Sérialité des départs

Sérialité des départs
Sous une lune fraîche
Dans la vapeur d’eau suspendue
Je vais.

D’un endroit l’autre
L’événement vécu
Là où je me trouve
Je pars.

Seul à seul
Devant les objets décrits
J’emporte le pistolet
Qui me fera dormir.

De temps en temps
L’enfant pousse un cri
Pour entrer dans le jeu
Alors j’agrandis le cercle.

L’appel à la raison
Crée débauche existentielle
Passation au laminoir des obligeances
En sortie de chaîne.

De mort en mort
Les sauts de puce de la vie
Effeuille l’arbre généalogique
Décor de fond de scène.

L’amour ne gomme pas la séparation
Sous l’emprise des besoins
Geignent les mort-nés de l’oubli
Dans l’enfer des réponses données.

L’éprouvé de ce qui est
Aide à croitre et à s’épanouir
Alors que l’écoute authentique
Se dénude des présuppositions.

En lien avec l’autre
Le désintéressé poursuit son chemin
S’affranchissant de tout espoir
Il pare au plus pressé.

Sur la toile du meunier
J’écris ton nom
Venant du bout du monde
J’arrive de l’autre côté du miroir.

Fleure bon
Au passé présent avenir
D’un théâtre d’ombres
La flèche à décocher de toute éternité.


1673


Passage du onze novembre

Je me suis assis

À la terrasse de la brasserie de la lune
Devant l’érable rouge
Où les trams de droite à gauche
Puis de gauche à droite
Lancent de droite à gauche
Et de gauche à droite
Leurs flammes volcaniques.

En face
Y’a le « petit creux »
Et ses odeurs de gaufres sucrées
Restes d’hypérites de la rue du onze novembre
Année de fête mortuaire
Amoncelant la prune écrasée
Des écuries dévastées
Par le pilonnage de l’artillerie.

Y’a pas à se fendre la gueule
Pas à se plaindre
Du trop de gueules cassées
En plein dans le mille
C’est comme ça
La balade des mourants
Enuclés
Tripes à l’air
De vie encore tiède
Quelques heures avant le froid
Des nuits et des jours
À venir
Rien qu’une forme terreuse en fond de tranchée
À trancher le morceau
Entre rats et vermine
Sur la planche d’appel
Saut de l’ange
En bord de page
Au stylobille
D’un bruit de talons à aiguille
Sur le pavé
Sonnailles claires que la sonnerie du convoi convoque
Pour le commerce pneumatique
Des humains descendants et remontants
Compulsivement
Le corps des femmes teintés de feuillages
Dont les culs ronds
Rabibochent un port de tête altier
Testiculant mes tendances à la romance.

Ils vont et viennent ces gens
De leurs jambes obstinément agitées
Vers des lieux ignorés
Avant que le wagon hoquète
D’une goulée d’air
Pour s’ébranler de nouveau
Dans le flot de la circulation motorisée.

D’être à l’entrée de cette rue me rend gaillard
En me plaçant aux avant-postes de la figue et du raisin
Entre chien et loup
Marteau et faucille
Saqué et Royale
Au creux des miches tendres
Belles labiales humaines
Mes sœurs de déraison
En pente descendante
À cocher le tien du mien
Sur la poche révolver
Comme sanctuariser ces paroles
Qui de long en large
Le sourire aux coins des lèvres
Admettent des mots à rire
Et à pleurer.

Je scrute la calembredaine
Me balançant dans le fauteuil en osier des parents
J’écoute le dire des gens en demande
Et ça rentre par mes oreilles
Du cœur de la tête au ventre attelé
Dans le cortège zézayant des ventriloques de l’avent
De l’entre-deux
Pour exhaler des mots de paix
Des mots de musique
Dans une émotion qui hulule
Et que le verbe se fasse chair
Juste-au-corps respirant en catimini
L’escalator d’une histoire de couple
Convoqué en première instance
Un ballotin de dragées dans la main
Conspirant du haut en bas d’une fermeture éclair
Les soucis de la veille
À concasser
À bestialiser
La provende de l’intime
Sur un tour de piste
Juste rétribution
Où plonger l’ego le ça le surmoi la personnalité
Dans l’écuelle du passé
Au gré des remontées de bile
Accompagnant la relation
Au summum des accoquinances
Danses surannées d’un pas de deux
Gonflant la robe au gré du vent
Génuflexions acidulées
Au loquace de la pluie
Dépliant ses lumignons
Du bout des doigts
Quand le sourire n’est pas toujours d’à-propos
Et que la guerre des nerfs
Fait et défait les humeurs de l’instant
À découper dans le sens de la longueur
À mesure d’une roucoulade
Biseautée au rhum du définitif.

