Category Archives: 年 2024

L’immédiateté de l’instant

Un peu plus qu’un trou noir
Aspirant une étoile
Avons perçu
La petite cellule des égarés
Comme barque sans lien
Cherchant parabole
À se dire
Au couchant
Que la coquille du mental ergoteur
Se brisera
Sur la tranquille inflexibilité
D’un cœur appartenant aux nuages.

Toileux frimas des orifices
Que de gloses faut-il
Pour aborder
Pas de deux oblige
Les simagrées d’un poème qui n’en est pas un
Alors que dehors
Il ne faut tarder
À nourrir
Bouches petites
Comme des chas d’aiguille
Éternellement sur le qui-vive
L’immédiateté de l’instant.

1549

Puisque telle est la loi

Au Rond-point des Bergères 
Palinodie de la Défense
Se départir du déjà-là écrit
Pour se défaire de l’écriture
Allonger le pas sous les lilas de l’allée
Passer devant les toilettes sèches
Cueillir une cerise
Et croiser le chien Noir
Qui rendu à la porte du jardin
S’appuyait contre la barrière
Pour faire la fête à quelque passant.

Black m’avait juste frôlé
Sans s’arrêter
J’étais invisible !
Je revenais dans le jardin de Tante Marie
De la chambre à la cuisine
Puis de la cuisine à la table dressée sous les noisetiers
Il y avait fort à faire
Gabriel parlait de la Tirtaine
Kabou de la Kabylie
Samir du FLN et du MNA
Quant Luce accourant joyeusement
Vint nous montrer les fraises qu’elle avait cueillies.

Il était question du meilleur des couscous
Que Samir recevait du bled
Avec ses graines roulées à la main.

Black venait se blottir entre leurs jambes
Superbement il m’ignorait.

J’étais là
Seul
Décalé
Tous ces gens autour de moi
Pour qui je n’existais pas.

Une auto passa dans la rue
Le crissement des pneus brouilla la scène
Je me retournai
Le jardin était dévasté
Un tractopelle était passé
Amoncelant arbres et buissons
Planches et Parpaings
Dans un méli-mélo surmonté d’un chat trois couleurs.

De mes poches
Tombaient mes carnets à spirales
Attachés l’un à l’autre par la guidoline d’un vélo.

L’on entendait « la vie est belle »
Chantée par Brigitte Fontaine et Zaho de Sagazan
Ultime prêt-à-porter
D’un silence qui broutait le ciel
Rémanence lente des Shadocks
Remontant la piste de luge
En pompant la neige de leurs bâtons de ski.

Un loup passa
Il faisait nuit
Ses yeux blancs immobiles
Un œil pour mon père
Qui venait de quitter son EPAHD
L’autre œil pour mon fils
Qui enfonçait le couteau dans son ventre.

Rideau tiré
Les spectateurs restèrent coits
Une petite lumière en fond de salle jaillit
« Bonbons, caramels, glaces ! »

L’entracte fit s’ébrouer les têtes
Avec un grand panneau publicitaire
Descendant des cintres
Devant le rideau de velours.

C’était un 30 novembre
À 16 heures 30
Il y a 70 ans.

Je pouvais me le permettre
Avec cette cognée de charpentier
D’équarrir les poutres de la Forêt
Pour ce soir
Une dernière fois
Ranger le Pokémon
Sous le sapin des attentes
Une pluie de paillettes d’argent
Sitôt au sol devenir glace vive
Au Vel’ d’Hiv des reflets
, dans le nuage
Que nul ne vit
Si troublante était la cohorte
Des hurlants de faim et de soif
Inondant de miasmes le devant des portes
Bloquées à jamais par le barou des turpitudes.

Je sortais
Il y avait printemps en paradis
Un 30 novembre
Quelle surprise !

Bien m’en avait pris
D’aller au ciné
Voir « Bambi » et « Johny Guitare »
Avant les fêtes de fin d’année
D’autant qu’à l’entresol
Je croisais ma compagne éternelle
Lune trois fois lune
À la chevelure rousse
Hennissant un sourire
Si bon
Devant la série de portraits d’Harcourt
En Noir et Blanc
Puisque telle est la loi.

1548



Se tenir au matin

Se tenir au matin
Se tenir par la main
Sans rien y comprendre
Pour combien de temps encore
Dans l’embarras d’un hiver froid
À se demander …

Accrocher les vêtements mouillés
À la rambarde rouillée
Au dur de la pierre
Recluse sous ses paupières
Du pont au Change
Disposés à contre-courant.

