en une posture définie par le souci de sécurité 
 ou le vouloir tout comprendre, 
 les émotions parasites 
 telles les peurs, la colère, 
 la haine, l'orgueil, le quant-à-soi 
 font alors barrage à la vie ; 
 il y a souffrance.

 Une voie de sagesse 
 consisterait alors à faire siennes 
 les turbulences du torrent, 
 à devenir fétu de paille 
 balayé par plus fort que soi, 
 pour, l'agitation passée, 
 les basses terres 
 en vue, 
 être par l'Esprit advenu, 
 la Réalité 
 en accord lumineux avec son Mystère.

 041 

L’amour inconditionnel n’est pas la tolérance absolue

Il est bienveillance et accueil à ce qui est 
ici et maintenant.

Il est ouverture du cœur.

Alors la surprise peut advenir. 

Et celle que par essence on n'attend pas surgit 
au détour d'une disponibilité, d'un lâcher prise 
que l'on s'accorde.

Telle la lumière entre terre et ciel, 
le numineux surgissant d'un contact entre soi 
et un environnement permet le développement 
d'un cycle de croissance pouvant nous soutenir 
vers notre réalisation la plus profonde .

 042 

La présence à ce qui s'advient