Sur les conseils d’une opticienne
Qui avait mal aux reins
J’ai pris rasade de projets disjoints
Avec suffisamment d’états d’âme
Afin d’extraire de mon saloir
Quelque belles histoires
À festiner au salon
Pour davantage de confiance à me donner
Comme d’huile à verser dans les amphores du seigneur
Au firmament d’un jour meilleur
Écume saladière disposée pleine table
Dans l’arc-en-ciel des doigts de fée
En l’accord négocié d’un gros nez de circonstance.

1672


Le grandir de l’Être

À Augerolles un 4 octobre 2025
À bras le corps
Les deux termes de la dualité se sont fait face
Par leur présence et leur association
Comme figures de la totalité
Jour-nuit
Intérieur-extérieur
Haut-bas
Endroit-envers
Activité-repos
Masculin-féminin
Chaud-froid.

Contraint à la lutte
L’entre-deux n’ampute ni ne divise
C’est là que réside la richesse
Dans la comparaison et leur différence
Que peut s’apprécier et se goûter
La valeur de l’un et de l’autre.

La réalité se réalise
Au-dessus des deux termes
Associés dans leur complémentarité
Et non dans la tentative d’isolement
Ou de suppression de l’un d’eux.

L’adversaire n’est pas l’autre
Mais un aspect de nous-même
Le conscient interroge l’inconscient
Rencontre entre le moi pragmatique
Et le moi idéaliste
Entre celui qui ne veut pas
Et celui qui exige
Entre celui qui veut goûter l’enfer
Et celui qui veut voler avec les anges.

Terrestre et céleste
Matérielle et spirituelle
Notre nature est composée
Tendue entre deux pôles
Et le personnage que nous présentons
N’est que la moitié de nous
Que nous avons à faire naître et croître
Mouvement en apparence contradictoire
Séparation-union
Leçon de maintien dans la voie du milieu.

Succession des épreuves
Pour que l’être se révèle à lui-même
Avec ses contradictions.

Réalisation d’un équilibre
Et d’une harmonie
Sans cesse remise en question
Continuellement rétablie.

Chaque pas sur le chemin
Est progrès en conscience
Avec prise de distance
Afin de discerner
Et faire sien ce qui va être intégré.

Et l’Ardent
De se mesurer à cet inconnu
Qui doit devenir une partie de lui-même
Dans le grandir de l’Être.

1671

Corps unique du foyer

Du monde des lumières
Un point mathématique
S’est fait le transfuge
D’une fêlure divine
Pour écarter d’un doigt gourd
La ballant de l’horloge
D’un destin fait de musc et de fards.

Musique indescriptible
L’or et la flamme d’un système galactique
Tourbillonnent tels électrons
De l’énergie sombre
Assignée en succession des âges
Dans la crypte de l’ancienne mémoire
D’être sujette à la Beauté.

Plus de pierre angulaire
Plus d’arbre sacré
Cette apparente immobilité
Se confond dans l’extension à l’infini
Réminiscence d’une omniscience primitive
De la naissance à la mort
Corps unique du foyer.


1670

Au farfouillis des arbres hivernaux

Au farfouillis des arbres hivernaux
La vie se la conte belle
En étirant branches vers le haut
Convocation des vertèbres à craquer
À croître à prospérer
Comme mars en carême
Où joindre le ciboire d’argent
Au soleil en dentelles.