D’aujourd’hui et d’hier
Les militants défilant sous le balcon
Dans un brouillamini de mort-de-faim
Ont subtilisé la mesure de la halle aux grains
Pour plus de grandeur encore
Panthéoniser la croix et la bannière.

Frères des monastères
À mesure des verstes franchies
La carlingue de l’avion vibre encore
Vibrato unique de la carence affective
Des nonnes nos sœurs
Se figeant en infirmières dédiées.

Courant comme paille sous le sabot
La litière fut rapidement disposée
Tels coquelicots d’or
Murant d’effets spéciaux
Les portes du palais
Aux occasions manquées.

Pleutre
Mais conquis par la résonance
Des dalles d’ardoise soumises aux grêlons
Il fût aisé de se croire en été
Balle de glaise
Épousant à l’eau claire le lac de Jade.


1547

Paréidolie des ombres

Paréidolie des ombres
Ici
Un 30 novembre
Au rythme du djembé
Le chuchotis des uns et des autres
D’avoir signifié un évènement
Pris par la peau du cou
Comme un chat
Là – c’est là
Accroché au plafond
Tenancier abusé
Des grilles de lumière et des tuyaux ronds.

D’avoir cherché sa place
Julia hier à gauche
Aujourd’hui à droite
En description uniquement
La grande respiration du buffle
L’envers
Le silence qui se fait
Illusion conjuguée
Échappée par la fenêtre
À la pêche
C’est ouvert
Le monde n’existe plus
J’ai rencontré celui qui viendra
Chanter mes chants de gloire
Comme le père Magloire
Sur la table en époxie
Le rien du tout venant
La pensée pas encore démarrée
Le plus tard possible
Se passer de l’avenir
Pour modifier le passé.

De ces morts presque contigües
De mon père de mon fils
Les revers crêpés de la veste
Halètement
De la vapeur sort des naseaux.


Dans la terre meuble
Le sourire des nuages
En prévention de ce qui arrive trop vite
Et que la mémoire thésaurise.

Cette pelletée de souvenirs
Jetée dans le foyer de la machine
Couardise effacée
De la Bête humaine.

Souriez, vous êtes filmé
Écart pour laisse filer le paysage
Le doigt sur l’œil
Pour décaler la vision
Miracle de la lune verte
Le temps qui passe en prenant son temps.

Mathieu-Benoît le frère du soi manquant
L’affligé
Le courbé
Au retour vers la maison

Les minutes saisies en variation de l’animation
À la règle
La marge tracée
À gauche à droite je ne sais
Je ne sais
Je ne saurai jamais
Je saurai encore.

Posés comme noyaux de cerises
Près du torrent en Ardèche
Chaque noyau étant le dépositaire d’une intention
Propulser le noyau en pinçant le pouce et l’index
Comme ça
Comme ça vient
Chaque noyau tombé donnant réponse
Sur une pierre
Sur une feuille morte
Sur la fourche d’une brindille
Derrière un rocher
Tout près devant mon pied
Dans le moussu de l’eau
À côté d’un phasme.

Le temps n’existe pas
La synchronicité est là
Nous sommes Un
Je suis Un
L’attention crée le sens
Puis baisser de volume
Jusqu’ l’immobilité
Pas de bruit
Une porte claque
Je m’enfuis
Je rentre en moi
Et ça repart
Un coup de vent ouvre la porte
Elle est rentrée
L’Ombre
En moto pétaradante
Elle s’est approchée
Et la forme noire m’a saisie
En me débattant mollement
Jusqu’à l’éveil.

Croquante pomme d’amour
Éjectant ses pépins
Au clair-obscur d’une fin du jour
Face à la route humide
Les pneus faisant outrancièrement
Un bruit de machine à laver
À laquelle on aurait enlevé le hublot.

En décalage
De l'entre-deux propitiatoire
Au giratoire du rond-point
La girafe dressant sa tête par-dessus l’acacia
Arbre abandonné par le Petit Prince
Après une nuit
À attendre l’autre
Le manque
La déliquescence des chairs pendues
Touchant le sol par les entrailles répandues
Que les corbeaux picorent
À coups de bec jaunes
Pendant que Pénélope
Est défaisant son tissage
Coquetterie affligée d’un regard triste
Destinée à la remontée de l’horizon
Devant le déferlement du tsunami
Inaugurant les défauts du paraître
En boîte de gâteaux secs
Yeux vitreux
Les mains en position de strangulation
Au risque de flécher le sol
Pour passage obligé par les vestiaires
Farcir la gueule du komodo
De cartes vitales périmées
Pour un dernier voyage.