L’ombre est là
L’ombre cyclothymique
Des expirants inspirants
Du dernier souffle
D’un dernier soupir
En rendant l’âme
Vives possessions étalées
Au plus offrant des anachorètes.


Ils ont circulé d’un point l’autre
Les autochtones de la conscription
Leurs mains du désir d’apprendre
Aux doigts enchevêtrés par le verbiage
Contemplant la course instinctuelle
D’un lâcher de colombes
Alors que dehors il faisait froid
À pincer le luth au couchant de l’instant.


1669

Le petit garçon doux

Simple
Et pourtant là
L’air entre les deux narines
Il a respiré
Sans que la respiration le change.

OK
C’est parti
Du contenu des tiroirs
Le fourbi fait chose durable
Il récapitule.

Désirer qui vous désire
Un peu de peinture craquelée
Sur la porte de l’église
Occasionne d’entrer à deux
Vers le prie-Dieu des certitudes.

Replonger en elle
Comme on médite
Au fond de la mer
Au plus profond de soi
Yeux dans les yeux.

C’était réel
L’un contre l’autre
À marmonner quelques borborygmes
En bougeant à peine
Un vieux truc quoi.

De la main droite
Il a écarté sa main gauche
Serpent strié comme zèbre
Dardant langue fourchue
Sans anesthésier la plaie.

Index et majeur écartés
Un rire
Avant de glapir
Un « on y va »
Sans le soulier de satin.

C’est une technique
Faites l’expérience
Les corps se joignent
Vers une seule tête
Ointe d’huile odorante.

Morceau de bravoure
Légende dorée
Se connaître l‘un l’autre
Contre l’arbre-Roi
Endigue ses angoisses.

Je pleure
Des larmes coulent de mes joues
La misère humaine brouille mes entrailles
Je suis humilié
Misère des naufrages.

Monter sur l’estrade
Occasionne montée d’adrénaline
À voir cet homme respectable
Consoler la fée aux mille artifices
Avant de perdre la raison.

Ils briment
Ils humilient
Le petit garçon doux
Saisi par l’altercation fine
De vivre en bonne compagnie.


1668

La place de chacun

La place de chacun
C’est là où il est.

L’abeille
Sur la fleur de cerisier.

Le méditant
Sur un zafu de bonne tenue.

Les pensées paisibles
Devant un ciel gris.

Un babil intérieur
Après un commentaire bavard.

Un bracelet brésilien
Sur une poignée gracile.

Une boucle d’oreille
Chuchotée sur un lobe.

Une voix douce
Entre deux rires.

Des mots de miel
Dans une foule affairée.

Un doigt pointé
Vers la lune claire.

Le premier chant d’oiseau
D’un matin frais.

Quelque chose qui se passe
N’importe où.

Une grâce
À saisir.

Une cravate oscillante
Sur une pomme d’Adam saillante.

L’instant présent
Entre deux autres instants.

Vaquer au soin de son corps
Comme si rien ne se passait autour de soi.

Écrire une histoire
Sur un carnet de moleskine.

Dédier une page blanche
À l’inconnu de passage.

Évoquer une rencontre
Comme si c’était la première fois.

Tartiner ses rêves
Pendant le petit déjeuner.

Saisir la main de l’autre
Par surprise.

Faire la bise
Sans pourquoi ni comment.

Dissoudre un médicament
Dans l'eau de seltz.

Le pouls bat
À même les veinules sous la peau.

La perception d’une relation
Dans plus ou moins de réel.

L’enfant qui pleure
Devant l’ascète immobile.

Un oiseau
Signe l’avenir.

C’est venu de moi
Quand j’ai défié les dieux : hybris.

Je vieillis
En remerciant l’amour.

C’est mon métier
De mettre moustache sur les œuvres dédiées.

Je suis ce que je suis
Avec miséricorde.

J’ai désiré d'Être
Durant trente six années d’écriture.

Les bifurcations de ma ligne de vie
M’ont fait voir du pays.

Je raconte ce qui m’est arrivé
Jusqu’à ce que l’aube paraisse.

Toute cette peine compulsée
Pour que surgisse un espace de joie.

On rit on parle on fume une cigarette
On fait connaissance.


1667

Halika na

Halika na

Laisse-moi t’imaginer à mes côtés

J’attendais ce moment depuis si longtemps

Qui peut le plus peut le moins

Je te vois comme un roc au milieu de la végétation

J’ai besoin que tu me rejoignes

Tu sais j’irais à Lérins disperser ses cendres

On pourrait se revoir dans les Calanques

J’aime passer ma main dans tes cheveux

Caresser tes genoux

Regarder le soleil se lever
...
Prendre le bus des écoliers

Pieds nus sur la grève

À pleines mains rassembler les étoiles

Le train passera dans un tunnel

Comme avec Guillaume Apollinaire

Sous le pont Mirabeau
...
J’entends les enfants qui pleurent

Je me lèverais

Je les rassurerais

Et quand je reviendrais tu ne seras plus là

Plus haut plus fort

Je t’attendrais en gare de Saint-Flour

Pour aller te rejoindre à Saint-Chély

La vague
Une dernière fois
Le pourvoi
Se rappeler
Le bruit des boggies sur les rails
Le son de la flûte des vertèbres
Comme un cœur tracé sur la vitre embuée
À voir le paysage défiler
Sans que tu reviennes.


1666

À même l’arbre et le banc

S’assoir
À trois
Réunis
Dans l’espace dévolu.

En connaissance
Et manifestation
D'être unique
En la trouée de vie et de lumière.

Attendre sagement
Que le sang coule
Sous le gravier piétiné
À même l’arbre et le banc.

Et l’infini
De s’exposer
Aux sacrilèges de l’analogie
Par delà l’épée du gardien de la porte.

Parangon de la poésie pure
Point de métaphysique
Juste quelque ouvrage discret
Métamorphose de la matière.

Joie et nature
Accouplées
Dans le feulement du vent
À même le cœur du Roi.

Ne songeons plus
Soyons les nobles voyageurs
En marge de l’histoire
À distinguer l’ordinaire de l’itinéraire.

Route sans trace
De l’oiseau-lyre
Dans la vastitude
À jour d’heur guidé.

Aux limites du domaine
Perlent les trois dimensions de l’Être
Le corps abîme de mélancolie
Permettant au cœur et à l’esprit de se joindre.

Immobile et muet
Le mirage d’extase disposé
S’efforcer d’exprimer
Le lieu unique figeant l’errance.

Pure apparence advenue
Des grondements de l’instinct
Le serpent chevelu
Se love dans le feu spirituel.

L’Amour cligne des yeux
Nous saisissons l’instant
Où la créature s’encastre à même l’éther
Entre l’objet et son image.



1665

Barrage-langage

Barrage-langage
Ce même regard
Ad hominem
Pour le berceau et la tombe.

Pleine de curiosité
Elle a enfreint le paradoxe
Par ivresse partagée
Quand passait la pensée.

Réveille-toi
Ardent reflet des Asturies
À témoigner fausse science
Pose la question.

Du mouvement
Par addition des substances
Ils ont prévu
Le vide et le plein.

De l’arrogance noble
À la Poméranie suédoise
L’insubstancielle souvenance
Est devenu aurore boréale.

La Chose est là
Bien plus que le sceau funéraire
Le tri permet le paroxysme
De l’entendre-te-dire.

Cage-à-poule
Au miroir grillagé
La tache rouge
Permet le labyrinthe.

Et de rire
Ceint de notre perception sensorielle
Des solifluxions relationnelles
De toute étendue bornée.

Par le rythme
Ils accompliraient la refonte
Des sécrétions opaques
Permettant la vision.

De l’Amour à l’Être
Femme des danses rituelles
Spirituelles et virginales
Manifeste la tendresse.

J’ai tiré de ma poche
Les outils de liberté
Songe inextinguible
D’une ligne de temps inclusive.

J’attire aux confins
Ni fini ni infini
Juste la mémoire
D’un arcane courtois.


( œuvre de Jean-Claude Guererro )

1664

La présence à ce qui s'advient