1446

Les écorces du cœur

Vol à voile
De la sagesse
En vision suprême
Le bleu des Dieux
Coule des jours heureux
Au travers du torrent médian
Des écorces du cœur.

Choses inanimées
En interdépendance précaire
La réalité est apparitionnelle
Dans l’expérience du présent
Au nom de l’esprit
Ni torrent ni source advenants
Et essence vide.

Saillie pusillanime
D’une lune claire
Par blanches nues déposées
Le lotus né de la boue
Immobile au creux du mouvement
Frissonne d’une chanson sage
Excluant la moindre émotion.

Il n’est de route
Pour la céleste randonnée
Des chevaux aériens
Sur la trace de la huppe
Que le guide du monde intercepte
Quête et progrès
Étant vains et déprimants.

Gros-Jean comme devant
Nous obligerons l’essentiel de la troupe
De retrouver
À grands coups de chasse-mouches
Les tenanciers de la pollinisation
Là où les plaisirs montants
S’effacent devant la nature.

Ne pas paniquer
Rester calme et serein
Tout nu
S’envoler dans le tel-quel de l’instant
Pour que sans esprit
Le refus de croire impose
L’unique langage universel, la poésie.

1545



Le chapardeur

Les mémoires du chat
Du début des temps
Au cerveau d’aujourd’hui
Sont la solution
Qui ne soit pas auto-créée.

Le sentiment d’avoir un problème
Est réaction à ce qui est
Permettant la résolution
Des idées préconçues
Pour s’adapter au but espéré.

Maquillage des prunelles de l’âge
La descente de l’escalier
Mène aux normes sociales
De l’exigence en conformité
Extérieures à l’idée qu’on s’en fait.

Le mot tisse
Entre le passé et le futur
Sur le métier du présent
L’œuvre d’affinité
La réponse en perspective.

Être une porte sur le monde
Impose la contrainte de connaître
Alors que l’accumulation des connaissances
N’est pas une fin
Juste l’insaisissable Saint Graal.

Le chat part à point d’heure
Il rogne tel le roi du chêne de Vincennes
Sur le rebord de la fenêtre
Dans l’inconnu d’une situation
Le connu des outrances.


1544

L’œuf de l’art

Aimé de toi
L’œuf de l’art
La pierre
Le caillou
Pondu là
Entre les Êtres et les Choses
Embrassant la diversité des pas
En refusant toute excentricité.

Paysage de fleurs et d’oiseaux
Dernier éclat de la mousse
Souffle de la source
Élevant le nuage des humeurs
En variations subtiles
Jusqu’aux confins d’un murmure.

Forme puisée
Propice à l’incitation
Du haut des murs de Babylone
Ouvert de toutes ses fenêtres
Vol des grues par nuit de lune
Adouci au loin
Par l’émergence des phrases isolées
La trame du vivre ensemble
Au cœur de l’homme.

Palmeraie
Aux jeux phoniques délicats
Élaborant symphonie langagière
Cordes vibrantes
Pure résonance
D’un regard qui sait voir
Œil scrutant le paysage
Imprégné de substances
Appuyant la dilatation de la coquille
De pulsions saccadées
Signant de son sang
Le suprême aboutissement
De la rotondité.

Circularité inextricable
Rehausse des désirs informulés
La vision de l’infini
Vibration sobre et élégante
D’une plasticité énamourée
Aux interférences complexifiées
Que le mystère adombre
Au sortir de l’errance
Ombre offerte
Comme carénage d’un cercle
Propulsant hors toutes
Les notes manuscrites
De la confession orale.

Embrasse l’un
Cultive l’autre
Brume des désirs
Le tapotis des doigts
S’adonne à l’universelle présence
D’un balancement prolongé
De traces non traces
Sur le visage sage.

La bête est creuse
La montagne déserte
Personne n’est en vue
L’écho des voix
Somme d’arrimer le socle
Aux cornes du cerf de circonstance.

Refuge des oubliés
Inaugurant
Le plan céleste-terrestre
Par la visée de sélection
De l’ordre vécu et rêvé
D’un déploiement d’ailes
Aux confins visibles et invisibles
De la beauté
Répandue irrévérencieusement
Zeste des fruits mûrs
Le déjà-là
De la levée inaugurale
Du bâton de plumes
Sous le regard vif et profond
De celui qui
De celui quoi
De celui qui pour quoi
Mêle argile et eau
Au service de qui vit.

(œuvre de Martine Cuenat )

1543


Brève coulure

Coulure de l’orifice
Le crément des bulles sages
Le ruisselet des mots de tous les jours
L’apport fraîchement né de l’orage.

Coulent
La bise du matin
Le colifichet des saveurs
La part minuscule d’être là
Aux portes de la mélancolie.

Coule
L’évidence de la perte
D’un au-delà où ré-enchanter le monde
Par cette simple vie sans prestige
Ravaudée par endroits
À mâcher d’un village l’autre
D’une surdité à l’autre
Quelque bouffée de lumière.


Coule
Le naufragé en pays hostile
Loin de la paresse
Mais soumis à la mort merveilleuse
De ne rien faire.

Coule
La grâce toute puissante de la passivité
Conjuguée entre le cœur et le monde
Prête à éprouver l’incertitude négative
De l’intelligence analytique.

Coule
Par vent fort
Cette lutte à mort
De la phrase pleine de graillons
Contre les crevasses du passé.

Coule
L’appel de l’enfant des hautes terres
Au sifflet d’argent
Poussant à l’extrême l’instant éternel.

Coule
Le fond d’un silence
Suscitant la parole
Centre même du vrai langage
Disant la plénitude du fait même d’exister.

Coule
Cet inlassable monologue
Cette réticence à inscrire
D’une écriture blanche
Le mémorable sans malice
Pour se taire.

Coule
Les vérités les plus simples
Les plus concrètes
Comme morceau de verre brulant au soleil.

Coule
La nuit du cœur
En quête du sacré
Ce personnage que nul n’a vu
Sans changer de trottoir.

Coule
L’enfant qui n’habite pas très loin du paradis
Que l’arbitre a sifflé
Car au bord de comprendre
Que l’ennui fleure bon le gibier angélique.

Coulent
Paroles à profusion
De quoi déboussoler le poète
Quand thèmes épinglés
Saillir la crête subliminale
Puis rassembler les flonflons
D’une parole parcellaire.

Coule
Le picot de la scène primitive
École buissonnière
Lieu de rassemblement des herbes folles
À même de jardiner
Le grand et le petit des apartés
Dans le saisissement vertical
Des mots de brève compagnie.


1542

Petits papiers ourlés de miel

Petits papiers 
Ourlés de miel
Recueillent substantiellement
Les mille fleurs du désert.

Éparpillés sur la dalle
Les papiers gras de la fête
Se sont envolés
Pour se coller aux façades.

Papillons de soie
Se précipitant ver la fontaine
Ils ont fardés le visage de Mère
Posé là sous le platane.

Nous irons tous aux gabarres
Fouler le plancher humide
Et permettre la descente de la rivière
Jusqu’à la dernière écluse.

Douce et verte campagne
Au bruissement des aulnes
Nous associerons le claquement de portière
Jeté sec sur le chemin de halage.

Gouttelettes de rosée posées
Le liseron montera jusqu’aux genoux
Pour que rai de lumière soudain
Brûler le cœur du papier d’Arménie.


1541

La nuage du haut de la futaie

Il courait bien vite
Le nuage du haut de la futaie
De droite à gauche
Comme pour remonter le temps
Dans la splendeur du monde.

Filant grand train
Il rejoignait en silence
Ce grand amour qui manque à tout amour
Après avoir ouvert
Les portes du merveilleux.

Conçu
Dans le terreau des pensées et des rêves
Lui l’organiste des sciences appliquées
Il rassemblait les souvenirs d’antan
Pour une ultime friction.

Grave et souriant
Il avait mis le nez à la fenêtre
Tel le prisonnier sortant de geôle
À espérer un petit moment
Un cœur fidèle au quart-temps de la partie.

L’organon n’était plus de mise
Une simple balayette suffisait
Pour chasser les mauvais esprits
Dans l’entre-deux des mirages
D’un printemps qui s’en va.

En robe de lin
Pieds nus
Il arpentait le ciel
Juste un instant
Avant sa disparition.


1540